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devpir restreindre la tendance arbitraire du projet ministériel ces amendemens s'appliquaient surtout à sa seconde partie, et, en terminant, le rapporteur les résumait ainsi. qu'il suit :

«Nous réduisons le droit d'exil à celui de renvoyer chacun dans son domicile.

« Le droit de désarmement est restreint à celui d'enlever les armes et les munitions de l'ennemi ou des rebelles avant le combat ou après la victoire.

Le droit de perquisition nocturne est limité à celui de poursuivre, après le coucher du soleil des ennemis vaincus pendant le jour.

« Ces droits ainsi restreints, nous proposons de ne les accorder que dans l'état de guerre réelle, et pour la durée des hostilités, au général commandant les forces réunies contre l'invasion où la révolte, qui les exercera sous sa responsabilité: »

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D'ailleurs, et malgré les soins consacrés par elle à son travail, la commission ne s'en exagérait pas les avantages, et M. Allent présageait en quelque sorte le destin réservé au projet, dans cette conclusion de son rapport :

-« Quoi qu'il en soit, disait-il, les mesures auxquelles nous réduisons la loi qui vous est proposée n'excèdent pas celles que pourrait prendre, en vertu du droit ou des nécessités de la guerre, un général d'armée dont le courage moral, comme la vaillance, serait égal aux dangers de la patrie mais la loi peut, en ce cas., fortifier la faiblesse, et tempérer l'exagération où la témérité.

«C'est là peut-être l'utilité réelle de la loi; car nos amendemens y détruisent le ressort politique que le gouvernement avait cru possible et utile d'y placer, et, nous devons en convenir, de projet amende encourra le reproche d'avoir, sans atteindre ce but, restreint les libertés publiques. En effet, la loi, telle que nous la modifions, ne doit satisfaire ni les personnes qui pensent qu'on ne peut donner trop de force au pouvoir, ni celles qui désirent qu'on ne lui accorde rien, pour qu'au jour de l'attaque. il se trouve sans résistance ou réduit à tout usurper; ni les amis de la li berté, qui la placent exclusivement dans les garanties individuelles. Votre commission, messieurs, croit que les libertés publiques sont éga➡ lement en péril, quand les particuliers demeurent sans protection contre le pouvoir, et quand le citoyen est plus fort pour attaquer les lois que la cité pour les défendre. C'est dans cet esprit que, sans rejeter la loi proposée, nous avons essayé de réduire les sacrifices qu'elle impose à ce qu'exige la défense du territoire et de l'ordre social.

« Satisfera-t-elle à toutes les conditions d'une loi générale sur la sédition et sur la guerre civile? Votre commission, messieurs, ne le croit pas. Nous doutons qu'elle offre des moyens suf sans pour prévenir ou réprimer ces séditions dont la capitale et la première de nos villes manufacturières ont offert de si tristes exemples, ni ces guerres civiles que nous avons vues, combinées avec la descente ou l'invasion, favoriser par de funestes diversions la guerre étrangère et les vues politiques de l'ennemi.

« Mais votre commission n'avait ni le droit ni le devoir d'essayer la ré

daction d'une semblable loi. Quelle que soit l'initiative qui appartient individuellement aux membres des Chambres législatives, la commission a dû se renfermer dans les propositions du gouvernement, rester dans les limites du droit d'amender, et, sur une matière qui touche aux libertés publiques, se confornier au but de votre institution, qui est de maintenir et de modérer. »>

15, 16 et 18 février. Un accident arrivé au maréchal Soult retarda de quelques semaines la discussion du projet de loi. La Chambre l'entama enfin et s'y livra durant trois séances. M. le marquis de Dreux Brézé fut le premier orateur qui parla contre, en le qualifiant de liberticide. Suivant lui, les amendemens de la commission n'en avaient que légèrement modifié le principe. Il rappela les paroles prononcées par M., Villemain dans la séance du 19 août 1830: « Nous n'aurons jamais, avait dit l'orateur, de ministres capables de faire mitrailler la population de Paris, et qui aient l'insolence, la folie de déclarer Paris en état de siége. » M. Villemain expliqua ses paroles, en disant qu'il n'avait placé au premier rang des attentats amenés par les ordonnances de juillet la criminelle démence d'avoir mis en état de siégé la capitale de l'empire, que parce qu'alors, dans sa pensée, cet acte avait pour but de mettre en état de siége, non pas une révolte partielle, mais Paris tout entier, Paris qui avait pris l'initiative d'une résistance légitime et nécessaire; et que là était la folie. Trois ministres, MM. le garde-des-sceaux, le président du conseil, ministre de la guerre, le ministre de l'instruction publique se partagèrent la défense du projet, qui fut encore soutenu par MM. Mathieu Dumas et Philippe de Ségur. Après M. de Dreux Brézé, M. le due de Noailles se montra son plus énergique adver、saire. Plusieurs pairs, et entre autres M. le baron Mounier, proposèrent une série d'amendemens, ce qui motiva la demande d'un renvoi à la commission. Quand la discussion générale eut été cose, M. le comte d'Ambrugeac fit observer que l'article 1er du projet se bornait à mentionner le décret du 24 décembre 1811, et que ce décret se compo

