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cation, exprimée en cris séditieux contre la nouvelle monarchie, en cris de mort contre les sergens de ville qui voulaient réprimer le désordre, était partie du côté des jeunes gens.

« Voilà, disait M. Persil, comment le conflit a commencé. Je n'ai plus qu'une chose à dire : c'est que la justice a fait tout ce qu'elle devait pour chercher les provocateurs; elle n'a pas trouvé encore qui avait proféré les cris, qui a appliqué les premiers coups, si ce sont les sergens qui ont tiré leurs épées à ces mots : A l'eau les sergens de ville! ou si ce sont les jeunes gens qui ont fait usage de leurs bâtons, soit pour forcer le passage, soit pour attaquer les sergens de ville, et les jeter à l'eau ensuite. C'est impossible à dire, l'instruction ne le constate pas.

«L'instruction a bien constaté le résultat de ce conflit déplorable. Il y avait pour témoins non-seulement des hommes intéressés, des jeunes gens et des sergens de ville; il y avait aussi des hommes étrangers à ce conflit, qui étaient à côté du pont, qui avaient tout entendu ; des voisins qui, à la lueur des réverbères, avaient vu les bâtons se lever, les épées se croiser, et qui étaient en position de dire ce qui s'était passé.

<< Perrotte, plaignant, sur lequel je dirai quelques mots, qui avait annoncé que des hommes étaient morts, qui avait cité les personnes qui avaient disparu, a été obligé de reconnaître le lendemain que personne n'avait disparu.

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<< Ainsi, que l'orateur qui m'a précédé à la tribune ne dise pas que des hommes morts n'ont pas pu se représenter; tous ceux qui étaient sur le pont ont pu se représenter, et se sont représentés en effet : il n'y a point eu de disparition, il n'y a point eu de morts; première satisfaction.

« On insiste cependant : on parle des blessés; or dit qu'il y a des blessés nombreux, que le sang a coulé par flots. Eh bien! il y a eu six personnes, non pas blessées, mais légèrement atteintes. Sur ces six, j'en mets sur-le-champ cinq de côté, car leurs blessures ont été guéries en quatre jours; ce fait est également constaté. Le sixième, M. Perrotte, est allé à I'Hôtel-Dieu, et malheureusement ses blessures étaient assez graves. M. Perrotte avait-il conservé encore assez d'animosité pour venir se plaindre? Non, messieurs; il aurait gardé le silence, s'il n'avait pas été poussé par des hommes qui avaient un autre intérêt, qui n'étaient point atteints par des blessures physiques, mais qui ressentaient d'autres blessures, et qui demandaient vengeance.

Quant au triple renvoi réclamé par M. Cabet, M. Persil demandait pourquoi le renvoi au garde-des-sceaux, puisque la justice avait fait son devoir; pourquoi le renvoi au ministre de l'intérieur, puisque le préfet de police ne méritait aucun reproche; et enfin, pourquoi le renvoi au président du conseil, puisqu'il ne s'agissait ni d'un acte du gouvernement, ni d'un fait de police générale ?

La Chambre entendit encore M. Salverte et M. Charamaulle, qui parlèrent dans le même sens que M. Cabet.

Le reste de la discussion ne consista qu'en courtes répliques des divers orateurs: la clôture ayant été prononcée, l'ordre du jour fut mis aux voix et adopté à une très-grande majorité.

19 janvier. Les délégués des créanciers des emprunts des cortès avaient réclamé l'appui de la chambre des députés pour obtenir la suppression de la cote du 3 pour 100 espagnol sur la cote authentique de la bourse de Paris. Cette pétition, que quatre autres avaient déjà précédée, renfermait deux questions distinctes. Sur la première, relative à la responsabilité que le ministre des finances aurait encourue, en faisant coter à la bourse le 3 pour 100 espagnol, la commission avait reconnu qu'aux termes de la législation actuelle, il n'était pas au pouvoir du ministre de l'empêcher, comme il l'avait déclaré d'ailleurs par sa lettre du 16 octobre 1832; quant à la seconde, relative aux recherches à faire sur les moyens de déception employés pour tromper les capitalistes français, elle avait pensé que le devoir d'un bon gouvernement était d'avertir les particuliers des piéges que la mauvaise foi pouvait leur tendre. En conséquence la commission proposait l'ordre du jour pour la première partie de la pétition, et le renvoi au ministre pour la seconde.

A M. Garcias, qui parla après le rapporteur, et demanda le renvoi de la pétition à tous les ministres, succéda le ministre des finances. Il rappela le régime légal de la bourse, concernant les fonds étrangers: un arrêt du conseil du 7 août 1785 défendait aux agens de change de Paris de coter d'autres fonds que et le cours nos effets royaux des changes; mais cet arrêt n'existait plus : il avait été complétement abrogé par une ordonnance rendue le 12 novembre 1813. D'après cette ordonnance, le ministre n'avait la faculté d'autoriser ni de défendre la cote officielle des fonds étrangers: c'était au syndicat des agens de change qu'il appartenait de statuer sur les demandes de cette nature. La prétention des pétitionnaires n'était donc nullement fondée. Un gouverAnn. hist. pour 1833.

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vernement, disait le ministre, ne pouvait céder à de telles exigences; ses décisions devaient être basées sur des principes généraux : s'il y avait lieu d'entrer dans la voie indiquée par les pétitionnaires, ce ne serait pas seulement le 3 pour 100 espagnol qu'il faudrait proscrire, mais tous les fonds de l'Espagne et ceux de tous les gouvernemens qui ont laissé des engagemens en souffrance. Ce rigorisme ne remédierait à rien : les négociations d'effets publics étrangers n'en continueraient pas moins; la défense d'en constater le cours n'empêcherait personne d'en acheter ni d'en vendre. La vogue des fonds espagnols tenait à l'intérêt usuraire qu'offrait leur cours, et non à la cote officielle.

