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montant des retenues faites au profit de cette caisse sur les salaires des ouvriers des anciennes manufactures et magasins de la régie à Strasbourg, Schelestadt et Benfeld.

« Le résultat de ces diverses liquidations sera soumis à l'approbation de la commission mixte instituée par l'art. 11 de la convention additionnelle (1).

<< IV. La loi du 14 juillet 1871, sur la réorganisation judiciaire de l'Alsace-Lorraine, ayant, par son art. 18, consacré le principe d'un dédommagement au profit des titulaires des offices dits ministériels, en cas d'abolition du régime de vénalité sous lequel ils étaient placés, les plénipotentiaires allemands déclarent que leur gouvernement est prêt à étudier les mesures propres à étendre le même principe d'indemnité aux titulaires de charges vénales n'ayant pas le caractère d'offices de judicature, dont la transmission à titre onéreux viendrait à être légalement prohibée.

<< Dans le cas où une indemnité serait accordée, celle-ci sera attribuée aux titulaires, sans distinction de nationalité, et restera de même acquise à leurs veuves et orphelins (2).

• V. Des doutes s'étant élevés en Allemagne sur la portée des paragraphes 2 et 3 de l'art. 32 de la loi du 5 juillet 1844, les plénipotentiaires français ont déclaré qu'il est expressément entendu :

1° Que les brevetés mentionnés dans

(1) La commission dit, dans son rapport, qu'elle s'est d'abord étonnée de ne pas voir fi gurer les caisses d'épargne dans l'énumération des associations que la caisse des dépôts et consignations sera chargée de liquider, dans le cas où quelques-uns de ses membres auraient opté pour la nationalité française; mais elle ajoute que M. le ministre des affaires étrangères lui a fait savoir que des négociations spéciales se poursuivraient à ce sujet à Berlin entre notre chargé d'affaires et la chancellerie fédérale.

(2) Cet article a pour objet d'assurer aux offices ministériels des garanties que leur donnaient les lois françaises et qu'ils ne pouvaient attendre des lois allemandes. L'exposé des motifs explique le but et les effets de la disposition; le rapport de la commission reproduit ces explications avec plus d'étendue.

Les charges vénales, y est-il dit, n'étant pas admises par la législation allemande, il s'est produit chez les titulaires la crainte que leur propriété ne fût compromise par la suppression de leurs emplois, et qu'aucune indemnité ne leur fût accordée. La commission a été heureuse de constater qu'une loi de l'Empire, du 14 juillet dernier, avait donné satisfaction à ces intérêts éminemment respecta

l'art. 10 de la convention additionnelle de ce jour, et qui ont commencé à exploiter leur invention en Alsace-Lorraine, dans les délais légaux, seront considérés comme ayant mis en œuvre leur découverte sur le territoire français;

« Et 2 que les mêmes brevetés ne seront passibles, en France, pour les brevets qui leur sont garantis, ni de la défense d'importation, ni de la déchéance édictées par les paragraphes 2 et 3 de l'art. 32 de la loi précitée.

« Ils ont annoncé, en outre, que les titulaires de brevets français, résidant en Alsace-Lorraine, seront libres de choisir les caisses publiques des villes frontières dans lesquelles il leur conviendrait de verser le montant des annuités dues au trésor.

« VI. Les fonds versés par certaines communes des territoires cédés dans les caisses des anciens receveurs généraux de Colmar, Strasbourg et Metz, et passés au compte du trésor français, seront, après apurement par la commission mixte de liquidation prévue par l'art. 11 de la convention additionnelle, remboursés dans les conditions spécifiées par le second paragraphe de l'art. 4 du traité de paix.

« VII. Le remboursement du cautionnement des comptables qui passeront au service du gouvernement allemand sera effectué conformément au paragraphe 3 de l'art. 4 du traité du 10 mai 1871,

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bles. Nous croyons devoir mettre sous les yeux de l'Assemblée l'art. 18 de cette loi Le chancelier de l'Empire est autorisé à retirer aux titulaires les charges vénales du service judiciaire. Ils seront indemnisés par le trésor public, en conformité des principes en vertu desquels ces charges ont été vendues et sur la base de l'état de choses existant avant le 1er juillet 1870. La fixation de l'indemnité a lieu par des commissions composées d'un " juge, d'un fonctionnaire de l'administration de l'enregistrement et d'une troisième per· sonne désignée par la chambre des avoués, des notaires ou des huissiers, ou par tous les greffiers du ressort du tribunal ordinaire, ⚫ selon qu'il s'agit de l'emploi d'un avoué, <d'un notaire, d'un huissier ou d'un gref‹ fier..

