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Et quand vous aurez, Sire, fait ainsi de la Révolution pendant vingt ans, votre successeur en fera pendant quarante, et avec un luxe de moyens qui ne fera plus regarder vos œuvres, en ce genre, que comme des ébauches d'apprenti.

Pour revenir à vous, qui n'êtes pas le grand roi, et qui faites patiemment tous les frais de ma prosopopée, voilà, mon cher ami, d'où est venue la Révolution. Quant à la Révocation de l'Édit de Nantes, je l'absous absolument sur ce chef; et si, moi entendu, il vous fallait un renfort d'avis sur la question, allez le prendre ailleurs que chez les mécréants; à Meaux, plutôt qu'à Ferney ou à Genève. Faites-vous des convictions avec la haute et honnête raison de Bossuet, plutôt qu'avec l'ignorance et les mensonges de Voltaire.

Tout à vous,

P. J. CONSTANT, Dominicain, Docteur en Théologie et en Droit Canon.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

A. On pensait, des protestants, au commencement du dix-septième siècle, tout ce qu'en pensait, à sa fin, le duc de Bourgogne. Un document de 1623 exprime tellement les mêmes idées, qu'on dirait que le petit-fils de Louis XIV n'a eu qu'à en changer la forme. L'auteur s'adresse aux protestants : « Votre › religion, leur dit-il, n'a-t-elle pas allumé le feu aux quatre coins de la > France ? N'avons-nous pas vu (au moins mon père me l'a dit cent fois), › depuis l'avènement de Henri IV à la couronne, tout ce royaume bouleversé » de fond en comble par votre sujet ?... A peine eûtes-vous sucé la doctrine > impie de Calvin et de Luther, que vous méditâtes, dès lors, la ruine de cette > couronne... La Guyenne, le Languedoc, les plaines de Jarnac, de Montcon> tour, de Dreux et une infinité de fleuves, sont encore empourprés de notre > sang... Ceux de la religion ferment les portes au Roi, font des assemblées, > etc., monopoles contre sa volonté, portent opiniâtrément les armes contre > son service, tranchent du souverain en leurs factions, disposent des provin> ces et deniers royaux, constituent gouverneurs où bon leur semble, parta> gent ce royaume à leur volonté, bref, se persuadent que la France ne doit > plus respirer que par leurs moyens. » (Caquets de l'accouchée, page 81.) Quelques années après, Malherbe écrivait à Louis XIII, partant en guerre pour la Rochelle :

Prends ton foudre, Louis, et va, comme un lion,
Porter le dernier coup à la dernière tête

De la rébellion.

Par qui sont aujourd'hui tant de villes désertes,
Tant de grands bâtiments en masures changés
Et de tant de chardons les campagnes couvertes,
Que par ces enragés ?

Marche, va les détruire, éteins-en la semence, etc.

B. Résumé, d'après M. Legrelle, du traité passé par Sardan de la Houssaye, plénipotentiaire protestant, avec le prince d'Orange: - Les griefs invoqués < > au début de cet acte, étaient essentiellement de nature politique. — A la › suite du traité des Pyrénées, y était-il dit, les quatre principales provinces > du Midi de la France avaient eu à souffrir de cruelles désillusions. Les impôts, › mêmes extraordinaires, n'avaient point été abolis, conformément au vœu › général.Tout au contraire, les États de la Guyenne et du Dauphiné s'étaient > vus supprimés; ceux de la Provence avaient été démembrés; ceux du > Languedoc pouvaient passer pour n'être plus que l'ombre vaine d'eux› mêmes. Aussi, continuait le préambule, une ligue s'était-elle formée pour le > rétablissement et le maintien intégral des anciens privilèges. Ce qu'elle > voulait, par conséquent, obtenir, c'était la suppression complète de toutes › les innovations introduites dans le pays, depuis les États Généraux tenus > sous Henri III. Afin d'y mieux réussir, la fédération avait décidé d'implorer > le concours des États Généraux. Le stathouder, au surplus, n'était-il pas un > des leurs? Répondant à cet appel, Guillaume d'Orange s'engageait donc › à mettre en mer une flotte de 60 navires avec 10.000 hommes, destinée à > renforcer les confédérés, et à tenir, à leur disposition, un fonds de secours › dans Avignon. Il ne réclame, pour la Hollande, que le droit de commercer › librement et sans taxes, avec les provinces soulevées. De leur côté, les con› fédérés, avant le 15 juillet 1674, auraient équipé 15.000 hommes, ou tout au > moins 12.000. L'article II ajoutait qu'on ne ferait pas de paix, sans > obtenir la ratification de l'accord conclu en faveur de la liberté du culte. >> (Page 10 et 11.)

