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qu'il avait choisie, la police veillait. On apprit qu'il était l'objet de sollicitations fréquentes de la part de Bastien. On sut que celui-ci avait dit à plusieurs reprises que Robert lui devait beaucoup d'argent, et que dernièrement encore il s'était vanté d'avoir, le même jour, mis à la poste pour Robert une lettre qui ne pouvait rester sans réponse. Cette lettre était adressée à Bourbonne - les Bains, lieu de la résidence habituelle de Robert. Le chef de la police de sûreté s'y transporta au mois d'avril dernier, et, muni d'un mandat d'amener, arrêta Robert en même temps qu'il saisit la lettre qui lui était adressée par Bastien. Dans cette lettre, ce dernier lui réitérait ses demandes d'argent, et accompagnait ses sollicitations des plus étranges menaces. « Rappelle-toi, lui disaitil à peu près en ces termes, rappelletoi le jardin de la rue de Vaugirard, no 81... Tu sais.. à quinze pieds du mur du fond.., à quatre pieds du mur de côté... Les morts peuvent quelquefois revenir... >>

Bastien fut arrêté et conduit à Pais avec Robert. Un de MM. les conseillers de la cour a été désigné pour procéder à l'instruction de cette affaire et à la recherche des preuves terribles que semblait indiquer la lettre de Bastien. M. le conseiller instructeur se rendit dans la maison de la rue de Vaugirard, n° 81, indiquée par la lettre, assisté de M. Boys de Loury, docteur en médecine, et accompagné d'ouvriers fossoyeurs da cimetière du Père-Lachaise. Robert et Bastien furent séparément amenés sur les lieux pour être présens aux fouilles qu'on se proposait de pratiquer.

On apprit d'abord dans la maison qu'elle avait été louée par Robert en 1821; qu'il ne l'avait jamais occupée, et qu'on avait fini par lui donner congé parce qu'il n'y venait jamais que la nuit. Les fouilles commencèrent; les terres furent enlevées, et bientôt la pioche du fossoyeur, perçant un corps dur, pénétra fort avant dans une cavité. » Nous y voilà », dit celui-ci ; et

aussitôt, insinuant son bras par le trou qu'il venait de pratiquer, il s'écria: « Je sens les ossemens d'un cadavre ! » Robert resta immobile sans manifester aucun trouble; Bastien changea de couleur. Les recherches continuèrent. On s'aperçut bientôt en déblayant que le cadavre qui avait été enterré là avait été recouvert de chaux vive, mais on avait oublié sans doute d'y jeter de l'eau. La chaux, au lieu de produire son effet et de consumer le corps, avait au contraire servi à le conserver. Pendant le long espace de temps qui s'était écoulé depuis l'inhumation, les chairs avaient disparu, et le cadavre, réduit à l'état de squelette, avait sans doute, par sa diminution de volume, produit l'excavation que venait de percer la pioche du fossoyeur.

La croûte de chaux ayant été enlevé, M. le docteur Boys-de-Loury constata que le squelette avait encore une corde au cou. Il fut désor mais établi que la personne inhumée en ce lieu était morte victime d'un assassinat par strangulation.

Cependant les dents et les cheveux du squelette étaient parfaitement conservés. On avait même retrouvé un anneau d'or à l'un de ses doigts. Des hommes de l'art furent mandés. L'un deux, ayant examiné les débris du squelette qui lui était présenté, mit de côté quelques ossemens d'animaux qui s'y trouvaient mêlés, et, après avoir examiné la tête avec attention, jugea, par sa forme allongée d'avant en arrière, qu'elle avait appartenu à une femme. L'état des sutures lui fit penser que cette femme devait être déjà avancée en -âge. Il ajouta qu'il devait y avoir plusieurs années qu'elle était inhumée.

On peut imaginer facilement l'intérêt que présentait cet examen à ceux qui étaient informés de ce qui le motivait. La physionomie des prévenus témoignait qu'ils n'y étaient pas indifférens, d'autant plus que les observations du savant anatomiste tendaient à confirmer une accablante identité. Mais leur sur

prise et celle des spectateurs fut au comble quand l'anatomiste, continuant ses remarques, commença à parler de la personne dont il tenait la tête, et assura qu'elle devait être avare, disposée aux emportemens, ajoutant d'autres détails qui tous se trouvèrent parfaitement d'accord avec ce que l'on connaissait de l'humeur de la veuve Houet.

