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qu'aucun autre. C'est ce droit qui fait notre véritable dignité, notre véritable force. Nous n'avons pas cherché à l'étranger des appuis, à obtenir des alliances pour continuer une existence déplorable; non, nous nous sommes présentés à l'étranger en gens de foi, de loyauté, de cœur; nous avons avoué, proclamé notre principe; nous sommes un gouvernement fondé sur le droit national; nous l'avons dit aux étrangers. Mais nous ne voulons pas que notre principe aille révolutionner des états à qui notre régime ne convient pas. Toutes nos complaisances envers les cabinets étrangers se sont bornées à cela. Nous gardons notre principe, qui est approprié à nos mœurs, à notre nature, à notre sol: que les peuples qui croient pouvoir le comporter se le donnent, nous ne le leur apporterons pas. Voilà, messieurs, nos complaisances, que j'appellerai, au contraire, notre honneur, notre loyauté. (Marques prolongées d'approbation.)

Après cette vive réplique qui sembla produire une profonde sensation, la Chambre adopta le projet à une majorité de 91 voix contre 9, sans admettre un article additionnel dans lequel M. Boissy-d'Anglas reproduisait la proposition déjà faite, d'ajourner l'effet de la garantie.

La discussion de la loi sur l'emprunt grec a fait ressortir toute son importance et justifié l'attention prolongée que nous lui avons donnée. Nous glisserons plus rapidement sur deux autres projets de loi dénués de toute portée politique dont les Chambres eurent à s'occuper après ce vote solennel.

Quelque intérêt étranger au fond même du sujet se rattachait cependant à la décision de la Chambre des députés sur le rétablissement des dispositions du Code civil relatives au divorce. Déjà ce rétablissement avait été voté, dans la session de 1832, par la même Chambre. Mais, portée à la Chambre des pairs, la résolution avait été repoussée : une dissidence ouverte sur cette grave question existait donc entre les deux assemblées. Reproduite, le 4 mai, par M Bavoux, la proposition du rétablissement du divorce fut adoptée de nouveau sans discussion par la Chambre des députés (25 mai), qui persévérait ainsi dans sa résolution. On peut supposer que la clôture seule de la session empêcha la Chambre des pairs de témoigner qu'elle persévérait aussi dans son refus, car la commission chargée d'examiner la proposition conclut à son rejet par l'organe de M. Gautier (21 juin). Cette fois encore le gouvernement se tint neutre.

Au surplus, la Chambre des pairs paraissait disposée à enlever aux partisans du divorce l'un de leurs plus puissans argumens, s'il faut en juger par une proposition que M. le président Boyer déposa trois jours après (24 juin ) sur le bureau: elle portait qu'à l'avenir, la séparation de corps prononcée entre époux pour cause d'adultère de la femme, ferait cesser de plein droit la présomption de paternité résultante du mariage, aux termes du Code civil.

La Chambre des députés consacra plusieurs séances à la discussion d'un projet de loi sur l'amortissement. Cette matière, devenue l'objet d'une assez vive polémique, était dans une situation précaire et incertaine depuis 1830, époque à laquelle avait cessé l'action d'une loi qui l'avait en partie régie depuis 1825. Un projet de loi, présenté à la Chambre des députés à la fin de 1830, n'ayant reçu ni alors ni depuis la sanction législative, le gouvernement au commencement de l'année 1833 avait annoncé et promis une loi définitive; toutefois le projet du ministre des finances se fit attendre jusqu'au 6 mai. Comme elle coïncida avec la communication donnée à la Chambre par M. Laffitte d'une proposition sur le même sujet, la présentation de ce projet fut attribuée au désir de paralyser la proposition du député, dont les bases étaient différentes. Quoiqu'il en soit, le projet, ainsi que le déclara le ministre, ne devait point constituer définitivement le système de l'amortissement, mais servir seulement de transition à des mesures ultérieures et définitives, et rétablir temporairement un ordre plus rationnel et plus équitable dans la répartition des fonds affectés au rachat des rentes de toute nature. Telle devait être la portée, tel était le but du projet de loi. La commission chargée de l'examiner, et à laquelle la Chambre avait aussi renvoyé la proposition de M. Laffitte, n'adopta aucun des deux sytèmes; elle établit cependant son travail sur le projet ministériel en lui faisant subir des modifications considérables. Le rapporteur, M. Gouin, annonça (18 mai) qu'elles avaient pour objet de

suppléer aux lacunes du projet qui n'était qu'incomplet et provisoire, malgré la promesse formelle de l'administra

tion.

Voici les dispositions du projet de la commission, auquel accéda le gouvernement et qui ne reçut que de légers changemens dans la discussion. La dotation de la caisse d'amor tisseinent, formant un total de 44,616,413 francs, et les rentes amorties non employées dans la session, devaient être réparties au marc le franc et proportionnellement au capital nominal de chaque espèce de dette entre les diverses rentes; chaque répartition indiquerait séparément le montant des dotations et des rentes rachetées : chaque fonds réparti serait employé au ráchat de chaque espèce de rente, pourvu que le cours n'en fût pas supérieur au pair. Le pair était dé fini le capital nominal, augmenté des arrérages échus du semestre courant. Tout emprunt futur devait être doté d'un fonds d'amortissement dont le minimum serait d'un pour cent. A dater de la promulgation de la loi des dépenses pour 1834, il ne pourrait plus être disposé des rentes rachetées par la caisse qu'en vertu d'une loi spéciale. Les fonds d'amortissement affectés à des rentes au dessus du pair seraient mis en réserve. Le montant de la réserve possédée par la caisse d'amortissement serait exclusivement employé au rachat ou au remboursement de la dette consolidée, remboursement qui n'aurait lieu qu'en vertu d'une loi spéciale. Enfin dans le cas de négociation de rentes sur l'état, les bons du trésor représentant le fonds de réserve seraient convertis en une portion de ces rentes.

