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au moins convient-il de dire que, n'en déplaise à M. Augagneur, en cas de contestation, la décision définitive n'appartiendra pas à des fonctionnaires, mais aux tribunaux ordinaires; l'art. 23 du règlement du 16 mars 1906 le reconnaît d'ailleurs formellement. Les établissements du culte et leurs successeurs feront bien de défendre leurs droits.

II. JOUISSANCE. Il n'y a lieu à ce point de vue de s'occuper, avec les art. 13 et suiv., que des biens dont la propriété est attribuée aux départements, aux communes, ou à l'État. Les autres ou appartiennent à des particuliers qui en feront ce qu'ils voudront, ou dépendent des établissements ecclésiastiques et, destinés par la loi à constituer le patrimoine des associations cultuelles, leur seront dévolus comme le surplus du patrimoinė (Décr. 16 mars 1906, art. 26) (1).

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Parmi les premiers, réserve faite des archives et bibliothèques qui sont reprises de suite, il faut faire une distinction capitale quant à la jouissance, non plus, comme pour la propriété, suivant qu'ils sont antérieurs ou non au Concordat, mais selon qu'ils servent à l'exercice public du culte ou au logement de ses ministres. L'art. 13 vise les cathédrales et les églises. L'art. 14 s'occupe des archevêchés, évêchés, presbytères et séminaires. L'assimilation de ces deux catégories de biens n'existe qu'en un sens les uns et les autres ne sont désormais mis à la disposition des fidèles (2) que dans un intérêt privé. Réclamée à tout autre point de vue par M. de Caraman et M. l'abbé Lemire (3), elle a été repoussée par la Chambre; le Sénat s'est également prononcé expressément en

(1) Les articles 13 et 14 ne visent pas les édifices appartenant aux établissements ecclésiastiques. Le ministre des cultes et le rapporteur l'ont expressément reconnu au Sénat, séance du 29 novembre, J. off., p. 1605.

(2) En vertu d'un procès-verbal administratif dressé par le préfet pour l'État ou les départements, par le maire pour les communes, contradictoirement avec les représentants des associations ou eux dûment appelés, et établi en double minute sur papier libre. (Décr. 16 mars 1906, art. 27.)

(3) Séance du 9 juin, J. off., p. 2149, 2151.

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ce sens (1), même en ce qui concerne les seuls presbytères. A) Cathédrales. Églises. Dans les projets primitifs soit du gouvernement, soit de la commission de la Chambre, les édifices du culte appartenant à l'État ou aux communes étaient laissés gratuitement en jouissance aux associations cultuelles pendant deux ans; puis à cette période succédait pour les temples et les presbytères une période de location, obligatoire également, limitée à dix et cinq ans; les grosses réparations demeuraient à la charge des propriétaires. Il est demeuré quelque chose de ce système pour les édifices servant de logement aux ministres du culte. Mais, en ce qui concerne les églises elles-mêmes, nombreuses avaient été les critiques faites au texte dès le premier jour : dans aucun pays ayant fait la séparation entre l'Église et l'État, pas plus à Genève qu'au Mexique ou au Brésil, ont dit MM. Deschanel et Ribot (2), on n'a privé le culte de ses temples. En prenant en considération l'amendement de M. Ét. Flandin qui concédait aux associations cultuelles la jouissance de ces édifices par baux emphyteotiques de quatre-vingt-dix-neuf ans, moyennant un loyer annuel dė 1 franc (3), la Chambre a affirmé son désir de faire disparaître le caractère onéreux de cette concession et bien plus encore de lui garantir quelque durée. La commission l'a compris et l'art. 13, dans sa nouvelle rédaction, donne à ce désir une demi-satisfaction, insuffisante d'ailleurs en ce que la fin du texte apporte de nombreux tempéraments au principe posé par le § 1.

En règle générale, les cathédrales et les églises, avec tous les objets mobiliers les garnissant, sont laissées gratuitement à la disposition des fabriques, puis des associations cultuelles qui leur succèderont, pour un temps illimité. Seulement les cas de cessation ou de privation de cette jouissance sont

(1) Amendements Delahaye et Denis, séance du 29 novembre, J. off., p. 1603 et suiv.

(2) Chambre, séances des 23 mars et 3 avril, J. off., p. 1030, 1193. (3) Chambre, séance du 8 juin, J. off., p. 2422.

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nombreux sans qu'en aucun cas d'ailleurs, l'État ou la commune reprenant un tel immeuble soit garant des dettes contractées à son sujet par l'association cultuelle (1).

