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5, 6, 8, 9 MARS 1872. de quatorze francs perçue au même octroi sur cette boisson.

5 13 MARS 1872. Loi qui ouvre au ministre de la marine et des colonies un crédit supplémentaire sur l'exercice 1872. (XII, B. LXXXV, n. 963.)

TITRE UNIQUE.

Art. 1r. Il est alloué au ministre de la marine et des colonies, sur l'exercice 1872, un crédit supplémentaire de un million cinq cent soixante mille quatre cent vingt-huit francs, lequel demeure réparti de la manière suivante entre les divers chapitres législatifs, savoir : Chapitre 4. Etats-majors et équipages à terre et à la mer, 352,924 fr. Chapitre 8. Hôpitaux, 17,852 fr. Chap. 9. Vivres, 366,536 fr. Chapitre 10. Salaires d'ouvriers, 200,000 fr. Chapitre 11. Approvisionnements généraux de la flotte, 58,448 fr. Chap. 16. Frais de voyage et dépenses diverses, 166,668 fr. Chap. 51. Service pénitentiaire, 398,000 fr. Total, 1,560,428 fr.

2. II será pourvu à cette dépense au moyen des ressources du budget de l'exercice 1872.

25 MARS 1872. Loi portant établissement d'une surtaxe à l'octroi de la commune de Givors (Rhône). (XII, B. LXXXV, n. 964.)

Article unique. A partir de la promulgation de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 1877 inclusivement, il sera perçu à l'octroi de la commune de Givors, département du Rhône, une surtaxe de trois francs par hectolitre sur l'alcool pur contenu dans les eaux-devie et esprits en bouteilles, liqueurs et absinthes en cercles et en bouteilles et fruits à l'eau-de-vie. La surtaxe de trois francs ci-dessus autorisée est indépendante de la taxe principale de six francs inscrite au tarif de la perception.

6 = 26 MARS 1872. Loi portant établissement d'une surtaxe à l'octroi de la commune d'Orléans. (XII, B. LXXXV, n. 965.) Article unique. A partir de la promulgation de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 1881, la perception d'une surtaxe de six francs par hectolitre sur : l'alcool pur contenu dans les eaux-devie et esprits en cercles; les eaux-de-vie et esprits en bouteilles; les liqueurs et absinthes en cercles et en bouteilles et fruits à l'eau-de-vie, est autorisée à l'octroi de la commune d'Orléans (Loiret). Cette surtaxe est indépendante de la taxe

8 15 MARS 1872. Loi qui autorise la ville du Mans à élever le taux de l'intérêt d'une somme restant à réaliser sur l'emprunt approuvé par la loi du 10 août 1868. (XII, B. LXXXV, n. 966.)

Article unique. La ville du Mans (Sarthe) est autorisée à élever de cinq à six pour cent le taux de l'intérêt d'une somme de un million huit cent cinquante mille francs restant à réaliser sur l'emprunt de trois millions trois cent cinquante mille francs approuvé par la loi du 10 août 1868.

9 15 MARS 1872. Loi qui autorise la ville de Saint-Germain-en-Laye à contracter un emprunt et à s'imposer extraordinairement. (XII, B. LXXXV, n. 967.)

Art. 1er. La ville de Saint-Germain-enLaye (Seine-et-Oise) est autorisée à emprunter, à un taux d'intérêt qui n'excède pas cinq pour cent, une somme de un million six cent mille francs, remboursable en trente années, pour payer les dettes et dépenses résultant de l'occupation allemande et couvrir les déficit des budgets de 1870-1871. Cet emprunt pourra être réalisé, soit avec publicité et coucurrence, soit par voie de souscription, soit de gré à gré, avec faculté d'émettre des obligations au porteur ou transmissibles par voie d'endossement. Les conditions des souscriptions à ouvrir ou des traités à passer seront préalablement soumises à l'approbation du ministre de l'intérieur.

