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<< eux;

« Attendu que, quels que soient la nature et le carac«tère des conventions intervenues entre eux et Bu<< reaux, ils ont versé à ce dernier des fonds, mais sous « des conditions aléatoires qui doivent être subies par Qu'on ne peut leur refuser le droit d'être ad«< mis au marc le franc, mais qu'ils ne peuvent y être << admis que pour ce qui restera de leurs comptes avec « Bureaux, et réduction faite desdits capitaux, propor<<tionnellement aux pertes résultant des chances qu'ils << ont consenti à courir....... »

«

428.

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Après un intervalle de quatorze années, la question se présenta de nouveau devant la Cour de Paris, dans l'affaire du général Delagrange contre l'agent de change Dubos. Cette fois, d'autres principes prévalurent.

En fait, un contrat qualifié par les parties du nom de société, était intervenu entre M. Dubos, titulaire de la charge, d'une part, et d'autre part, le général Delagrange et quelques commanditaires. Des difficultés s'étant élevées à raison du règlement des comptes résultant de ce contrat, le général Delagrange avait actionné M. Dubos devant le tribunal civil de la Seine. Sa compétence fut déclinée par M. Dubos, qui prétendit que ces conventions ayant un caractère tout à la fois commercial et social, il y avait lieu de renvoyer la connaissance du litige à des arbitres. Tout en ne contestant pas l'existence d'une société, le général Delagrange se bornait à soutenir qu'elle était civile et non commerciale. Le ministère public crut devoir prendre un rôle actif dans le débat, et, s'appuyant sur la reconnaissance faite par les deux adversaires, il conclut à ce que le tribunal déclarât la société nulle, comme contraire aux lois et à l'ordre public.

429. Parmi les opinions développées tour à tour,

le tribunal civil de la Seine d'abord, par jugement du 16 janvier 1850, et la Cour de Paris ensuite, par un arrêt confirmatif du 15 juin 1850 (1re chambre, MM. Aylies, président; Metzinger, avocat-général), adoptèrent celle qui avait été plaidée au nom de l'agent de change Dubos; ils admirent le déclinatoire proposé, se déclarérent incompétents et renvoyèrent la cause devant qui de droit.

Admettre le déclinatoire, c'était admettre entre MM. Delagrange et Dubos les rapports d'associés; c'était reconnaître l'existence d'une véritable société.

C'est ce que fit d'abord le tribunal, qui, reproduisant dans son jugement la plupart des arguments invoqués par les défenseurs de ces sortes de sociétés, leur nonprohibition par les lois spéciales et par le Code de commerce, la possibilité de concilier la présence d'un commanditaire avec l'obligation du secret imposée à l'agent par les règlements professionnels, l'impossibilité d'exercer la profession sans des associations de ce genre, la distinction entre le titre et la valeur vénale de l'office, la nature du droit de présentation dont la loi de 1815 aurait fait une véritable propriété, la distinction à établir entre les agents de change et les autres officiers ministériels, proclama tout à la fois l'existence et la validité de cette société.

430. La Cour de Paris s'appropria les motifs du tribunal, en y ajoutant les suivants.

Je transcris les considérants de l'arrêt, faisant suivre chacun d'eux des critiques dont ils me paraissent susceptibles.

Après avoir établi que la société soumise à l'appréciation des magistrats était commerciale et régulière en la forme, la Cour ajoute :

« Considérant, au fond, qu'elle n'est point directe

«<ment prohibée par la loi ; — Qu'elle ne l'est pas non « plus par les arrêtés et ordonnances qui règlementent « l'exercice de la profession d'agent de change; »

La réponse à ce considérant, qui se fonde sur une interprétation inexacte des articles 32 de l'arrêt du 24 septembre 1724, 3 du règlement du 5 septembre 1784 et 10 de l'arrêté du 27 prairial an X, se trouve dans la deuxième partie, chapitre II, section III (1).

<< Considérant qu'il n'y aurait violation de ces lois et « règlements que dans le cas où les conventions inter<<< venues entre Dubos, agent de change titulaire de « l'office, et ses associés, auraient pour effet d'attribuer « à ceux-ci une action ou une influence quelconque sur « l'exercice même de la profession; >>

Toutes les sociétés ne seraient donc pas valables; ceci réduit déjà la portée du premier considérant.

