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En résumé, le principe de la loi ayant été admis par les deux Chambres, il ne restait plus à discuter que les amendemens de la Chambre des pairs, et le ministre se prononçait en faveur de leur adoption.

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Le lendemain, la Chambre procédant à la discussion des articles, M. Gaëtan de la Rochefoucauld proposa au second paragraphe de l'article 1 un amendement restrictif concernant les pièces justificatives. M. Gaëtan de la Rochefoucauld pas moins de voter le rejet de la loi. Son amendement fut successivement combattu par MM. Fulchiron, d'Argout et Paixhans. Le ministre de l'intérieur dit entre autres choses:

ne se réservait

« A l'égard des simples citoyens, l'amendement de M. de La Rochefoucauld n'est que la reproduction de celui qui a été adopté par la Chambre des pairs, avec une rédaction différente et beaucoup moins complète. Ainsi, par exemple, la Chambre des pairs a exigé des certificats d'identité pour avoir la certitude que les individus qui se présenteraient étaient les mêmes que ceux dont les noms se trouvaient inscrits sur les registres. Eh bien! M. de La Rochefoucauld n'admet pas cette mesure qui est une précaution sage et bonne que la Chambre doit admettre.

<«< Maintenant, en ce qui touche les Gardes-Françaises, faut-il ou les admettre tous indistinctement par le seul fait qu'ils faisaient partie des Gardes-Françaises, ou seulement ceux d'entre eux qui se trouvaient avoir coopéré à la prise de la Bastille, ou faut-il les repousser tous indistinctement?

il ne

<«< Le but de l'amendement serait de les repousser tous, ce qui serait une injustice. On ne doit pas les admettre seulement parce qu'ils ont été Gardes-Françaises; mais s'ils ont pris part à la prise de la Bastille, faut non plus les repousser parce qu'ils ont été Gardes-Françaises. On semble croire que le gouvernement les a admis indistinctement, c'est une erreur fondamentale. Je tiens une circulaire de l'illustre maréchal Jourdan, qui présidait la commission, et qui porte « Qu'il ne suffisait pas d'avoir été Garde-Française, mais qu'il fallait encore avoir concouru à la prise de la >> Bastille. >>

«M. de La Rochefoucauld, par l'amendement qu'il propose, met dans l'impossibilité tout Garde-Française qui aurait participé à la prise de la Bastille, d'être admis. Je pense donc que cet amendement doit être repoussé par la Chambre. »

Quand le président annonça qu'il allait mettre l'amendement aux voix, M. Mérilhou demanda la question préalable, par le motif que la proposition tendait à détruire la loi telle que la Chambre des pairs l'avait votée. La question préalable ayant été accueillie, la Chambre s'occupa des autres ar

ticles, qui passèrent sans objection, et la loi fut ainsi définitivement adoptée.

A la suite d'une discussion qui se rattache à la révolu tion de 89, et dont on n'a pu voir sans un vif intérêt les auteurs et les témoins, ou leurs successeurs immédiats, venir en expliquer les grandes scènes à la tribune, se place naturellement l'examen de trois projets se rapportant à la révolution de 1830. Le premier, présenté le 29 décembre 1832 à la Chambre des députés, tendait à assurer et à régulariser le service des pensions votées en faveur des victimes de juillet. Dans son rapport (24 janvier), M. Bellaigue exposa que les secours accordés aux orphelins, enfans adoptifs de la France, n'avaient pu être fixés dans leur quotité, puisqu'ils s'appliquaient à des besoins que l'âge devait modifier; de là les dispositions de la loi du 13 décembre 1830, et les mesures prises par la commission des récompenses nationales, investie des pouvoirs les plus étendus relativement aux intérêts des orphelins.