Les débats de cette affaire ont rempli les séances du 12, du 13, du 14 et du 15 août. Robert et Bastien se sont renfermés dans des dénégations absolues; mais les preuves qui s'élevaient contre eux étaient de la nature la plus accablante. Un

moin d'une nouvelle espèce a paru dans la cause; c'est le squelette même de la veuve Houet, et ainsi s'est justifiée la prédiction de Bastien : « Les morts peuvent quelque

fois revenir. »

Bastien, déclaré coupable d'assasinat, et Robert, coupable d'avoir, par dons ou promesses, provoqué

l'auteur de l'assassinat à le commettre, mais tous deux avec des circonstances atténuantes, ont été condamnés à la peine des travaux forcés à perpétuité, avec exposition.

19. Concours général des colleges

royaux.

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Cette solennité universitaire, dont le retour est attendu chaque année avec impatience par les familles, et fait battre plus vivement tant de jeunes coeurs, avait réuni aujourd'hui à la Sorbonne un auditoire non moins nombreux et brillant que de coutume.

L'honneur de prononcer le discours latin, ce jour-là de rigueur, était échu à M. Daveluy, professeur de rhétorique au collège de Charlemagne. Ce discours a été fort attentivement écouté, et plusieurs fois accueilli par les bravos du jeune auditoire.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique, s'est levé quand les applaudissemens retentissaient encore, et, dans une allocution simple, il a félicité les élèves de leur travail attesté par la supériorité des

épreuves de cette année sur celles des années précédentes. Il a ajouté que la discipline sévère des colléges et les travaux pénibles de nos écoles, en trempant fortement leurs âmes et leurs esprits, les disposaient merveilleusement à supporter les dégoûts qui les attendent dans le monde, où, dit l'orateur, l'on ne doit pas toujours rencontrer, comme dans cette enceinte, la justice qui classe le mérite, et la bienveillance qui accueille le succès.

M. Naudet, inspecteur-général, a fait ensuite l'appel des lauréats, dont le triomphe a été, à peu d'exceptions près, confirmé par les applaudissemens de leurs condisciples.

Voici comment les prix ont été Charlemagne, 18 prix; Henri IV, répartis entre les divers colléges : 15; Louis-le-Grand, 11; Rollin, S; Bourbon, 7; Stanislas, 6, dont les deux prix d'honneur de philosophie et de rhétorique ; Versailles, 1. Le prix d'honneur de philosophie (dissertation française), a été remporté par l'élève E. Dulamon, et le prix d'honneur de rhétorique (discours latin), par l'élève Huet.

31. Institut. Election.- M. Drolling, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome, membre de la Société libre des Beaux-Arts, a été nommé aujourd'hui membre de l'Institut, en remplacement de M. Guérin. Ses concurrens à la place vacante étaient MM. Schnetz, Abel de Pujol et Picot.

SEPTEMBRE.

2. Paris. Académie des sciences.

Statistique.-M. Moreau de Jonnès Jit un Mémoire dont l'objet est la détermination des termes numériques de la mortalité dans chacune des parties de l'Europe.

D'après les tableaux de M. Moreau de Jonnès, il meurt annuelle

ment :

I habitant sur 28 dans les états

romains et les anciennes provinces vénitiennes;

I sur 30 dans l'Italie en général, en Grèce, en Turquie;

I sur 39 dans les Pays-Bas, en France et en Prusse;

1 sur 40 en Suisse, dans l'empire d'Autriche, en Portugal et en Espagne;

sur 44 dans la Russie d'Europe et en Pologne ;

I sur 45 en Allemagne, en Danemarck et en Suède ; 1. sur 48 en Norwége; 1 sur 53 en Irlande; I sur 58 en Angleterre; 1 sur 59 en Ecosse et en Irlande. Ainsi, les moindres chances de la vie et la plus courte durée en Europe sont en Italie. C'est au contraire en Irlande et en Ecosse que l'homme parvient à la plus longue vieillesse.

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Au total, on comple, année moyenne en Europe, sur 210 millions et plus d'habitans, 5,256,000 décès, ce qui fait une mortalité d'un 40°, qui est répartie inégalement entre les états du Nord et ceux du Midi. Les premiers n'ont qu'un décès sur 44 personnes, tandis que les seconds en ont un sur 36. Sur un million d'habitans, la part de la mort est tous les ans de 22,701 individus, dans les pays situés au Nord de la France; elle est de 27,800 dans ceux qui gisent au midi. C'est une différence de plus de 5,000 décès, équivalant à un 200o de la population.