sant de 68 articles il serait bon de savoir quels articles on voulait maintenir. Le renvoi à la commission fut. en conséquence mis aux voix et prononcé à l'unanimité. Le projet de loi rentra dans les cartons de la Chambre et n'en sortit plus, probablement parce que le ministère ne trouvait plus d'in-. térêt à presser l'examen d'un projet de loi tellement affaibli, qu'il devenait presque inutile, sans néanmoins cesser d'être odieux.

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Entrée de M. Sébastiani au conseil. Budget définitif de 1830. — Incident sur la communication aux Chambres des traités diplomatiques. Loi sur la police du roulage. Loi qui suspend l'organisation de la garde nationale dans diverses communes de la Corse et des Bouches-duRhone-Lois sur l'état des hommes de couleur et le régime législatif des colonies. — Traités conclus avec l'Angleterre relativement à la traite des noirs. Incident relatif M. Cabet, député. - Demande en autorisation de poursuites contre lui. Lettre de M. Renouard, député.`

Sorti vainqueur de la discussion de l'adresse, le ministère du 11 octobre s'était consolidé au pouvoir, et plus heureux que la plupart de leurs prédécesseurs, ses membres pouvaient se promettre un règne paisible dont rien alorş ne menaçait la durée. L'ordonnance en date du 23 mars, qui nomma M. le comte Horace Sébastiani ministre avec entrée au conseil, ne changea, rien à l'état des choses. Cette nomination semblait indiquer un retour au système des ministres sans portefeuille, abondonné depuis le mois de novembre 1830 et l'avénement de M. Laffitte à la présidence du conseil. La situation de l'Orient et surtout la confiance personnelle du roi furent généralement regardées comme les motifs du rappel de l'ex-ministre des affaires étrangères.

Dès le commencement de la session (28 novembre), le budget définitif, portant réglement des comptes de l'année 1830, avait été présenté à la Chambre des députés. Le rapport n'en put être achevé que plus de deux mois après (6 février). L'influence des événemens qu'avait vus s'accomplir cette année mémorable, s'était nécessairement étendue à l'exercice financier. D'une part, à l'expédition d'Alger s'étaient rattachés des déboursés et des recettes extraordinaires; de l'autre, la révolution de juillet avait créé des nécessités

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auxquelles il avait fallu pourvoir à la hâte : l'examen des comptes des divers ministères en était devenu plus laborieux, plus difficile, et dès lors avait exigé plus de temps. Voici le résumé des travaux de la commission, tel que l'établit M. Passy, son rapporteur.

La totalité des crédits ordinaires ou extraordinaires mis à la disposition des ministres, pour l'exercice de 1830, s'élevait à 1,101,353,198 francs. Les paiemens effectués par le trésor présentaient un excédant de 21,858,157 francs; mais, compensation faite entre les crédits à annuler et à transporter, et les crédits à compléter pour dépenses résultant de services faits et payés, l'excédant des crédits demandés était de 16,018,124 francs.

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Les dépenses de l'exercice 1830, après déduction de la somme de 1,699,884 francs, restant à payer sur les services généraux,. s'élevaient en totalité à 1,099,673,363 francs: les paiemens, y compris les fonds spéciaux à reporter sur l'exercice de 1832, montaient à pareille somme, et comme les recettes ordinaires et extraordinaires, effectuées dans le cours de l'exercice, n'avaient produit que 1,035,956,25-1 fr., il en résultait une insuffisance de ressources de la somme de 63,717,112 francs.

La commission reconnaissait qu'il y avait parfaite concordance entre les chiffres relevés par elle, et ceux que constataient et arrêtaient les articles du projet de loi soumis à l'approbation de la Chambre; elle lui en proposait donc l'adoption, sauf néanmoins deux articles, dont l'irrégularité lui avait paru manifeste. De ces deux articles,. l'un se composait de paiemens faits à divers officiers dans les journées des 28 et 29 juillet, l'autre d'avances faites aux adjudicalaires de l'emprunt d'Haïti; le premier s'élevait à la somme de 371,051 francs, le second à celle de 4,848,905 francs. C'était en définitive une réduction de 5,219,956 francs que la commission proposait sur le budget de 1850:·

11 février. La discussion générale s'ouvrit par un dis

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