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ignorait si cet avenir serait long; ce résultat était dû à deux événemens tenant plus du hasard que de la prudence, la réforme anglaise et la guerre d'Orient.

Dans sa réponse au préopinant, après avoir établi que sous le point de vue matériel il n'y avait eu, depuis 1830, d'autres changemens en Europe que la destruction du royaume des Pays-Bas et la révolution intérieure de la Suisse; que, sous le point de vue moral, l'influence de la France, l'influence des idées constitutionnelles avait été toujours croissante, M. Guizot ajoutait :

« J'ose dire que c'est choquer le bon sens public, le bon sens européen, que de dire que, depuis 1830, la sainte-alliance a gagné en force en Europe.

« Il est incontestable que moralement elle a perdu, beaucoup perdu; que l'influence de la France, l'influence de nos idées, de nos institutions a toujours été croissante; et que, bien que l'organisation matérielle de l'Europe ne soit pas changée, bien qu'elle soit restée à peu près la même, sauf les deux ou trois faits que je viens de rappeler à la Chambre, sous le point de vue moral l'état de l'Europe est complétement changé. « A partir de 1815, c'était en effet la sainte-alliance, c'était en effet lé système de réaction contre les idées constitutionnelles qui étaient en progrès; depuis 1830, c'est au contraire le système des idées constitutionnelles qui est en progrès; c'est à son profit que se font les transactions, c'est lui qu'on redoute, c'est lui qui est aujourd'hui la puissance prépondérante en Europe; et si vous passez en revue tous les faits qui s'accomplissent chaque jour, si vous observez le langage qui se tient dans tous les états de l'Europe, vous voyez tantôt sous la formule des paroles de la crainte, tantôt sous la formule des paroles de l'espérance, vous voyez l'influence toujours croissante des idées constitutionnelles, des institutions françaises.

« Voilà quels sont les véritables résultats et de la révolution de juillet et de la politique qu'elle a adoptée depuis son origine.

Sans bouleverser l'Europe, sans nous engager dans cette guerre générale, qui aurait fait sans doute courir des risques aux gouvernemens abso❤ lus, mais qui nous en aurait fait courir aussi à nous; (car les risques se partagent dans une guerre ); sans nous exposer aux chances de cette guerre générale, la politique a sufi à étendre de jour en jour l'influence de la France, l'influence des idées et des institutions constitutionnelles. Tous les changemens faits, soit dans l'ordre matériel, soit dans l'ordre moral, se sont faits au profit de la France, de ses idées et de ses institutions. Je le répète, le véritable et le seul résultat de la politique suivie depuis deux ans et demi, ce résultat est contraire aux paroles que l'honorable membre vient de faire entendre. »

La Chambre écouta encore quelques orateurs de l'opposition, auxquels répondit M. Thiers, et la discussion générale fut fermée. La discussion des articles porta principale

ment sur les traitemens des agens diplomatiques : M. Havin présenta un amendement dont la première partie, tendant à une réduction de 180,000 fr. sur le traitement des six ambassades de Pétersbourg, de Londres, de Vienne, de Constantinople, de Rome et de Madrid, fut rejetée, mais dont la seconde, établissant une réduction de 70,000 fr. súr les trois ambassades de Turin, de Naples et de Berne, fut admise. En définitive la Chambre vota lé chiffre du budget des affaires étrangères, fixé à la somme de 7,197,700 fr.

Finances.

er

20, 26, 27 et 28 février; 1o, 4, 5 et 6 mars. M. J. Lefebvre présenta le rapport de ce budget, sur lequel la commission n'avait pu opérer que des réductions très-faibles. Deux questions relatives, l'une à l'amortissement, l'autre aux pensions, en dominèrent la discussion. La question de l'amortissement fut soulevée par M. Bastide d'Izard, dont l'opinion pouvait se résumer ainsi : Tout a été combiné dans l'intérêt des agioteurs et au détriment des contribuables. Le fonds d'amortissement a été plus d'une fois dé tourné de sa destination; mais quand il aurait été dirigé vers son but, à quoi bon une institution si coûteuse et qui rend si peu de services? Feu M. Say l'avait appréciée à sa juste valeur, et le ministre actuel des finances, M. Humann, dans la séance du 24 décembre 1830, signalant les abus que l'amortissement entraînait, l'appelait une machine destinée à détourner les capitaux de leur véritable route. On ne pouvait nier qu'une dotation annuelle de go millions pour l'amortissement ne fût excessive: si les ministres donnaient l'exemple des économies, s'ils simplifiaient l'administration, le crédit public, assis sur la confiance, se passerait bien d'amortissement. M. Bailliot proposa un amendement qui en changeait entièrement le système : il voulait que désormais, toutes les fois que l'une

des rentes constituant la dette publique aurait dépassé le pair, la partie qui lui serait attribuée dans le fonds d'amortissement fût employée au rachat de la dette flottante, et que les valeurs ainsi rachetées fussent annulées. M. Laffitte alla plus loin encore':