Le principe qu'une indemnité serait accordée aux titulaires de charges de judicature qui viendraient à être supprimées est non-seulement admis dans cette loi, mais on le trouve encore formulé dans l'art. 4 du protocole decloture. Le gouvernement allemand a, de plus, manifesté dans le même article l'intention d'en étendre le bénéfice, sans distinction de nationalité, aux titulaires des charges vénales qui n'ont pas un caractère judiciaire. ›

après apurement et décharge de la ges- çaise et allemande de la convention adtion financière des ayant-droit. ditionnelle au traité de paix du 10 mai 1871, amsi que du protocole de cloture y annexé, qui ont été arrêtes entre eux dans la conférence du 2 de ce mois.

« Tous les cautionnements qui ne rentrent pas dans les categories prévues par les paragraphes 3 et 4 du même article seront remboursés directement par le gouvernement français entre les mains des ayaut-droit qui en feront la demande.

« VIII. L'empire allemand laissera au trésor français toutes facilités pour le recouvrement des créances actives, chirographaires ou hypothécaires qu'il peut avoir à répéter contre des débiteurs domiciliés dans les territoires cédés, en vertu d'actes ou de titres antérieurs au traité de paix, et ne se rattachant ni aux impôts ordinaires, ni aux contributions.

IX. A dater de la convention additionnelle de ce jour, la banque de France liquidera seule et directement, par ses propres agents, les trois succursales établies dans les territoires cédés.

Le liquidateur choisi par elle aura désormais la libre et entière disposition de sa correspondance, des clefs de sa caisse et de tous les fonds et valeurs dont il est chargé d'assurer la rentrée. Ses opérations devront être complétement terminées, au plus tard, dans l'espace de trois mois après l'échange des ratifications de la convention additionnelle de ce jour. Jusqu'à cette époque, il ne pourra, toutefois, entreprendre aucune opération nouvelle d'escompte, de prêts ou d'avances sur titres, ni faire, dans les territoires cédés, aucun placement temporaire de fonds avant, de s'être concerté avec l'autorité locale compétente.

<< Mainlevée est donnée à la banque de France du séquestre mis sur son dépôt de monnaies divisionnaires, et restitution lui en sera faite en espèces monnayées d'argent.

« Le présent protocole, qui sera considéré de part et d'autre comme approuvé et sanctionné, sans autre ratification spéciale, par le seul fait de l'échange des ratifications de la convention alditionnelle à laquelle il se rapporte, a été dressé en double expédition, à Francfort, le 11 décembre 1871.

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« Les deux textes ont elé reconnus exacts et identiquement conformes.

« Au moment d'apposer leurs signatures, les plénipotentiaires français, par ordre de leur gouvernement, ont fait la déciaration suivante :

• Des aliénations de coupes de bois dans les forêts de l'Etat ont été consenties durant la guerre, sur territoire français, par les autorites civiles et militaires allemandes. A raison des erconstances au milieu desquelles ont été souscrits les contrais passés à ce sujet, le gouvernement français ne saurait, en ce qui le concerne, reconnaître à ces contrats ni valeur légale, ni force obligatoire, et-entend repousser toute responsabilité, péchniaire ou autre, que les tiers intéressés. pourraient, de ce chef, vouloir faire peser sur lui.

« Les plénipotentiaires allemands ont, de leur côté, déclaré que la réserve relative au chemin de fer de Nancy à ChâteauSalins et Vic, mentionnée dans l'art. 16 de la convention additionnelle, concerne une entente entre le gouvernement impérial et la compagnie concessionnaire, sur les conditions d'exploitation de ce chemin.

« A la suite de ces déclarations, dont il a été donné acte, les plénipotentiaires respectifs ont signé et scelle les deux actes susmentionnés, et le présent protocole a été dressé, séance tenante, à Francfort, les jour, mois et an que dessus.

« Signé E. DE GOULARD. DE CLERCQ. WEBER. UXKULL.»

• Procès-verbal d'échange de ratifications.