2. La même ville est autorisée à s'imposer extraordinairement pendant trente ans, à partir de 1873, vingt-quatre centimes additionnels au principal de ses quatre contributions directes, devant rapporter une somme totale de un million cinq cent quatre-vingt-quatre mille francs environ. La production de cette imposition servira, avec un prélèvement sur les revenus ordinaires, à rembourser l'emprunt en capital et intérêts.

3. Tous les versements qui seront faits par l'Etat à titre de remboursement d'impôts ou de dédommagement des maux de la guerre seront affectés au remboursement anticipé de l'emprunt, concurremment avec les ressources indiquées ci-dessus.

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1225 MARS 1872. Loi portant établissement d'une surtaxe à l'octroi de Mortain (Manche). (XII, B. LXXXV, n. 969.)

Article unique. A partir de la promulgation de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 1874 inclusivement, les surtaxes ci-après seront perçues à l'octroi de Mortain, département de la Manche, savoir deux francs cinquante-deux centimes par hectolitre de vins en cercles et en bouteilles; quatre francs quarante centimes par hectolitre d'alcool pur contenu dans les eaux-de-vie et esprits en cercles, eaux-de-vie et esprits en bouteilles, liqueurs et absinthes en cercles et en bouteilles et fruits à l'eau-de-vie, et cinq centimes par hectolitre de cidres, poirés et hydromels. Les surimpositions sont indépendantes des droits principaux perçus sur ces boissons.

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(1) Proposition de M. Cherpin. Rapport sommaire de M. Voisin le 26 janvier 1872 (J. O. du 14 février, no 842). Discussion et prise en consideration le 16 février (J. O. du 17). Rapport de M. Cherpin le 29 février (J. O du 11 mars, no 938). Discussion et adoption le 11 mars (J. O. du 12).

Cette loi n'a pas besoin d'explication; elle se borne à donner aux tribunaux le droit d'appliquer l'art. 463 du Code pénal, c'està-dire de diminuer la peine, lorsqu'ils ont reconnu l'existence de circonstances atténuantes. Il est certain, a dit M. Cherpin, rapporteur, que si parfois c'est un grave délit d'ouvrir sans autorisation des débits de boissons à consommer sur place, le plus souvent c'est par ignorance du décret, par occasion, par suite de circonstances accidentelles, qu'on homme se laisse aller à ouvrir un débit temporaire de boissons à consommer sur place, par exemple un jour de fête. i

(2) Proposition le 7 août 1871 (J. O. du 23 août, n. 475) Rapport de M. Sacaze le 5 février 1872 (J. O. du 23, n. 879). Discussion les 4, 5, 6, 7, 8, 12, 13 et 14 mars (J. V. des

demande que le conseil général en a faite, à élever à six pour cent le taux de l'intérêt des emprunts à réaliser en vertu des lois du 31 juillet 1867 et du 8 mai 1869, pour la construction des chemins de fer d interêt local et l'achevement des chemins vicinaux de grande communication et d'intérêt commun.

1320 MARS 1872.. -Loi qui distrait des territoires de la commune d'Aurec et les réunit à la commune de la Chapelle-d'Aurec (Haute-Loire). (XII, B. LXXXV, n. 971.)

Art. 1er. Les territoires teintés en brun sur le plan annexé à la présente loi, et qui composent le village de la Pérouse, sont distraits de la commune d'Aurec, canton de Saint-Didier-la-Séauve, arrondissement d'Issingeaux, département de la Haute-Loire, et réunis à la commune de la Chapelle-d'Aurec, canton de Monistrol, même arrondissement.

2. Les dispositions ci-dessus auront lieu sans préjudice des droits d'usage ou autres qui peuvent être respectivement acquis.

3. Les autres conditions de la distraction prononcée seront, s'il y a lieu, ulté rieurement déterminées par un decret du pouvoir exécutif.

14-23 MARS 1872.-Loi qui établit des peines contre les affiliés de l'association internationale des travailleurs (2). (XII, B. LXXXV, n. 972.)