« Que cet exercice, en effet, ne doit pas cesser un «< instant de résider, et de résider tout entier dans la << personne du titulaire qui, sous ce rapport et par suite « de la dévolution d'une portion de la puissance publi« que, est investi d'un droit essentiellement personnel «<et incommutable; Qu'il en résulte que toute con<< vention pouvant déplacer ou modifier ce droit, ne « fût-ce que d'une manière indirecte ou éloignée, « constituerait une infraction manifeste à l'ordre pu<< blic, et devrait être annulée, même d'office; »

En droit, rien de plus juste; mais en fait, hélas ! que de fois le titulaire subit, pour la direction de ses affaires, l'influence directe et prochaine de ses associés!

«En fait, considérant qu'il s'agit dans la cause « d'une société en commandite qui, par là même, exclut

(1) Suprà, no 197.

« de la part des associés commanditaires tout acte de « gestion et d'immixtion; >>

Cela est vrai; mais ce qu'il faudrait prouver, avant d'établir qu'une commandite est praticable, c'est qu'une société, et surtout une société commerciale, est possible. L'arrêt suppose comme constant ce premier point; or, c'est ce que nous n'avons point admis.

-

<< Considérant, d'ailleurs, qu'il résulte de l'ensemble « et de l'économie générale des conventions sociales, << que Dubos a seul le droit de gérer et d'administrer; Qu'il en résulte spécialement que tous les actes qui « se rapportent à l'exercice de son ministère ne peuvent « être accomplis que par lui; — Qu'il en résulte enfin « que non-seulement toute immixtion directe dans cet « exercice est formellement interdite aux commandi« taires, mais encore qu'ils ne peuvent, dans aucun « cas, même sous prétexte de contrôle ou à titre de << simple surveillance, y apporter aucune entrave; « Qu'il suit de là qu'à s'en tenir du moins à la lettre et a à l'esprit des conventions sociales, les garanties « d'ordre public qui règlent et dominent l'exercice de «< la profession d'agent de change sont intactes et « qu'aucun trouble n'y est apporté; »

Tout cela est fort bien : j'aperçois un titulaire, gérant responsable, et des commanditaires qui ne peuvent, sous aucun prétexte, s'immiscer dans cette gestion; mais ce que je n'aperçois pas, c'est cet être moral dont parle l'article 23 du Code de commerce, cet être qui doit avoir son nom, sa personnalité, dans laquelle celle des associés disparaît et s'efface. Si sa naissance est impossible, comment la société pourrait-elle naître?

« Considérant qu'on ne saurait non plus considérer << comme un trouble de nature à violer ces garanties << l'apport dans la société de la valeur vénale de l'office,

« sous prétexte que cet apport serait inconciliable avec «< la nature même de la propriété de l'office, ou bien « encore parce que la mise en commun de la valeur vé<< nale aboutirait nécessairement à des résultats com« promettants pour les intérêts que la loi, par << l'institution des agents de change, a eu précisément << en vue de servir et de protéger; »

Lorsque des associés forment une société pour l'acquisition ou pour l'exploitation d'un office, et que, sans mettre cet office en société, ils y mettent seulement sa valeur vénale, de quoi se compose donc le fonds social? La valeur vénale d'une chose, c'est ce que vaut cette chose, c'est le prix moyennant lequel elle est susceptible d'être vendue. Or, l'office ne peut être vendu qu'au moment où le titulaire a cessé ses fonctions, au moment où, par conséquent, la société est dissoute; de telle sorte que la chose qui ferait l'objet de l'apport social, ne pourrait être mise en société qu'après que la société aurait pris fin.

«< Considérant, sur le premier point, que, s'il est in<< contestable que la propriété de l'office est personnelle << au titulaire, et par là même non susceptible de co« propriété, quand on la considère exclusivement dans « ses rapports avec l'exercice de la fonction, il en est << tout autrement quand, en dehors et indépendam<«<ment de la fonction, on considère cette propriété " uniquement au point de vue de sa valeur vé<< nale. >>

Qu'est-ce que cette propriété qui est ou n'est pas susceptible de co-propriété, suivant le point de vue auquel on la considère? Qu'est-ce que la propriété d'un office, considérée dans ses rapports avec l'exercice de la fonction? Qu'est-ce que cette propriété, considérée uniquement au point de vue de sa valeur vénale? Des défini

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