M. Moreau de Jonnès en conclut que les climats du Nord favorisent la prolongation de la vie humaine.

Les lieux de la zone torride dont on a calculé la mortalité montrent à quelle influence pernicieuse est soumise l'existence des hommes. Batavia, 1 déc. sur 26 172 hab. Trinitad I

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Ste-Lucie,

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Ainsi à Batavia en 1805, parmi les Javanais, il ne mourut qu'un individu sur 46..

Il est également curieux d'examiner la mortalité à différentes époques dans un même pays.

Le nombre des décès, comparé à celui des haitans, était : En Suède, de 1754 à 1763, 1 suf 34; de 1821 à 1825, i sur 43.

En Danemarck, de 1751 à 1756, 1 sur 32; en 1819, I sur 46. En Allemagne, en 1788, I sur 32; - en 1825, sur 45.

En Prusse, 1717. 1 sur 30;- de 1821 à 1826, 1 sur 39.

Dans le Wurtemberg, de 1749 1754, 1 sur 32; — en 1825, 1 sur 45.

Dans l'empire d'Autriche, en 1822, I sur 40; de 1828 à 1830, I sur 43.

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commis avec des circonstances horribles, avait été précédé d'un vol considérable. Peu de jours après,,un jeune Portugais fut condamné à la même peine pour avoir poignardé sa maîtresse dans un accès de jalousie.

Les deux condamnés étaient enfermés dans la même prison, mais ils occupaient chacun un cabanon séparé. Eriaz, dont on redoutait la vigueur et la férocité, occupait un cachot obscur, dans lequel l'air ne pénétrait qu'à travers une ouverture étroite et grillée qui donnait sur un des corridors de la prison. Aucun rayon de lumière n'arrivait jusqu'à ce cachot, et l'obscurité la plus profonde y régnait, même au milieu du jour. Dardeza, dont le crime était moins horrible, et qui avait inspiré plus de compassion aux guichetiers, avait été placé dans une chambre plus vaste, plus aérée, et dans laquelle se trouvait une fenêtre grillée qui donnait sur la campagne.

Les deux condamnés avaient les fers aux pieds et aux mains. On leur annonça à tous deux que leur éxécution aurait lieu dans trois jours, et on leur distribua une provision de pain et d'eau suffisante pour les nourrir jusqu'au moment fatal. Depuis long-temps, chacun des deux prisonniers méditait des projets d'évasion, Dardeza, à qui on avait permis de recevoir les visites de ses amis, avait obtenu quelques outils propres à faciliter ses projets ; mais le malheureux jeune homme, sans vigueur et sans adresse, avait été bientôt découragé par d'infructueux essais, et il était retombé dans un morne abattement, attendant avec effroi la visite du bourreau.

Eriaz, plus vigoureux, plus hardi, ne désespérait pas, et il résolut de tout tenter pour se soustraire au supplice.

D'après la position de son cachot et le trajet qu'il avait fait pour y être conduit, il avait calculé qu'un des murs de ce cachot devait être le mur de clôture, et que s'il parvenait à y pratiquer une ouverture, il

pourrait trouver une issue, sur la campagne.

Il se met donc à l'œuvre. Pour empêcher le bruit de se faire entendre, et pour amollir la pierre, il humecte d'abord les parois du mur, et avec les chaînes qui entourent ses mains, il gratte la muraille; mais quand il a enlevé quelques fragmens, il recommence à mouiller la pierre et gratte encore.... I se prive du sommeil, et avec une infatigable activité, il ne quitte pas un instant son travail. De temps en temps, un geôlier se présente à la lucarne et avec une lanterne qui projette sa lumière dans le cachot, il vient surveiller le prisonnier; mais, tout en travaillant, Eriaz a l'oreille tendue; au moindre bruit il s'arrête, et quand le gcôlier se présente, il voit Eriaz accroupi près du trou qu'il a pratiqué, feignant de dormir.

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Déjà le mur avait été entamé assez profondément; mais quelle était l'épaisseur de ce mur? Eriaz l'ignorait, et il ne savait pas ce qu'il avait encore à faire... Il ne savait pas non plus, le malheureux, combien de temps il avait encore devant lui jusqu'au jour de l'exécution. Placé dans ce cachot obscur, où régnait une nuit éternelle, privé de tout moyen de calculer le temps depuis l'instant où on lui avait annoncé qu'il n'avait que trois jours à vivre, il ne savait quand devait expirer le délai fatal.

Horrible situation! au moindre bruit qui se fait entendre, il croit que tout est fini, qu'on vient le chercher pour le supplice et dans cette horrible incertitude de tout ce qu'il avait encore à faire et du temps qui lui restait, le malheureux s'arrêtait découragé...