Sardan de la Houssaye, n'ayant pu réussir à remplir ses engagements visà-vis du stathouder, se tourna vers Charles II d'Espagne, et traita aux mêmes conditions. Voici quelque chose de la conclusion du traité avec l'Espagne : < En échange de tant de bienfaits (tous les secours de l'Espagne), Sardan > contractait l'obligation de lever, avant la fin de l'année courante (1674), > 12.000 hommes, dans les Cévennes et le Vivarais. Il devait employer ces > forces pour s'emparer du plus de places possible le long du Rhône, et, d'une › manière générale, de toutes celles qui seraient à sa portée, fût-ce dans le > simple voisinage des provinces associées. Le but principal de la prise d'armes › devait être cependant, autant que possible, l'enlèvement d'une ville impor> tante, afin de provoquer par là une insurrection d'ensemble. Il demeurait > bien entendu, entre les contractants, qu'une fois leur succès assuré et con> solidé, les vainqueurs constitueraient un État particulier ou République sur › le modèle des provinces-unies et sous le protectorat de la monarchie espa> gnole. Il est au moins permis de conjecturer que Don Juan d'Autriche n'eût ▷ pas été mal aise de s'y tailler un apanage indépendant, un royaume de con>solation.» (Page 12.)

Montrevel chargé de la répression des Camisards écrit au roi : < Cette > affaire est conduite et soutenue par les pays étrangers dont les rebelles > reçoivent, malgré les précautions qu'on a prises, des secours et des instruc> tions fréquentes. » Et Villars qui prend sa place : « On ne peut être plus > mortifié que je l'ai été, quand, après avoir donné à votre Majesté une espé»rance de voir tomber tout d'un coup cette révolte, on vit seulement Cavalier, › quelques-uns des principaux chefs et près de cent hommes de sa troupe,

› recourir à la clémence de votre Majesté. J'avais dû compter que tout le › reste des rebelles suivrait cet exemple. Ils m'en avaient tous donné leur > parole plus d'une fois. Mais les émissaires d'Angleterre, de Hollande et > surtout de M. le duc de Savoie trouvèrent moyen de regagner Rolland et ➤ Ravenel. Votre Majesté aura été éclairée de la conduite qui a été tenue sur > cela par les lettres interceptées du ministre d'Angleterre à Turin, et nous > apprenons de nouveaux détails par la confession de deux officiers qui > s'étaient embarqués sur ces tartanes avec des ordres de tenter une descente > en Languedoc.>

C. ‹ S'il fallait écouter certains déclamateurs, on croirait que les richesses et > les prospérités avaient fui la France avec les protestants réfugiés ; et cepen› dant, je le demande, le commerce et l'industrie ont-ils cessé de prendre des > accroissements? Dans le cours du XVIIIe siècle, n'a-t-on pas vu se mul> tiplier les étoffes précieuses, les meubles superbes, les tableaux des grands > maîtres, les maisons richement décorées ? A l'époque de la Révocation, notre > commerce, à peine sorti des mains de Colbert, son créateur, était encore › dans l'enfance. Que pouvions-nous apprendre à nos rivaux de qui nous > avons tout appris? L'Angleterre, la Hollande, l'Italie nous avaient devancé › dans la carrière ; les manufactures de Louviers et de Sedan ont eu leurs > modèles chez nos voisins. Le nom seul d'un grand nombre de nos fabrica>tions rappelle Londres, Florence, Naples, Turin, et décèle ainsi leur origine › étrangère. La Prusse est presque la seule où les réfugiés aient fait des établissements considérables: Brême, Hambourg, Lubeck et plusieurs autres > villes n'étaient-elles pas riches et puissantes avant toutes les émigrations? > On voit ici avec quelle légèreté Voltaire et ses copistes ont avancé que, > jusque-là, le nord de l'Allemagne n'était qu'un pays agreste. ➤

(Frayssinous, Conférences. Édition de 1850, t. II, page 304.)

Nous ne pouvons reproduire, tout au long, ce qu'a écrit, sur la même matière, M. de Ségur-Dupeyron, ancien consul de France à Anvers. Nous ramènerons ses développements à quelques brèves assertions résumant les faits.

1o En 1665 (vingt ans avant la révocation de l'Édit de Nantes), un nommé Tilham, de la province de Warwick, conduit dans le Palatinat deux mille ouvriers anglais, tisseurs de laine; on exportait déjà l'industrie de l'étranger. 2o De 1629 à 1681, l'industrie de la soie occupe 40.000 ouvriers à Londres. Ce chiffre n'augmente pas après la révocation. L'appoint des réfugiés n'existe donc pas.

3o Au commencement du XVIIIe siècle, notre industrie conserve tellement sa supériorité que les fabricants anglais demandent au Parlement des lois protectrices contre nos produits.

4o Les manufactures fondées par les réfugiés français déclinent peu à peu. Les ouvriers perdent le goût et la main. A peine la paix d'Utrecht a-t-elle rendu la liberté au commerce, que la France inonde la Hollande de ses produits, moins coûteux et mieux fabriqués. (Histoire des négociations maritimes et commerciales de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles considérées dans leurs rapports avec la politique générale. Paris, 1773.)