Causes de désaffectation. - Il y aura lieu à désaffectation:

1 Si l'association cultuelle est dissoute volontairement ou par décision judiciaire, spécialement pour infraction aux règles des art. 18 à 22 relatives à son organisation et à son fonctionnement. La dissolution est toujours facultative pour le juge (art. 23, § 3);

2o Si, en dehors des cas de force majeure, le culte cesse d'être célébré pendant plus de six mois consécutifs. Ajoutés à la demande de M. Ribot (2), les mots en dehors des cas de force majeure» ont pour but de limiter l'application de la déchéance aux faits d'abstention volontaire de la part de l'association. D'autre part, il peut y avoir lieu à des questions d'espèces et la désaffectation ne sera pas nécessairement prononcée à l'égard d'une église où, conformément à un ancien usage, deux communes étant réunies pour le culte, les cérémonies religieuses continueront à n'avoir lieu qu'une ou deux fois par an (3);

3° S'il y a insuffisance d'entretien compromettant la conservation soit de l'édifice, soit des objets mobiliers qui, à raison de leur valeur artistique ou historique, sont classés par application de la loi du 30 mars 1887 et de l'art. 16 de la présente loi. Il faut d'ailleurs qu'il y ait au préalable une mise en demeure dûment notifiée du conseil municipal ou, à son défaut, du préfet, et non suivie d'effet. Il y a lieu de souligner, après M. Guillier (4), ce qu'a de nouveau et de fâcheux en législation l'idée de faire adresser, au nom de la commune, une mise en demeure par le conseil municipal et non par le maire;

(1) Sénat, séance du 30 novembre, J. off., p. 1623 et suiv., amendement Guillier.

(2) Chambre, séance du 9 juin, J. off., p. 2152.

(3) Sénat, séance du 30 decembre, J. off., p. 1626. (4) Sénat, séance du 29 novembre, J. off., p. 1605,

4o Si l'association cesse de remplir son objet ou si les édifices sont détournés de leur destination. La formule est bien vague, ainsi qu'on l'a fait remarquer, et l'on peut craindre qu'il en soit fait quelque abus. Toutefois, de l'échange d'observations entre M. Ribot et le président de la commission à la Chambre (1), il résulte qu'un fait accidentel ne saurait suffire pour faire retirer la jouissance. De plus, à peine de forcer les termes employés par le législateur, on ne devra pas faire application de l'art 13 § 4, à titre de pénalité supplémentaire, au cas où il y a eu soit infraction à une prescription du titre IV par l'association elle-mème ou l'un de ses membres, soit manquement exceptionnel aux art. 34 et 35 de la part d'un ministre du culte, même quand la responsabilité civile de l'association est engagée. Pour que cette dernière soit considérée comme ayant cessé de remplir son objet, il faut que vraiment elle ne subvienne plus « aux frais, à l'entretien et à l'exercice public du culte » (art. 18). L'édifice religieux ne serait vraiment détourné de son objet que si l'on y tenait des réunions profanes et principalement nettement politiques, ou encore si on le transformait en école;

5° Si l'association ne satisfait pas aux obligations diverses résultant de la loi paiement des dettes et emprunts des fabriques (art. 6), des frais d'assurance, des réparations de toute nature ou des charges afférentes à l'édifice et aux meubles qui le garnissent (art. 13), des impôts (2); si elle contrevient aux règles édictées pour les monuments historiques.

Dans les cinq cas précités, la désaffectation des biens sera prononcée par décret rendu en conseil d'État.

Mais le texte ne s'en tient malheureusement pas là. Il prévoit non seulement, à titre de mesure transitoire, que certaines églises pourront être désaffectées par simple décret, mais

(1) Chambre, séance du 9 juin, J. off., p. 2152.

(2) Ibid., J. off., p. 2156. Décl. du ministre des cultes et du rapporteur.

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surtout qu'elles pourront toujours l'être par une loi sans I miter les cas où cette dernière éventualité pourra se produire. Reprenons ces deux points.

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Désaffectation par décret simple. Sur la proposition de MM. Bepmale et Augagneur (1), deux paragraphes ont été ajoutés à l'art. 13. Ils autorisent la désaffectation par simple décret: 1o des édifices autrefois consacrés au culte dans lesquels, au jour de la promulgation de la loi, les cérémonies. cultuelles n'auraient pas été célébrées depuis un an; 2o de ceux qui ne seront pas réclamés par une association cultuelle dans le délai de deux ans à compter du même jour; 3o de ceux dont la désaffectation a été demandée antérieurement au 1er juin 1905.

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Désaffectation par une loi. — Dès lors que, dans sa nouvelle rédaction, l'art. 13 garantissait en principe aux futures associations cultuelles la libre jouissance à perpétuité des cathé'drales et églises tant qu'elles ne se trouveraient pas dans un des cinq cas expressément prévus et impliquant tous quelque faute de leur part, il ne pouvait être question de permettre au pouvoir de désaffecter quand il le voudrait. Tant que la jouissance de l'association cultuelle durerait et s'exercerait dans des conditions régulières, à peine d'arbitraire et de contradiction, la désaffectation ne devrait se produire qu'après entente amiable ou encore sur expropriation pour cause d'utilité publique et moyennant indemnité. Telle était la thèse, aussi logique qu'équitable, que soutenait M. Ribot à la Chambre (2). Elle n'a pas été admise par le législateur, qui a déclaré la désaffectation tou, ours possible, même en dehors des cinq cas précités, sauf à la faire résulter alors d'une loi. On pourra donc désaffecter. arbitrairement un édifice cultuel, en se couvrant d'une décision législative. C'est conserver la porte ouverte à des mesures ultérieures plus sévères contre l'exer

(1) Chambre, séance du 9 juin, J. off, p. 2155, 2156.

(2) Ibid., J. off., p. 2152 et suiv. Sic M. Ollivier au Sénat, séance du 29 novembre, J. off., p. 1605.

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