« Les soussignés s'étant réunis pour procéder à l'échange des ratifications de M. le président de la Républ que française et de Sa Majesté 1 Empereur d'Allemagne sur la convention additionnelle signée à Francfort, le 11 décembre 1871, les instruments de cet acte ont été produits et ont été, après examen, trouvés en bonne et due forme;

« Toutefois, l'art. 18 de ladite convention additionnelle ayant stipulé qu'en dehors des arrangements internationaux mentionnés dans le traité de paix du 10 mai 1871, les hautes parties coutractantes sont convenues de remettre en vigueur les différents traités et conventions exis

tant entre la France et les Etats allemands antérieurement à la guerre, le tout sous réserve des déclarations d'adhésion qui seront fournies par les gouvernements respectifs lors de l'échange des ratifications de la présente convention, et sauf quelques exceptions mentionnées dans la convention au même article.

Le soussigné, ambassadeur d'Allemagne, déclare que les adhésions précitées sont acquises, et il en remet les originaux, à l'exception de quelques-unes, qui seront fournies plus tard. Dont acte.

Ledit ambassadeur soussigné déclare en même temps, au nom de son gouvernement: 1° que, pour lui, l'expression Convention littéraire et d'art, consignée dans l'art. 11 du traité de paix du 10 mai, doit s'appliquer non-seulement à la convention franco-prussienne du 2 août 1862, mais encore à l'ensemble des traités ou conventions de même nature signés entre la France et les différents Etats de l'Allemagne; 2° que la mention des traités de navigation faite dans le même article 11 du même traité de paix s'applique aussi bien aux clauses maritimes du traité du 9 juin 1865, conclu entre la France et le Mecklenbourg, qu'à celles du 4 mars 1865, conclues entre la France et les villes anséatiques. Le ministre des affaires étrangères de France déclare que ces interprélations sont pleinement acceptées par le gouvernement français.

a

L'échange des ratifications a ensuite été opéré. En foi de quoi, les soussignés ont dressé le présent procès-verbal, qu'ils ont revêtu du cachet de leurs armes.

Fait à Paris, le 11 janvier 1872. Sigué REMUSAT. ARNIM. »

11 19 JANVIER 1872. Loi qui autorise le département de l'Aube à contracter un emprunt et à s'imposer extraordinairement. (XII, B. LXXIX, n. 843.)

Article unique. Est validée la délibé ration, en date du 25 octobre 1870, par laquelle le conseil général de l'Aube a demandé que le département fût autorisé

(1) Rapport de M. Benoît d'Azy, au nom de la commission du budzet, le 22 janvier 1872 (J.O. du 5 février, no 833). Discussion et adopon le 22 janvier 1872 (J 0. du 23).

(2) Voy. loi du 8 juillet 1871, art. 1er, t. 71, P. 134.

M. le ministre des finances a fait remarquer que le commerce avait supposé que la loi du 8 juillet 1871 avait frappé chaque kilogramme d'un droit de trois décimes, soit trente centimes, tandis, a-t-il dit, que nous ne frappions le kilogramme que de trois dixièmes du droit existant, c'est-à-dire de 12 centimes et demi.

à emprunter une somme de neuf cent mille francs pour concourir à la défense nationale et à s'imposer extraordinairement, en 1871, quatre centimes quarantequatre centièmes additionnels au prineipal des quatre contributions directes, pour en affecter le produit au remboursement de cet emprunt et à d'autres dċrenses d'intérêt départemental.

11- 24 JANVIER 1872. Loi portant établissement de surtaxes à l'octroi de la commune

de Troyes (Aube). (XII, B. LXXIX, n: 844.)

Article unique. A partir de la promulgation de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 1881 inclusivement, les surtaxes ci-après seront perçues à l'octroi de la commune de Troyes, département de l'Aube, savoir vins en cercles, par hectolitre, 90 c.; vins en bouteilles, par hectolitre, 7 fr. 90 c. Alcool pur contenu dans les eaux-de-vie et esprits en cercles, eaux-de-vie et e prits en bouteilles, liqueurs et absinthes en cercles et en bouteilles et fruits à l'eau-de-vie, par hectolitre, 10 fr. Ces surtaxes seront indépendantes des droits principaux qui figurent au tarif dudit octroi.

22

23 JANVIER 1872. Loi concernant les sucres, la statistique commerciale et les allumettes (1). (XII, B. LXXIX, n. 845.)

Art. 1er. Les droits perçus sur les sucres et glucoses de toute origine, antérieurement à la loi du 8 juillet 1871, sont augmentés de deux nouveaux dixièmes (2).