D. Lettre du Cardinal d'Ossat à Henry IV (1598) :

< Sire, le sujet de cette lettre sera fàcheux, et à nous à écrire, et à Votre

› Majesté à entendre. Mais, comme il procède du Pape, et non de nous, > aussi nous assurons-nous que Votre Majesté prendra en bonne part la > fidélité que nous lui garderons à lui exposer sincèrement ce que Sa Sain> teté nous a dit, et espérons encore que Votre Majesté, par sa bonté, excu> sera le Pape, même en ce où il aura excédé, attendu que ce n'est point > pour aucune mauvaise disposition qui soit en lui, mais pour le grand zèle > qu'il a à la religion catholique, et encore à sa propre réputation.

> Il nous envoya dire, hier matin, que nous le vinssions trouver, sur le soir, › à vingt-deux heures, et, quand nous fûmeş arrivés en présence, il nous dit » qu'il nous avait donné la peine de venir vers lui pour nous communiquer › une grande affliction qu'il avait : qu'il était le plus marry et désolé homme > du monde pour l'Edit que Votre Majesté avait fait en faveur des héréti>ques au préjudice de la religion catholique : lequel édit était enfin passé et > publié, contre l'espérance qu'il avait toujours eue depuis qu'il se parlait de > cet édit, ayant estimé Sa Sainteté que Votre Majesté l'eût fait pour con> tenter les huguenots en apparence et que vous fussiez bien aise que le › clergé s'y opposât et que la cour du parlement refusât de le passer, pour en > servir puis après d'excuses auprès des dits huguenots.....

› Premièrement il voyait un édit, le plus maudit qui se pouvait imaginer > (ce sont ses notes que nous vous réciterons ici et tout le long de cette lettre, ➤ sans y rien ajouter du nôtre), par lequel édit était permise la liberté de > conscience à tout chacun, qui était la pire chose du monde..... Disait Sa » Sainteté prendre en très mauvais augure et s'affligeait entièrement de l'af> fection et ardeur que Votre Majesté avait montrées à faire passer cet édit; > qu'en toute autre chose civile, vous auriez montré grande modération, en > cette-ci, vous aviez découvert une extraordinaire véhémence... que lors› qu'il était question de faire en faveur des hérétiques contre les catholiques, > vous vous formalisiez, parliez d'autorité, disiez vouloir être obéi, et toutefois › que pour faire recevoir et publier le Concile de Trente, qui est une chose > sainte en soi et par vous promise et jurée, vous n'en aviez jamais parlé une > seule fois à la cour de parlement... qu'il ne savait plus qu'espérer ni que > juger de vous ; que ces choses lui mettaient le cerveau à parti; qu'il vous › avait absous et reconnu pour roi contre l'avis des plus grands et plus puis> sants princes chrétiens, qui alors lui prédisaient qu'il s'y trouverait trompé... > que cet édit, que vous lui aviez fait en son nez, était une grande plaie à sa › réputation et à sa renommée et il lui semblait qu'il avait reçu une balafre > en son visage. Et, sur ce propos, il se laissa emporter si avant qu'il ajouta > que, comme il avait alors franchi le fossé pour en venir à l'absolution, aussi > ne feindrait-il pas de le franchir une autre fois s'il fallait faire acte con> traire... etc... >

(Lettres du Cardinal d'Ossat, p. 149.)

Les Origines et les Responsabilités

de l'Insurrection Vendéenne.

Il raconte ensuite à sa façon les doux reproches que lui adresse son ami M. Pelletier, l'évêque intrus; son second voyage, le 30 octobre, au bourg du May, où il arrive le 31, vers onze heures du matin; la scène tragi-comique que lui firent à l'auberge les enfants du bourg, <lui cassant la tête par leurs cris perçants. L'un frap» pait, l'autre chantait; celui-ci feignait d'avoir du mal, celui-là > cassait les vitres. » Et à sa sortie du village : « Les enfants sur mes talons, les femmes âgées sur leurs portes, les hommes courant sur mon passage, me menaçant, me provoquant, m'insultant, me disant que si je venais pour remplacer leur curé, je n'y serais pas longtemps ; d'autres femmes cherchant des pierres pour m'en

assommer. >>

<< Nous passâmes la soirée et le jour de la Toussaint chez M. Mesnard, inconnu au reste des mortels. Il m'associa pour compagnie quatre honnêtes et aimables patriotes: M. le Maire, oncle de M. Mesnard, M. le secrétaire de la municipalité, M. Tareau la Périère et un galant homme de chirurgien. >

Que fit-il, pendant ces trente-six heures, chez ce bourgeois, en compagnie de ces quatre patriotes, le jour de la fête de la Toussaint? Célébrait-il la messe dans un oratoire particulier? Ce n'est pas probable. Quel exemple pour ceux qu'il prétendait convertir!

<< Le jour des morts, ajoute-t-il, je montai à cheval pour reprendre la route de Chemillé. Il me fallait encore repasser le bourg du May.... J'entrai au bourg à l'instant où l'on sortait de la première messe. A peine fus-je vis-à-vis de l'église, qu'à l'instant « la population m'inonda de grossièretés. Je piquai un peu mon cheval.

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