24, 25, 27 mai. La discussion des articles souleva incidentellement une question de prérogative constitutionnelle qui fut vivement débattue. Nous venons de voir qu'à partir de la promulgation de la loi des dépenses pour 1834, il ne pourrait être disposé d'aucune partie de rentes rachetées qu'en vertu d'une loi spéciale. Les débats s'engagèrent sur le mot spéciale. Suivant MM. Vidal et Laurence, ce mot était

attentatoire aux droits souverains de la Chambre en matière d'impôts, en matière de budget, puisque la disposition des rentes rachetées étant partie intégrante des lois de finances devait rester facultative pour la Chambre. Le ministre du commerce répondit qu'exercée dans la latitude qu'on lui attribuait, la souveraineté de la Chambre en matière d'impôt deviendrait inconstitutionnelle, et que l'impôt, comme toute autre question législative, devait être soumis à l'action des trois pouvoirs. Le mot spéciale était la garantie du crédit public, de la caisse d'amortissement, contre une disposition que la Chambre des députés introduirait dans un budget, à la fin d'une session, lorsque l'intervention des deux autres pouvoirs par voie d'amendement serait impossible. Il fallait qu'il ne pût être statué dans une matière aussi grave que par le concours pleinement indépendant des trois pouvoirs, et la couronne non plus que la Chambre des pairs n'était libre dans la discussion du budget, puisque de fait elle ne pouvait pas le rejeter. La contestation, dans laquelle intervinrent encore plusieurs orateurs, et. particulièrement M. Dupin, qui se prononça fortement contre l'opinion du ministre, avait pris une haute importance : la Chambre, votant au scrutin secret, maintint le mot spéciale à la faible majorité de 152 voix contre 143. Après ce vif incident, qui ne se termina Pavantage du ministère qu'à une si faible majorité, l'ensemble du projet adopté par 179 voix rencontra encore 82 opposans (28 mai).

Présenté le 31 à la Chambre des pairs, ce projet fut approuvé par la commission chargée.de l'examiner, et M. le comte Roy, son rapporteur, en proposa l'admission dans un rapport qu'il fit le 4 juin. Conformément à ces conclusions, et après de courts débats, dans lesquels M. le baron Portal développa des considérations générales sur la matière, M. de Montlosier quelques critiques sur des points de détails et M. Gautier diverses observations contre les omissions du projet plutôt que contres ses dispositions, la Chambre

l'adopta purement et simplement à l'unanimité des membres présens moins un (6 juin).

Le projet de loi que la Chambre des députés mit en délibération après celui qui précède, était de nature à exciter plus vivement l'attention. Ce projet apporté le 29 avril à la Chambre par M. Thiers tendait à accorder au gouvernement un crédit de 100 millions pour achever et pour entreprendre de nombreux travaux publics.

"

Beaucoup entreprendre, disait le ministre, tel a été l'esprit de presque tous les gouvernemens qui se sont succédé depuis quarante années. Tous, impatiens d'imprimer sur le sol une trace de leur passage, se sont empressés d'élever des édifices, de creuser des canaux, d'ouvrir des routes; mais plus soucieux d'entreprendre des travaux qui leur fussent propres que d'achever les travaux de leurs devanciers, ils n'ont laissé que d'éternels échafaudages sur nos places publiques, et des lits de canaux, restés à sec, sur la surface de nos campagnes.

« Le gouvernement a pensé que sa mission devait être d'achever ; et c'est assurément la plus nouvelle, comme aussi la plus conforme au véritable esprit du gouvernement de juillet.

« Ce gouvernement, venant après quarante ans d'essais politiques en tout genre, a eu pour but de résumer, de compléter, d'affermir tout ce qui avait été essayé avant lui en fait d'institutions. Il sera conséquent avec lui-même, si en fait de grands travaux il aime mieux achever les entreprises commencées qu'en commencer de nouvelles. >>

L'achèvement immédiat des monumens, des canaux, des routes, de l'éclairage des côtes maritimes; l'ouverture de routes stratégiques dans la Vendée, et l'étude préparatoire des chemins de fer, tels étaient les objets de cette importante dépense. Entrant dans un examen approfondi de chacun d'eux, le ministre faisait ainsi la répartition des 100 millions demandés: 24 millions seraient consacrés aux monumens de la capitale; 44 millions aux travaux de canalisation; 17 millions aux routes royales; 12 millions aux routes stratégiques de la Vendée; 2 millions 500 mille francs à l'éclairage des côtes, et 580 mille francs à l'étude des chemins de fer. Il devait être pourvu à ces 100 millions au moyen d'une somme de rentes prélevée sur le montant des rentes rachetées par la caisse d'amortissement, et qui serait de nouveau émise.

à

Les considérations qui avaient déterminé le gouvernement proposer la loi, ressortaient avec une force irrésistible de Ann. hist. pour 1833.

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