2. Les sucrés existant, au moment de la promulgation de la présente loi, dans les entrepôts, les fabriques ou les raffineries, seront assujettis au paiement de cette taxe nouvelle. Les employés des douanes et des contributions indirectes relèveront les quantités existantes tant en sucre brut qu'en sucre raffiné et en tènant compte du rendement des sucres bruts au raffinage.

Aujourd'hui, a-t-il ajouté, l'impôt du mois de juillet et celui qui vous est proposé est de 20 à 21 centimes et demi par kilogramme. ».

Trois décimes ou trois dixièmes semblent, au premier aperçu, signifier la même chose; mais le mot décime s'en end ordinairement du dixième du franc, c'est-à-dire dix centimes ou deux sols; tandis que le mot dixième signifie évidemment la dixième partie de l'impôt existant, quelle qu'en soit la quotité. Si l'impôt est de 40 centimes, un dixième est 4 centimes et non pas 10 centimes.

Voy. notes sur l'art. 2.

ASSEMBLÉE NATIONALE. Les sucres bruts pourront être recherchés, en quelque endroit qu'ils existent, par les mêmes employés (1).

(1) C'est M. Villain qui a proposé le second paragraphe de l'article.

Il a combattu le nouvel impôt des deux dixièmes; mais il a pensé que, si cette augmentation, à son grand regret, était adoptée, il serait juste que tous les sucres bruts existant ailleurs que dans les entrepôts, les fabriques et les raffineries, fussent assujettis au paiement de la nouvelle taxe. Depuis six semaines, a-t-il dit, le commerce, averti que l'on se proposait d'imposer deux dixièmes en plus, s'est empressé d'acquitter le droit. Il y a eu à peu près 500,000 sacs de sucre qui l'ont acquitté. Vous vous imaginez, a-t-il ajou'é, que ces sucres sont dans les entrepôts; pas le moins du monde; ils ne peuvent plus y aller, puisqu'ils ont acquitté le droit. Ils ne sont plus dans les fabriques, ils ne sont pas dans les raffineries, ils sont dans un endroit qui n'est ni la raffinerie, ni l'entrepôt, ni la sucrerie. Par conséquent, ce que propose la commission du budget n'atteindrait absolument que les sucres qui sont dans les raffineries; or, je le répète, il y a 500,000 sacs de sucre, c'està dire pour 5 millions de droits qui se trouvent partout ailleurs que dans les établissements où on peut les saisir. Si vous voulez faire quelque chose de sérieux en volant, à mon grand regret, les deux dixièmes, vous ne le pourrez qu'en saisissant le sucre partout où on pourra le découvrir, et remarquez que ce ne sera pas la première fois que la mesure que je propose aura été prise. Lorsque le droit sur le sucre a été élevé de 2 francs à 45 francs, on a fait l'exercice, et on l'a fait partout; cela a été l'affaire de deux jours. >

M Learent, au nom de la commission, a déclaré adopter l'amendement. Nous entendons, a-t-il dit, que les sucres bruts pourront être recherchés partout où ils se trouveront.

Quant aux raffinés, comme les acquittements des droits dont ils ont été l'objet ont été faits d'une manière loyale, puisqu'il n'y a pas de stock de raffinés bien considérable en ce moment et que ces sucres s'écoulent au fur et à mesure de leur production chez les détaillants et chez les épiciers, ces acquittements, dis-je, ayant été faits loyalement, le gouvernement n'aura pas à s'enquérir de cette nature de

sucres. »

Il résulte de cette explication que le paragraphe 2 de l'article, à la différence du paragraphe 1er, ne sera point appliqué aux sucres raffinés. D'ailleurs, le texte est formel.

On a demandé si les marchandises en mer, expédiées avant la présentation de la loi, seraient exemptes du nouveau droit.

M. Schoelcher a demandé que l'on appliquât à l'impôt des deux dixièmes la jurisprudence que l'Assemblée avait adoptée lors du vote des trois dixièmes, c'est-à-dire l'exemption du droit pour les marchandises expédiées par mer, avant que la présentation de la loi fût connue dans les lieux de production. Il a rappelé la disposition expresse de la loi du 11

3. Il est établi, pour subvenir aux frais de la statistique commerciale, un droit spécial de dix centimes par colis

juillet 1871 (voy. tome 71, page 137, et les notes).