« Cette commission, disait le rapporteur, ayant reconnu d'une part, l'impossibilité d'adopter un mode uniforme d'éducation pour tous les enfans, et, d'autre part, l'inconvénient de créer des établissemens spéciaux fort dispendieux, dont la durée devait être très-bornée, a pensé qu'il était préférable de laisser aux tuteurs naturels et légaux des enfans, mais toutefois sous la surveillance du gouvernement, le choix des établissemens publics et privés où les enfans recevraient leur éducation, et de créer pour les frais de cette éducation une pension annuelle de 700 fr. pour chaque orphelin qui aurait dépassé l'âge de sept ans.

« Une ordonnance royale du 25 août 1831, en conformité de cet avis de la commission, a prescrit l'inscription au Trésor public de ces pensions de 700 francs, imputables au crédit de 460,000, ouvert par la loiĝdu 13 décembre 1830.

« Ce crédit, qui ne s'appliquait pas seulement aux orphelins, mais aux blessés, aux veuves et aux ascendans des victimes de juillet, a été reconnu insuffisant, et porté par la loi du 24 novembre 1831 à 660,000 fr. Mais jusqu'à ce qu'il eût été fait droit à toutes les réclamations, on ne pouvait établir que des évaluations, et la somme nécessaire au service des pensions des orphelins ne pouvait être définitivement fixée qu'après la rcconnaissance de tous les droits.

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« Aujourd'hui qu'ils sont réglés, que les commissions ont achevé leurs travaux, on reconnaît encore que les secours dus aux blessés, aux veuves et aux ascendans, ainsi qu'aux orphelins, dépassent les prévisions qui ont servi de base aux deux crédits de 1830 et 1831.

« 133 orphelins de Paris doivent successivement, dans le cours de 1833 à 1838, parvenir à l'âge de sept ans, passé lequel ils ont droit à la pension de 700 fr.

« 15, pour les départemens, auront droit à des pensions de 500 fr. En ne calculant que l'excédant des nouvelles pensions sur les anciennes, on trouve que le montant total, à réinscrire, serait de 63,600 fr.

Mais sur ce crédit de 660,000 fr., accordé par les lois des 13 décembre 1830 et 24 novembre 1831, il reste à employer 9,150 fr., qui réduisent la somme à demander à 54,450 fr.

« C'est cette somme, messieurs, et non celle de 56,000 fr. énoncée dans le projet de loi, que votre commission vous propose d'accorder en crédît nouveau pour le service des pensions. »

La Chambre adopta sans discussion le projet ainsi amendé par la commission (25 janvier).

Le second projet, relatif aux secours ou indemnités une fois payées aux blessés et aux familles des victimes de juillet, n'avait point pour but d'ouvrir un nouveau crédit ou de créer une nouvelle dépense, mais seulement d'annuler une portion de crédit affectée à l'exercice 1831, pour la reporter à l'exercice 1832. En effet, l'article 7 de la loi du 13 décembre 1830 avait ouvert au ministre de l'intérieur un crédit de 2,400,000 francs: la loi de finances du 16 octobre 1831 réduisit cette allocation à 1,500,000 francs, et le montant des secours devait être déterminé par la commission des récompenses nationales. Le travail de cette commission ne fut terminé que le 31 octobre 1831, et il devint impossible d'opérer avant 1832 la liquidation des secours et des indemnités. Cet ordre de choses étant en opposition avec les règles de la comptabilité, qui ne permettent pas d'imputer sur le crédit d'une année des dépenses qui s'appliquent au crédit d'une autre, le projet tendait à légaliser cette dérogation aux principes. Le rapporteur de la commission, M. Dumeilet, en proposa l'adoption (30 janvier), qui fut prononcée par la Chambre (9 février).