Art. 1er. Toute association internationale qui, sous quelque dénomination qué

5, 6, 7, 8, 9, 13, 14 et 15 mars). Adoption le 14 mars (J. O. du 15).

La discussion énérale a commencé le 4 mars; elle a continué les 5, 6, 7 et 8. Dans ces longs débats une foule de questions ont été soulevées; les thèses les plus diverses ont été soutenues, et l'on peut affirmer que les solutions ont été d'autant moins précises et claires que les controverses ont été plus longues et plus animées.

Personne ou presque personne n'a contesté qu'une association qui aurait pour but de provoquer à la suspension du travail, à l'abolition du droit de propriété, de la familie, de la patrie, de la religion, etc., ne fût malfaisante et dangereuse.

Mais on á prétendu qué l'association internationale n'avait pas ce caractère; qu'elle s'était formée sous l'inspiration des meilleurs sentiments et dans le but légi.me de donner aux ouvriers les moyens de résister pacifiquement aux exigences des patrons, à l'oppression du capital; que si, plus tard, elle avait pris pari aux agitations politiques et aux mouvements révolutionnaires, elle était re

venue à l'idée qui avait présidé à son origine; qu'ainsi il n'était ni juste ni opportun de prendre contre elle des mesures de rigueur, qui ne feraient que lui donner de l'importance, lui rendre la force et la vie qui étaient sur le point de s'éteindre.

M. Louis Blanc a insisté sur cette idée que le projet n'incriminait aucun acte déterminė; qu'il poursuivait, qu'il frappait dans les affiliés à l'Internationale leur adhésion à certaines doctrines; qu'il créait, chose tout à fait nouvelle, un délit intellectuel; qu'il introduisait l'invasion de la législation criminelle dans le domaine de l'esprit.

S'il suffisait, a-t-il ajouté, de frapper pour étouffer le cri de la conscience, le cri de l'intelligence humaine, jamais, non jamais le principe du libre examen n'aurait été inauguré dans le monde; car que de coups ne iui furent pas portés. Mais rien n'y fit, ni les bùchers de l'inquisition en Espagne, ni les fureurs en sens inverse de Marie Tudor et d'Elisabeth en Angleterre, ni l'établissement du sinistre conseil des troubles dans les PaysBas, ni les massacres de la Saint-Barthélemy en France. . . . . Et combien cette impuissance à vaincre la pensée n'est-elle pas plus manifeste quand on compare les moyens, dont le systeme de compression dispose aujourd'hui, à ceux dont il disposait dans les âges antérieurs! Pensez-vons donc faire avec un emprisonnement de je ne sais plus combien de mois, avec une amende de je ne sais plus combien de franes, et même avec la menace qu'on perdra la qualité de Français, pensez vos faire avec cela ce que, dans les âges qui nous ont précédés, en n'a pas pu faire avec des chevalets de fer, avec des tenailles rougies au feu, avec l'exécrable mortier où Corneille de Witt eut les mains pilées, pendant qu'il récitait la famouse strophe: Justum et tenacem propositi virum?

On lit dans le rapport de la commission le passage suivant: Sans nul doute, dans toute société, même la mieux ordonnée, se produira toujours la fatalité de la misère, et ce qu'on appelle le prolétariat n'en est pas la forme unique. Il y aura toujours des portions de la famille humaine sur lesquelles pèseront plus durement les difficultés de la vie, qui arriveront plus péniblement à l'aisance, et combien de générations passent même sur la terre sans l'obtenir, ni l'espérer. L'inégalité des conditions et des influences sociales, l'histoire du monde en fait foi à toutes ses pages, est un mal que ne vaincra aucune tentative. Elle n'est ellemême que la conséquence de la diversité naturelle des aptitudes ou des hasards de la destinée, qu'aucune institution ne peut prévoir ni conjurer. Elle renaîtrait le lendemain du jour où elle serait abolie. »

Ce passage, et surtout ces mois : la fatalité de la misère, ont donné à M. Louis Blanc l'occasion d'attaquer avec vivacité la doctrine dont il les a considérés comme l'expression, doctrine qu'il a également attribuée à Turgot et à J.-B. Say.