M. Leurent, membre de la commission, a soutenu que, puisqu'on faisait partout l'inventaire des sucres bruts, ceux qui étaient en cours de navigation ou en cours de chargement dans les colonies devraient l'impôt exactement comme s'ils étaient en France. C'est là, a-t-il dit, l'effet d'un principe général qui est appliqué aux sucres indigènes et aux sucres d'outre

mer.

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M. le ministre des finances a repoussé l'argument tiré de la loi du 11 juillet 1871. Lors de cette loi, a-t-il dit, il n'était pas du tout question d'inventaire à faire chez les marchands, les commerçants, les raffineurs, ou les producteurs de sucres, tandis qu'aujourd'hui nous devons rechercher et soumettre à l'impôt tous les sucres quelconques, qu'ils aient été fabriqués dans l'intérieur de la France dans les colonies. La situation est identiquement la même, et, par conséquent, il n'y a aucune différence à établir entre ces produits d'origines diverses. Sans doute nous ne voulons pas atteindre les colonies d'une manière particulière et spéciale; nous respectons leurs intérêts, mais nous devons respecter aussi ceux de la mère-patrie et établir une parfaite égalité entre les diverses provenances.

Il n'y a pas eu d'autre observation sur ce point et l'Assemblée a paru adopter la solution proposée par la commission et par M. le ministre des finances. Je crois qu'un examen plus approfondi de la question l'eût déterminée à maintenir la règle posée par la loi du 11 juillet 1871.

En principe, les droits de douane ou d'octroi ne devraient atteindre que les marchandises importées après la promulgation de la loi qui établit ces droits.

Je sais que l'on s'est souvent écarté de cette saine doctrine, notamment en 1859, en matière d'octroi, lors de l'annexion à Paris des communes suburbaines (voy. loi du 16 juin 1859 et le décret du 19 décembre suivant, art. 5, et les notes, tome 59, pages 463 et suiv.).

L'on donne, pour faire rétroagir ainsi les lois fiscales, cette singulière raison que le commerce s'empresse d'acquitter les droits anciens, afin d'éviter la perception du droit nouveau, et l'on ne craint pas de dire que c'est une espèce de fraude. En vérité, en conscience, est-ce raisonnable? J'exécute la loi existante, j'acquitte la taxe qu'elle m'impose; je le fais parce que je veux éviter de payer une taxe plus forte; j'use de mon droit, et la plus scrupuleuse délicatesse ne peut rien trouver à redire à ce procédé.

Mais le législateur a voulu, dans l'intérêt du trésor et en raison des circonstances particulières, atteindre toutes les marchandises, du moins tous les sucres bruts qui ne seraient pas entre les mains des consommateurs. Eh bien, soit! Mais de cette résolution résultait-il nécessairement qu'on dût refuser l'exemption de droit aux sucres en cours de navigation? La

commission et le ministre l'ont dit, je crois qu'ils se sont trompés. La situation entre les sucres qui sont en mer et les sucres qui sont dans les magasins des marchands est, selon M. le ministre, identiquement la même; ce sont ses propres expressions. Je n'hésite pas à dire que la situation est essentiellement différente. Pourquoi a-t-on cru pouvoir atteindre, contrairement au principe de la non-rétroactivité, des marchandises ayant acquitté les droits avant la promulgation de la loi? C'est parce qu'on a vu dans cet empressement l'intention d'éviter l'application de la loi nouvelle; c'est contre cette intention, considérée, à tort ou à raison, comme frauduleuse, que le législateur s'est armé d'une extrème sévérité. On n'a rien de semblable à reprocher à ceux qui, à deux mille ou trois mille lieues de la France, se flant à la législation existante, ne soupçonnant pas même la pensée d'une loi nouvelle imposant des droits plus élevés, ont chargé leurs sucres sur un navire à destination d'un port français.

On le voit donc bien, la raison déterminante de la sévérité de la loi ne permettait pas d'en faire l'application à ces chargeurs dont la bonne foi n'est pas douteuse, et dont l'ignorance du danger qui les attendait était invincible.

Une autre difficulté a attiré l'attention de l'Assemblée.

Pour les marchés en cours d'exécution, qui paiera le droit? a demandé M. Cheguillaume; sera-ce l'acheteur ou le vendeur?,

M. Leurent, membre de la commission, a répondu un peu durement: Il faut être étranger aux affaires pour faire une pareille observation. Dans les affaires, on vend toujours la marchandise sur les prix d'entrepôt. » M. Cheguillaume a insisté en disant: vend aussi à l'acquitté. >

On la

Non, jamais, a répliqué M. Leurent, on ne la vend à l'acquitté. (Réclamations sur quelques bancs.)