Enfin, le troisième projet s'appliquait à l'ouverture d'un crédit supplémentaire de 2,200,000 francs, destiné à indemniser les personnes dont les propriétés avaient souffert par suite des événemens de juillet. La loi du 30 août 1830 avait posé le principe du crédit, et décidé qu'une commission, nommée par le roi, se livrerait aux recherches nécessaires pour reconnaître les ayant-droit. Cette commission

avait présenté un tableau des liquidations opérées par elle, et s'élevant en masse à une somme de 4,028,893 francs 53 centimes. Déjà un premier crédit de 2 millions avait été accordé par la loi de finances du 16 octobre 1831 : il ne restait donc à allouer qu'un crédit supplémentaire égal au reste de la somme totale; mais le gouvernement le portait à 2,200,000 francs, dans la prévoyance qu'une somme de 170,000 francs environ lui serait nécessaire pour satisfaire à quelques réclamations qui n'avaient pu être encore liquidées, parce que la commission des indemnités n'avait pas cru pouvoir les apprécier, sans dépasser les limites de sa compétence.

La commission nommée par la Chambre des députés pour l'examen du projet de loi, et dont le rapporteur était M. Tixier Lachassaigne, ne voulant pas soumettre à un examen particulier chacun des actes de cette immense liquidation, se borna à en vérifier quelques uns pris au hasard, et cette vérification suffit pour la convaincre du mérite de tout le travail, qu'elle proposait à une approbation définitive.

Cependant un dissentiment assez grave s'était élevé dans son sein, concernant deux classes particulières d'indemnitaires : la première se composant des personnes attachées au service de l'ancienne liste civile, la seconde des citoyens ayant fait partie de la gendarmerie de Paris. Quelques membres de la commission, et c'était encore la minorité, pensaient que ces deux classes de personnes ne pouvaient prétendre au bénéfice de la loi du 30 août. Quelle qu'ait été, disaient-ils, la générosité de la révolution de juillet, on ne saurait admettre qu'elle ait voulu accorder des indemnités à ses adversaires et traiter ses ennemis comme ses amis. Or, les personnes dont il s'agit étaient, au moment de la révolution, dans une position hostile envers elle. La commission de liquidation avait été tellement frappée de ces argumens, qu'elle montra d'abord quelque hésitation à accueillir les réclamations de ces deux classes d'indemnitaires, et ne

s'occupa de leurs demandes qu'après avoir consulté M. Casimir Périer, alors le président du conseil, dont l'avis fut qu'on ne devait pas établir de catégories contrairement au texte de la loi. Telle fut aussi l'opinion de la majorité de la commission de la Chambre.

Sur la question de savoir si l'indemnité s'étendait aux habitans des départemens se trouvant dans la même situation que ceux de la capitale, la commission pensa également que la loi ne distinguait pas, et que par conséquent nulle exclusion n'était possible.

Enfin sur la réclamation particulière du général Dubourg s'élevant à une somme de 42,000 francs pour dépenses faites dans les journées de juillet, en achat d'armes ou de chevaux, en distribution de vivres ou d'argent, la commission de la Chambre ne crut pas pouvoir accueillir le vœu émis par la commission de liquidation, et tendant à ce que la réclamation fût admise, d'après le motif que, suivant la forme donnée à son expression, ce vou semblait déterminé par la considération de services rendus plutôt que par l'exacte appréciation d'un dommage.

18 et 19 février. Le débat qui s'ouvrit dans la Chambre des députés roula principalement sur les deux classes d'indemnitaires ci-dessus désignées. L'orateur qui parla le premier, M. Coulmann, proposa une réduction de 98,492 fr. applicable aux personnes attachées au service des Tuileries, rétribuées par l'ancienne liste civile, et une réduction de 416,248 francs 45 centimes, applicable aux citoyens ayant fait partie de l'ancienne gendarmerie de la ville de Paris, ensemble 514,740 francs 45 centimes. Cette double réduction fut appuyée par M. Salverte:

« Le projet de loi soumis à votre discussion, dit-il, présente une singularité bien remarquable; c'est, je crois, la première fois dans l'histoire que l'on a proposé à la représentation nationale d'un pays d'indemniser des hommes qui avaient tiré, levé le sabre sur les citoyens; qui l'ont fait sciemment, pour le renversement des lois du pays, de la liberté.

« Qu'on ne dise pas que les gendarmes ont été conduits par une obéissance militaire aveugle, qu'ils n'avaient pas assez discerné dans cette

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