La fatalité de la misère s'est-il écrié. Ah! Messieurs, lorsqu'une fois on les a prenoncés ces mots terribles, il est inutile de

chercher bien loin la cause qui donne naissance à l'établissement d'associations telles que l'Internationale. Cette cause est toute rouvée lorsque le dogme de la fatalité de la nisère est admis. »

Une des questions qui ont été le plus vivement débattues a été de savoir quelle influence l'Internationale avait exercée sur les grèves, quelle impuls'on elle leur avait donnée, quel concours, quelle assistance elle leur avait prétés; et l'on comprend que, tout naturellement, en s'occupant de ce point, on a été conduit à examiner le mérite et les effets de la loi du 25 mai 1864, sur les coalitions.

M. Tolain a reconnu que l'Internationale s'est mêlée à des grèves; mais il a affirmé qu'elle ne les avait jamais provoquées. Ce n'est point, a-t-il dit, l'Internationale qui a inventé les grèves; malheureusement elles ont désolé notre industrie d'une manière bien terrible, bien avant que l'Internationale eût été fondée. Or, quand on dit que l'Internationale a fomenté les grèves, il faut bien s'entendre; il faut bien reconnaître qu'une fois ces grèves éclatées, lorsqu'elles ont paru justes à ceux qui formaient le bureau de l'association internationale, eile leur a prêté son concours. C'était notre devoir, à notre avis, et nous l'avons rempli.

Pour justifier les dispositions de la loi, il a paru indispensable non-seulement de démontrer que l'Internationale professait des doctrines subversives des principes sur lesquels repose l'organisation de la société, mais aussi d'établir qu'elle avait participé aux mouvements révolutionnaires qui ont si profondément troublé notre pays. A cet effet, M. Depeyre a mis sous les yeux de l'Assemblée, dans les séances des 6 et 7 mars, de nombreux documents émanés soit du congrès de Bruxelles en 1868, soit du congrès de Bâle en 1869, soit du conseil général de l'association, scit enfin du conseil fédéral des sections parisiennes; il a cité aussi la circulaire adressée à tous nos agents diplomatiques par M. Jules Favre, ministre des affaires étrangères, à la suite de l'insurrection de la Commune.

L'Internationale, y est-il dit, est une société de guerre et de haine; elle a pour base l'athéisme et le communisme, pour but la destruction du capital, l'anéantissement de ceux qui possèdent, pour moyen la force brutale du grand nombre qui écrasera tout ce qui essaiera de résister. L'Europe est en face d'une œuvre de destruction systématique dirigée contre chacune des nations qui la composent et contre les principes sur lesquels reposent toutes les civilisations. D

Cette grave accusation, ces graves documents ne sont pas restés sans réponse.

M. Corbon a déclaré qu'à l'origine de l'Internationale il lui était très-sympathique; qu'il lui avait donné tous ses encouragements; mais que sa sympathie, il la lui avait retirée dès qu'il avait vu qu'elle faisait fausse route. li a ajouté Cette société, qu'on a tant grandie, que l'imagination affolée de bien des gens a grossie mille fois plus que de raison, e crois que cette société n'existe presque plus aujourd'hui. Vous prenez des bravades sars

danger qui se font à l'étranger Four quelque chose de sérieux. Non, ce n'est pas sérieux.

Je dis que la société internationale n'est plus un danger. C'est une plante vénéneuse qui est sèche, qui n'a plus de racines; elle ne peut plus rien produire. Voyez, les autres nations n'en ont pas peur; l'Angleterre reste parfaitement tranquille avec cette association dont les plus audacieux représentants sont chez elle.