Cependant il tente un dernier essai, et, grinçant des dents, il s'attaque à la muraille... Il est sauvé la pierre cède, le mur est percé... mais hélas! le malheureux s'est trompé dans ses calculs sur la situation des lieux... Ce n'est pas l'air pur et frais de la campagne qui vient frapper son visage, et à travers l'ouverture qu'il a si péni

blement pratiquée, il n'aperçoit encore qu'un cachot faiblement éclairé par la pâle lueur d'une lampe..... Il entend de sourds gémissemens; il appelle à voix basse... .; c'était le cachot de Dardeza.

Bientôt ces deux malheureux se sont rapprochés. Eriaz communique son projet à Dardeza; et en apprenant que le cachot de ce dernier a une fenêtre sur la campagne, il croit voir leur fuite assurée... Mais combien de jours se sont écoulés depuis qu'Eriaz a appris la fatale nouvelle, combien lui reste-t il encore de temps à vivre?... Il interroge Dardeza, qui a pu, lui, calculer les heures et les jours, et lui apprend que la nuit qui commence est la dernière pour eux, et que le soleil levant "doit éclairer l'échafaud. Loin d'abattre Eriaz, cette affreuse révélation redouble son courage. Dardeza le seconde, et tous deux réunissent leurs efforts pour agrandir l'ouverrure pratiquée par Eriaz, qui bientôt s'est introduit dans le cachot de Dardeza.

Celui-ci avait reçu d'un ami un ressort de montre pour limer les barreaux de sa fenêtre et faciliter un

moyen d'évasion; mais, ainsi que nous l'avons dit, ce malheureux n'avait pas même essayé d'accomplir un projet qui lui semblait impossible. La présence d'Eriaz ranima son courage; il saisit l'instrument précieux qu'il a conservé, et, tous deux se mettant à l'ouvrage, ils ont bientôt scié quelques barreaux de la fenêtre. L'ouverture est assez large pour qu'ils puissent passer et s'ils pouvaient oser une chute de 60 pieds, leur fuite était assurée. Il ne reste plus qu'à limer les fers qui attachent leurs pieds et leurs mains; mais ce travail sera long encore; la nuit avance, le jour va paraître, jour fatal qui ne doit que commencer pour eux! Ce ressort précieux ne peut leur servir à tous ́les deux à la fois; à peine si un seul aura le temps de briser ses chaînes, et avec ce poids énorme la fuite est impossible.

Alors une horrible discussion s'é

lève entre ces deux malheureux. L'instrument sauveur est entre les mains de Dardeza ; il veut s'en servir, Eriaz s précipite sur lui pour le lui enlever. Dans cet étroit cachot, entre ces deux hommes enchaînés et voués tous deux à la mort dans quelques heures, une lutte affreuse, un combat à mort s'engage. Eriaz, plus vigoureux, renverse son ennemi; Dardeza se voit vaincu; il s'approche de la fenêtre, et pour que du moins il n'y ait de salut pour aucun et que tous deux meurent, il veut jeter aux vents le précieux outil. Ériaz l'arrête. « Non, tu ne l'auras pas!» s'écria Dardeza désespéré; et, faisant un dernier effort pour se dégager des mains de son robuste adversaire, il place la lime dans sa bouche et l'avale. A cette vue Eriaz, tombe anéanti. C'en est donc fait ! il faudra mourir!

Dardeza est étendu à terre, brisé par la lutte qu'il vient de soutenir, et faisant entendre comme un râlement de mort. Le ressort qu'il a avalé reste engagé dans sa gorge, il suffoque... Soudain, une horrible pensée vient à l'esprit d'Eriaz, il se précipite sur Dardeza, le saisit violemment, l'étrangle, lui brise la tête contre la muraille, lui plonge le poing dans le gosier, lui déchire la gorge avec ses mains et jusque dans la poitrine pálpitante du malheureux, il cherche, à la lueur de la lampe, l'instrument précieux et sau-.

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Il le retire ensanglanté; bientôt il est à l'œuvre, ses chaînes tombent..., puis avec les vêtemens de Dardeza qu'il dépouille, il se fait une espèce de lien qu'il attache à un barreau de la fenêtre... Il se laisse glisser; mais, arrivé à l'extrémité de la cordè, il plonge avec effroi les yeux au dessous de lui... Un abîme de plus de trente pieds reste à franchir... Cependant il n'hésite pas; sa chute est amortie par une plate-forme sur laquelle il roule, et il tombe meurtri sur le pavė.

Mais tout n'était pas fini...; il se trouve dans un chemin de ronde,

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