« Après avoir travaillé pour ma part, dit-il, à fonder le crédit qui à comblé les lacunes de la guerre, le moment me paraît venu de fonder le 'crédit définitif, le crédit de la paix.

« Je vous prie, messieurs, de ne pas vous méprendre sur mes paroles. Je ne viens point abandonner des principes que j'ai constamment défendus pendant ma longue carrière, je viens au contraire les développer. »

M..Laffitte rappela ce qu'il avait dit à la tribune en 1817, et ce qu'il avait fait en 1830 étant ministre des finances. Forcé de satisfaire alors aux engagemens du passé et de subvenir aux dépenses d'un armement extraordinaire, dans l'incertitude des événemens, il avait proposé le maintien de l'amortissement. Mais il était certain que la continuation de ce système avait occasioné de grandes pertes au Trésor. Les rentes 5 p. 0/0 émises en avril 1831 à 84 fr. avaient été rachetées depuis à 100 fr.: l'emprunt de 150 millions, adjugé en août 1832 à 98 francs 50 c., avec un semestre presque échu, qui en reportait le prix à 96 fr., non compris les termes de paiement qui le diminuaient encore, avait également dépassé le pair, ce qui obligeait à racheter du 3.p. 0/0 à 77 ou 78, équivalant à du 5 p. 0/0 à 128 et 130.

ces;

« Le moment est venu, ajoutait M. Laffitte, de tout dire sur nos finanle moment est venu de proclamer les véritables notions du crédit public, car maintenant il est assez robuste, assez puissant pour supporter, sans en être ébranlé, l'examen le plus rigoureux, l'analyse la plus complète.

«Notre crédit, après avoir résisté aux plus rudes secousses, s'élève et grandit de nouveau avec rapidité. Sur 169,000,000 de rentes de toutes natures qui restent inscrites, 136,000,000 ont déjà passé le pair et se sont par là soustraites à l'action de l'amortissement; 30,000,000 de 3 pour cent et 2,800,000 de 4 pour cent absorbent seuls un amortissement de 93,000,000. Ces chiffres parlent plus baut que tous les raisonnemens : vous arrivez avec moi aux conséquences.

Dans une situation pareille, il me parait indispensable que le budget de 1834 porte les dispositions suivantes :

« Art. 1. La dotation de la caisse d'amortissement, fixée à la somme annuelle de 42,951,413 fr., en vertu des lois du 25 mars 1817, 25 mars et 18 avril 1831, et 21 avril 1832, continuera d'être affectée au rachat des rentes 5, 4 1/2 et 3 p. 0/0.

• Le fonds d'amortissement de a, 665,050 fr. sera en outre, et en vertu de la loi du 19 juin 1828, spécialement affecté au rachat des rentes 4 p. 0/0.

2. A dater du 31 décembre 1833, la totalité des rentes amorties et celles qui le seront ultérieurement seront rayées du grand-livre de la dette publique.

« 3. Il sera fait entre les rentes 5, 4 1/2 et 3 p. o/o non amorties, une répartition de leur dotation de 42,951,413 fr. proportionnellement au capital constitué de ces rentes, spécialement consacrée à en opérer les rachats au pair, et au dessous du pair seulement.

« 4. Le fonds d'amortissement appartenant à une espèce de rentes dont le prix vénal sera au dessus du pair, sera employé à éteindre la dette flottante, en commençant par les déficits les plus anciens.

« Je ne me dissimule pas que pour être fidèle aux principes que j'ai posés, il aurait fallu annuler complétement l'amortissement. Mais des engagemens pris nous commandent de laisser la dotation intacte; le triomphe d'un principe ne justifierait pas la violation des contrats.