La condition des ouvriers, la quotité de leurs salaires, la question de savoir s'ils ont diminué ou augmenté, en distinguant entre le salaire quotidien et le salaire annuel; les moyens à l'aide desquels il est possible d'améliorer des situations auxquelles tout le monde prend le plus grand intérêt, ont été l'objet d'explications et de discussions fort étendues.

Dans les séances des 7 et 8 mars, M. Bertauld a fait remarquer que la question politique, la question sociale, avait été examinée sous tous les aspects par des orateurs éminents, mais que les côtés juridiques n'avaient pas encore été abordés. Il a déclaré que, juridiquement, il ne reconnaissait pas à l'association internationale le droit de guerre contre notre société, contre notre civilisation, contre toute société, contre toute civilisation. « Je ne veux pas pour elle, a-t-il dit, l'impunité, je veux la répression des torts qu'elle cause, des ravages qu'elle produit; et pourtant, a-t-il ajouté, je viens vous demander le rejet du projet de loi.

Les raisons qui ont déterminé M. Bertauld à adopter cette résolution ont été exposées par lui en habile juriste; elles peuvent être ramenées à ces cinq propositions:

1o Le projet doit être rejeté, parce qu'il a les caractères d'une loi spéciale;

20 En suppusant qu'une loi spéciale pût être adoptée, il ne faudrait pas qu'elle fût, comme le projet, en même temps une loi spéciale et une loi générale;

3o La loi spéciale devrait, dans tous les cas, être utile, c'est-à-dire contenir des dispositions autres que celles de la loi générale, et avoir un but que la loi générale ne pourrait atteindre;

4 Les pénalités que prononce la loi spèciale ne devraient pas être, et elles sont cependant plus sévères que les pénalités de la loi générale;

50 Enfin les peines qui sont prononcées soit par le projet du gouvernement, soit par le projet de la commission, sont en désaccord avec le droit pénal européen.

Dans les développements de son opinion, M. Bertauld a donné une nouvelle preuve de son savoir comme jurisconsulte; il a exposé d'une manière saisissante des doctrines fort accréditées; il a été pressant dans son argumentation, ingénieux dans ses aperçus, quelquefois jusqu'à la subtilité. Ainsi il a prétendu que la loi, en punissant les sociétés qui provoquent à la suspension du travail, pourrait paraitre atteindre les sociétés qui s'organiseraient pour faire respecter la loi du dimanche. Il a reconnu que c'était seulement la lettre

qui autotiserait une semblable interpretation; mais le bon s ns dit si hautement que cette interprétation serait absurde, que l'observation en était au moins inutile.

Quant à la loi générale à laquelle M. Bertauld a fait allusion, elle n'existe pas encore ; il a voulu indiquer un projet relatif aux associations en général, qui modifie les art. 291 et suiv. du Code pénal, dont l'Assemblée a été saisie, il y a déjà longtemps, et dont M. Bertauld lui-même est le rapporteur.

En comparant les deux projets, il a donné la préférence au sien, et, avec autant de franchise que de bonne grâce, il a été au-devant de l'objection qu'on pouvait lui faire. C'est pent-être, a-t-il dit, un sentiment de paternité, paternité collective, car je n'y suis que Pour ma part; mais il me semble que cette rédaction (la sienne) est préférable à celle du projet de loi spécial. >

Continuant ses observations

critiques

M. Bertauld a reproché au projet d'employer, pour désigner un simple délit, le mot attentat, qui, dans notre législation criminelle, est exclusivement réservé aux faits constitutifs de crimes; il s'est fort ému de la disposition qui prononçait comme peine la perte de la qualité de Français; enfin il a fait remarquer que les étrangers qui se rendraient coupables des faits incriminés n'étaient pas atteints par la loi.

Il a formulé ces idées dans un contre-projet complet.

On verra dans les notes sur les articles que quelques-unes des observations que je me suis borné à indiquer ici ont été prises en consideration, et ont amené des changements que j'aurai soin de signaler.