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Pour appuyer le renvoi de la pétition au conseil des ministres, M. Joly rappela les discussions qui avaient eu lieu dans les précédentes sessions sur cette matière, et les explications données par M. le comte Roy, ancien ministre des finances. M. Odilon Barrot examina s'il était vrai que le gouvernement français eût abandonné toute intervention dans les transactions de la bourse, et demanda, en supposant qu' agent de Charles X se présenterait à la bourse pour contracter un emprunt destiné à alimenter la guerre civile, si le gouvernement ne l'empêcherait pas ? Le ministre ayant répondu affirmativement, l'orateur en conclut que la liberté n'était pas illimitée, et qu'il y avait des cas dans lesquels le gouvernement devait interdire la négociation de tels ou tels effets. En Angleterre, il n'avait pas été nécessaire que le gouvernement intervînt, parce que la bourse de Londres avait fait elle-même justice, parce que les courtiers avaient résolu que les effets espagnols ne seraient pas cotés, et qu'ils avaient flétri en quelque sorte ceux qui se permettaient d'être les intermédiaires d'une pareille négociation.

Le ministre des finances avait déclaré ne pas s'opposer à ce que la pétition lui fût renvoyée, quoique en même temps il assurât qu'après avoir approfondi la matière, il n'avait

rien trouvé de raisonnable à proposer. En définitive le

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renvoi au conseil des ministres et au ministre des finances fut voté par la Chambre.

26 janvier. Une autre pétition, également relative à des intérêts financiers et commerciaux, se présenta quelques jours plus tard. Les fondateurs et directeurs d'un comptoir d'escompte proposé à Paris, se plaignaient de l'inexécution de l'article 15 du décret du 16 janvier 1808 constitutif de la banque de France, et conçu en ces termes : « Il sera pris des mesures pour que les avantages résultant de l'établissement de la banque se fassent sentir au petit commerce de Paris, et qu'à dater du 15 février prochain l'escompte sur deux signatures, avec garantie additionnelle qui se fait par un intermédiaire quelconque de la banque, n'ait lieu qu'au même taux que celui de la banque elle-même. »

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Ils demandaient qu'il y fût suppléé par l'établissement d'un comptoir spécial d'escompte, dont l'effet serait d'obtenir en faveur du petit commerce de la capitale la réduction de l'intérêt de l'argent. La commission pensa qu'une enquête sur les avantages probables de l'établissement était nécessaire, et conclut au renvoi de la pétition au ministre du commerce et des travaux publics. Dans la discussion qui s'ouvrit à ce sujet, le privilége même de la banque de France eut à subir diverses attaques on prétendit que ce privilége exorbitant ayant été accordé sous des conditions que la banque ne remplissait pas, il fallait l'abolir. Tel était, entre autres, l'avis formel du général Bertrand. M. Benjamin Delessert lui répondit que, loin d'avoir été conféré dans l'intérêt de quelques individus, le privilége de la banque l'avait été dans l'intérêt public. M. Laffitte s'attacha à justifier son administration; il rappela qu'une seule fois elle s'était écartée de ses statuts, et dans une circonstance où le gouvernement souffrait du plus grave discrédit. Alors le gouvernement proposa à la banque, embarrassée de ses capitaux, de faire un placement en rentes sur l'état ; l'opération fut doublement avantageuse : les rentes n'avaient pas coûté cher; le

crédit public fut soutenu et les actionnaires retirèrent un bénéfice. La chambre adopta le renvoi de la pétition au ministre du commerce et des travaux publics.

29 janvier. Dans la session précédente, une proposition convertie en loi par les trois pouvoirs, avait autorisé le gouvernement à lever pour des causes graves la prohibition portée par l'article 162 du Code civil, aux mariages entre beaux-frères et belles-soeurs. Une pétition tendant à ce que l'autorisation de mariage entraînât la légitimation des enfans déjà nés, fut soumise à la Chambre des députés. Le rapporteur, M. Bédoch, qui présenta sur la question un travail fort étendu, conclut à ce que la pétition fût renvoyée au garde-des-sceaux et déposée au bureau des renseignemens. M. le garde-des-sceaux et M. Dupin approfondirent la matière et l'envisagèrent sous toutes ses faces. Des explica. tions fournies par le ministre, il résultait que sur 912 demandes parvenues au ministère, il avait été accordé 347 autorisations. Remontant au principe de la légitimation des enfans, le ministre soutint qu'elle n'était possible sans scandale et sans danger que dans le cas où, lors de la conception des enfans, aucun empêchement ne s'opposait au mariage. M. Dupin au contraire, se fondant sur les traditions de l'ancienne jurisprudence, opinait pour que la légitimation suivit nécessairement la dispense, et pensait que le scandale existerait au plus haut degré, si l'on séparait l'une de l'autre. Dans l'hypothèse où une loi sur ce point ne serait pas proposée, il ne doutait pas que la jurisprudence n'y pourvût, et ne se fixât dans l'intérêt des enfans, que l'on ne saurait punir d'une faute qui n'était pas la leur. Le renvoi et le dépôt de la pétition, demandés le rapporteur, furent prononcés par la Chambre.

par

Dans la Chambre des pairs (28 janvier), à propos d'une pétition de quelques pensionnaires de l'ancienne liste civile, une interpellation avait été adressée au ministère par

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