«La combinaison que je propose permet à notre crédit d'entrer dans l'une des phases dont j'ai parlé, celle de l'amortissement sans capitalisation d'intérêts, et c'est déjà un progrès immense. En spécialisant la dotation sur les 5, 4 1/2 et 3 p. 0/0, on leur accorde un amortissement de 1, 14/100 p. 0/0 de leur capital nominal, c'est-à-dire que les 5 et 4 1/2 p. olo seraient rachetés au pair dans l'espace de quatre-vingt-huit ans, et le 3 p. olo dans soixante-dix-sept ans à un prix moyen de 88 fr. Quant aux 4 p. oo, on leur conserve la dotation que la loi leur a affectée de 1,145 p. olo environ, qui permettra de les racheter au pair, en quarante-un

ans. >>

Le ministre des finances défendit au contraire l'amortissement par des considérations générales et des argumens spéciaux. «< Messieurs, dit-il, la caisse d'amortissement est une institution de haute prévoyance publique. La définir ainsi, c'est expliquer d'un seul mot pourquoi elle est si souvent menacée. » S'attachant à prouver l'ipopportunité des mesures proposées, il ajoutait :

«Messieurs, le moment approche où la France recueillera les fruits de sa fidélité à remplir ses engagemens. Tout présage que bientôt on pourra s'occuper de la réduction de la rente 5 pour cent, opération dont les avantages sont inappréciables: d'abord, une économie réelle et an-nuelle que l'on ne peut évaluer à moins de 20 millions; ensuite plus de force et de puissance morale au déhors; enfin, au dedans une plus grande activité industrielle, l'accroissement général de l'aisance et de la richesse. Tous ces résultats seraient compromis si vous affaiblissiez prématurément l'amortissement.

« Et remarqnez que l'annulation des rentes rachetées, qui s'élèvent à 48 millions environ, ne saurait procurer immédiatement aux contribuables un soulagement équivalent. Le budget présente une insuffisance de ressources de 160 millions. Si vous retranchez 48 millions du service de la dette, vous emprunterez, il est vrai, 48 millions de moins, mais vous n'allégerez immédiatement le budget que de l'amortissement et des intérêts de cette somme, c'est-à-dire d'environ deux millions et demi. Ce faible

soulagement, illusoire d'ailleurs, peut-il être mis en balance avec les avantages de la réduction d'intérêt ?

« Nous n'exagérons pas, messieurs, les conséquences de nos principes jusqu'à soutenir que jamais on ne doit toucher aux rentes rachetées ; ce que nous vous demandons, c'est d'ajourner la mesure jusqu'à l'époque où la réduction de l'intérêt sera consommée. Ce parti nous paraît le seul qu'il soit prudent de suivre car, de deux choses l'une : ou la paix se consolide et la réduction se fera; ou le contraire arrive, ce qu'à Dieu ne plaise, et la France aura plus besoin que jamais de soutenir son crédit par un puissant amortissement. »

S'expliquant ensuite sur l'amendement de M. Bailliot, le ministre reconnaissait que l'inconvénient signalé par l'honorable membre serait réel, s'il devait durer; mais il s'engageait à présenter, dès l'ouverture de la seconde session, un projet de loi organique sur l'amortissement, dont jusque-là il priait la Chambre de conserver l'intégralité. La Chambre répondit à ce vœeu, et, après une discussion très-longue et très-animée, elle écarta tous les amendemens tendant soit à supprimer, soit à modifier l'amortissement.

Quand les divers chapitres du budget des finances eurent été successivement votés, M. Bousquet reproduisit sous le titre d'article additionnel une disposition à peu près semblable à celle qu'il avait présentée l'année dernière, et qui avait soulevé des débats importans dont il a été rendu compte dans l'Annuaire de 1832 : elle était conçue en ces termes : .

« Les droits de tous les titulaires de pensions accordées à quelque titre et sous quelque nom que ce soit, depuis le 1er avril 1814 jusqu'au 29 juillet 1830, seront révisés dans le courant de l'année 1833.

« Les pensions ou parties de pensions obtenues par des officiers, des soldats ou leurs veuves, en récompense de services exclusivement rendus dans les armées nationales, et en exécution des ordres du gouvernement français, seront intégralement conservées.

<< Seront spécialement annulées toutes les pensions ou parties de pensions obtenues:

a 1o Pour service dans les armées étrangères, dans celles de la Vendée, de l'émigration, ou tout autre corps non légalement reconnu par le gouvernement établi en France;

« Pour service particulier aux princes de la branche aînée des Bourbons;

« Énfin, toutes celles dont les titulaires ne réunissaient pas toutes les conditions exigées par les lois existantes. >>

Le ministre du commerce et des travaux publics, M. Thiers, combattit la proposition.

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