Deux autres contre-projets ont été également présentés par MM. Albert Grévy et Barthe, et par M. de Pressensé.

La commission en a demandé le renvoi, et, dans la séance du 12 mars, M. Sacaze, rapporteur, a repoussé les attaques dirigées contre le projet, en reconnaissant toutefois qu'il pocvait être utile d'apporter à quelques articles des modifications.

Après la clôture de la discussion générale, l'art. 1er a été mis en délibération, et, quoique tous les orateurs aient déclaré qu'ils voulaient se renfermer dans l'examen des dispositions de cet article, presque tous ont de nouveau traité les questions générales que le projet de loi a fait naître. Je le répète, c'est dans les notes sur les articles que se trouveront utilement placées les parties de la discussion qui sort de nature à indiquer l'esprit général de la loi ou le sens de chacune des dispositions.

Il convient cependant de présenter ici quelques observations sur des doctrines et des controverses auxquelles l'Assemblée a paru attacher une véritable importance, qui peutêtre n'ont pas eu d'influence sur ses déterminations, mais qui ne sont pas sans intérêt pour tous ceux qui font de la législation l'objet de leurs études.

M. Bertauld a eu raison de distinguer entre les lois spéciales et les lois générales; et, en manifestant de l'antipathie pour les premières, il a exprimé un sentiment commun

aux publicistes et aux jurisconsultes. In privos (privatos) homines leges ferri noluerunt; id est enim privilegium : quo qa d est injustius? quum legis hæc vis sit scitum esse jussum in omnes. Cicéron, De legibus, lib. 3, § 19.

M. Merlin, verbo loi, expose la mê me théorie en citant un passage du Contrat social. Pour un homme comme Merlin, Rousseau ne devait pas être, sur une question de législation, une grande autorité; mais le savan légiste a été sans doute sé luit par la forme sous laquelle l'équent philosophe a présenté son système. Ceux qui depuis ont écrit sur la même matière ont répété à peu près ce qui se trouvait ainsi accrédité par l'alliance asзez extraordinaire des noms de Merlin et de Reusseau. Je serais disposé a croire que les idées qu'a exposées M. Bertauld, et même quelques unes de ses expressions, ont été puisées à cette source. Pour caractériser la loi, il a dit qu'elle était un jugement et même une condamnation, parce qu'elle s'adressait à une personne collective et qu'elle statnait par réaction sur le passé. Or, on it dans Rousseau que, sitôt qu'il s'agit d'un fait ou d'un droit particulier, qui n'a pas été réglé par une convention générale antérieure, l'affaire devient contentieuse. C'est un procés où les particuliers intéresses sont une des parties et le public l'autre, mais où je ne vois ni la loi qu'il faut suivre, ni le juge qui doit prononcer. (Livre 2, ch. 4.)

Condorcet, dans ses notes sur l'Esprit des lois, a dit aussi : Les lois doivent statuer sur des objets généraux et non sur des questions particulières. »

Mais la pratique est en désaccord complet avec la théorie; il n'y a pas de pays, pas de législation qui n'offre l'exemple de nombreases lois spéciales. Les Instites, dans lesquelles nous avons tous commencé l'étude du droit romain, disent, en parlant des constitutions des princes qui avaient force de lois : Plane ex his quædam sunt personales quæ nec ad exemplum trahantur; quoniam non hoc princeps vult: nam quod alicui ob meritum indulsit, vel si quam pœnam irrogavit, vel si cui sine exemplo subvenit personam non transgreditur. Alice autem cum generales sint, omnes procul dubio tenent. (Lib. 1, tit. 2, § 6.)