M. Cheguillaume a soutenu son allégation: Je maintiens, a-t-il dit, que le raffineur a pu faire des ventes à prix ferme en comptant sur son stock acquitté. Dans ce cas, est-ce le raffineur qui supportera l'impôt des deux décimes? >

Evidemment c'est l'acheteur qui devra payer, a répondu M. Leurent, et s'il y a des difficultés entre les parties, les tribunaux en décideront. >

M. le ministre des finances a aussi donné son opinion sur la question. Qui paiera le droit, a-t-il dit, s'il y a des marchés en cours d'exécution? Je réponds: C'est l'acheteur. Il est évident que, au moment où l'Assemblée souveraine frappe le produit de deux décimes, c'est l'acheteur qui paiera deux décimes de plus le lendemain de la promulgation de la loi. Autrement vous ruineriez ceux qui ont fait de grosses spéculations et qui ne comptaient pas et ne pouvaient pas compter sur ce droit. ›

M. Fourcand a reproduit à peu près la question, en indiquant cependant une nuance importante. Il n'est pas douteux, a-t-il dit, que les sucres qui sont en magasin ou en entrepôt

ont, pour le plus grand nombre, fait déjà l'objet de marchés. Ce sont des sucres qui sont en vente, tandis qu'au contraire les sucres qui partent des colonies et qui arrivent dans nos ports sont presque toujours vendus à livrer. Ces sucres ont été vendus par un négociant ou expéditeur à un autre négociant de nos ports sur des bases que l'un et l'autre connaissaient; la loi nouvelle que vous faites change absolument les conditions de ce marché, et il serait essentiel de dire dans cette loi qui, de l'expéditeur ou de l'acheteur, devra supporter les droits que vous venez d'imposer. Si vous ne le dites pas, vous créez une source de procès. Pour moi, il n'est pas douteux que c'est l'acheteur qui doit payer. (Oui, oui.) Mais je demande que cela soit dit. Il y a une lacune dans la loi, il faut qu'elle soit comblée. »

M. Benoît d'Azy, rapporteur, a répondu : Il est évident que dans le cas de vente à livrer, c'est-à-dire de vente à un prix antérieur à la loi, le droit qui est imposé est à la charge de l'acheteur, car l'acheteur est le seul qui puisse recouvrer le droit sur le véritable débiteur, sur le débiteur définitif, c'est-à-dire le consommateur. Par conséquent, toute question de ce genre doit être résolue de la manière que le bon sens naturel indique, c'est-à-dire que le droit est à la charge de l'acheteur et non pas du vendeur. ›

Voilà de bien imposantes autorités qui s'accordent à résoudre contre l'acheteur la question qui a été posée. M. Leurent, membre de la commission, M. le ministre des finances, M. Fourcand, président du tribunal de commerce de Bordeaux, M. Benoît d'Azy, rapporteur, sont unanimes, et l'Assemblée semble bien s'être associée à leur opinion. Malgré cela, si les tribunaux sont saisis de quelques contestations entre vendeurs et acheteurs, ils ne seront point absolument liés par la solution qui paraît avoir obtenu l'assentiment général.

D'abord les circonstances particulières de chaque affaire peuvent avoir, en cette matière, une grande influence. La loi commerciale, d'accord avec la loi civile, distingue entre les ventes en bloc, les ventes au poids, au compte et à la mesure, les ventes à l'essai, etc., et dans ces différentes ventes la transmission de la propriété n'a pas lieu de la même manière et selon les mêmes règles. (Voy. Continuation de Toullier, tome 1er, pages 81 et suiv., et Zachariæ, tome 3, page 235.) Or on comprend que l'on doit, sinon toujours, du moins souvent, pour statuer sur les litiges, s'attacher à savoir quel était, au moment de la promuigation de la loi, le propriétaire de la marchandise. Je remarque d'ailleurs que personne, dans le cours de la discussion, n'a cherché à résoudre les difficultés en invoquant les principes du droit. Le bon sens naturel a paru à M. le rapporteur donner la solution, et il a présenté comme une considération décisive la faculté qu'aura l'acheter, et que n'aurait pas le vendeur, de faire en définitive supporter le droit par le véritable débiteur, c'est-à-dire par le consommateur. Je suis, certes, bien loin de vouloir, dans l'examen des questions de droit, faire abstraction des notions du bon sens et des lumières

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