Ces lois étaient désignées par le mot privilegia. Le professeur Thibaut, dans son ouvrage intit lè Système des Pandectes, 8 29, enseigne que les lis, considérées quant à leur étendue, sont générales et établissent une règle pour tous, ou spéciales et n'ont force et vigueur qu'à l'égard des cas spéciaux et des personnes déterminées. Il ajoute que les lois spéciales sont de deux espèces, selon qu'elles établissent ou n'établissent pas des exceptions au droit commun. Dans le premier cas on les appelle aussi privilegia ou constitutiones personales. » Qu'on ouvre au hasard un recueil de lois nationales ou étrangères, on est sûr d'y trouver des lois spéciales en très-grand nombre. Ainsi, en principe, les tois sont les actes émanés du pouvoir législatif qui é ablissent les règles applicables à tous les citoyens; mais, dans une foule de circonstances, la puissance législative est obligée, quelle que soit d'ailleurs l'or

ganisation politique du pays, d'intervenir pour résoudre des questions qui, par leur nature ou leur importance, sont en dehors, ou, pour mieux dire, au-dessus des attributions de l'administration, de l'autorité judiciaire et du pouvoir executif. Voy notes sur l'art. 1er.

M. le rapporteur n'a pas voulu.laisser sans réponse ce qu'avait dit M. Louis Blanc sur le passage du rapport où se trouvait l'expression fatalité de la misère. Je veux, a-t-il dit, qu'aucune obscurité ne subsiste sur le sens de ce passage. La phrase citée n'est que le déve loppement de cette parole sainte qui a traversé les âges et qui a conservé toute sa vérité, parce qu'elle est sortie d'une bouche qui ne se trompa jamais: Il y aura toujours des

pauvres parmi vous! » Dans un écrit sur la misère sociale, qu'a publié il y a déjà longtemps mon excellent ami M. Dufau, il cite aussi le passage de l'évangile de saint Matheu, 25, 11, Nam semper pauperes habetis vobiscum; etil ajoute : « Cette parole est l'expression d'une loi constante de la société humaine. Oui, la misère, qui est un fait primordial et universel, se produira invariablement chez tous les peuples, parce qu'elle a pour origine un autre fait non moins primordial et universel: l'inégalité entre les individus qui forment la société, inégalité que présente l'être physique comme l'être moral. (Introduction, page xiv.)

Turgot et J.-B. Say, accusés par M. Louis Blanc d'avoir émis sur le fait social de la misère une doctrine qu'il a combattue, ne sont pas tout à fait aussi coupables qu'il l'a dit, mais ils ne sont pas à l'abri de tout reproche.

Pour les excuser, on peut dire qu'ils exprimaient l'opinion qui en plein dix-huitième siècle, était professée ouvertement. Le manœuvre, l'ouvrier, disait Voltaire, doit être réduit au nécessaire our travailler, telle est la nature de l'homme. Il faut que ce grand nombre d'hommes soit pauvre, mais il ne faut pas qu'il soit misérable. Siècle de Louis XIV, chapitre 30.)

D

Qui donc aujour l'hui oserait parler ou écrire ainsi? et comment M. Louis Blanc a-t-il pu croire que la commission avait entendu reproduire un système que tous les partis condamnent, que tous les cœurs repoussent? L'inégante des facultés physiques et morales conduit fatalement à l'inégalité des conditions ;. mais les lois, les institutions, toutes les forces sociales doivent être et ont été, depuis vingt ans surtout, dirigées vers l'amélioration de la condition de ceux qui n'ont pour ressources que le travail de chaque jour. Qu'il me soit permis de rappeler ici ce que j'ai dit dans une autre circonstance: < L'égalité n'est pas le point de départ de l'humanité; il est le but de la civilisation, but qu'elle doit sans csse poursuivre, quoiqu'elle ne puisse jamais l'atteindre. Voilà ce que de notre temps tout le monde pense, et c'est faire une mauvaise querelle à un parti politique, quel qu'il soit, que de lui supposer des sentiments differents. Il ne serait pas moins injuste de reprocher à lá société la lenteur de sa marche. M. le duc de Larochefoucauld-Liancourt disait en 1790 à l'Assemblée constituante: La misère publique

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