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l'indemnité qu'ils allouaient, ou tout au moins fait à ce sujet quelque réserve;

Attendu que si les chefs de l'église catholique dans la Haute Californie s'étaient crus fondés à soulever quelque réclamation du chef du fonds pie, ils auraient dû en saisir la prédite commission Américaine et que ne l'ayant pas fait, ils seraient de ce seul chef nonrecevables. Attendu qu'à cette fin de non recevoir, les demandeurs opposent une double objection: n. N'ayant été investis de la personnífication civile qu'en 1850, ils ne pouvaient agir avant cette date et leur créance ne peut donc être de celles dont il a été donné décharge; b. N'ayant droit qu'à des intérêts et non à un capital, leur droit ne pourrait procéder que du nonpayement et n'était donc pas ouvert en 1848. Attendu:

a. Que par la sentence arbitrale de 1875, les demandeurs se sont fait allouer des intérêts depuis 1848 et que dès lors il se conçoit peu, qu'ils argumentent de leur nonexistence à cette époque, mais qu'il est en effet certain qu'en 1848, à partir du traité de Guadelupe, il n'existait plus dans la Haute Californie d'église catholique reconnue, soit Mexicaine, soit Américaine, et qu'une incorporation obtenue depuis n'aurait pu faire revivre des droits éteints, d'où une nouvelle fin de nonrecevoir;

b. Que le droit aux intérêts présuppose un droit de créance et que ce droit dont la base aurait remonté à de longues années aurait dû exister lors de la séparation des deux Californies; d'où suit qu'il tombait sous le coup des stipulations du traité de Guadalupe ou n'existrait pas; que d'ailleurs la réclamation des demandeurs a porte d'abord sur le principal et que notamment dans leur lettre du 30 mars 1870 au Secrétaire des Etats-Unis Messeigneurs Alemany et Amat l'évaluaient à 3 millions de dollars; que si plus tard et aujourd'hui encore, on n'a réclamé que le paiement d'un certain nombre d'années d'intérêt, ce n'était et ce n'est encore que pour échapper à la déchéance prononcée par le prédit traité de Guadalupe.

Attendu que la demande est encore non recevable à raison des art. 27 paragraphe 2 de la constitution fédérale des Etats-Unis Mexicains du 5 février 1857, de la loi du 12 juillet 1859 et de l'art. 14 de l'amendement à la constitution du 14 décembre 1874;

Attendu que ces lois déjà ci-dessus citées, refusent à toute institution ecclésiastique la personalité civile et partant le droit de posséder et d'administrer des biens quelconques; que l'art. 13 du code civil fédéral rend les lois Mexicaines applicables aux biens possédés par les étrangers et spécialement aux créances garanties par une hypothèque, comme l'eût été la créance litigieuse par la redevance des fermiers du tabac.

Attendu que sans qu'il y ait à discuter ou à apprécier ces lois en elles-mêmes, ou dans leur portée politique et sociale, on ne peut méconnaître leur force obligatoire, ni leur applicabilité au Fonds pie de Californie qui, dans la thèse même des demandeurs, continuerait à appartenir au Mexique en capital et demeurerait soumis à la législation Mexicaine, qu'une loi étrangère ne pourrait paralyser;

DE LA CHOSE PRÉTENDUEMENT JUGÉE PAR DÉCISION DE LA COMMISSION MIXTE DU 29 NOVEMBRE 1875.

Attendu qu'il résulte déjà de ce qui précède que ce moyen, invoqué par les demandeurs en ordre principal, n'est pas fondé; que les

demandeurs ne peuvent à la fois invoquer la chose jugée quant à la perpétuité de leur droit et échapper aux stipulations du traité de Guadalupe, en alléguant qu'ils n'ont que des droits annuels, naissant avec chaque échéance;

Attendu que la présomption de vérité qui s'attache à la chose jugée est une fiction nécessaire et admise par toutes les législations, mais qui se renferme dans les limites très scientifiquement tracées par le code Napoléon, en conformité du droit antérieur; il n,y a chose jugée que quant à ce qui a fait l'objet de la demande et du jugement et il faut que la chose demandée soit la même, que la demande ait la même cause et soit agitée entre les mêmes parties, agissant en la même qualité. Et la chose jugée ne consiste que dans la décision du juge, c. à d. dans le dispositif de la sentence; elle ne s'étend pas aux motifs qui en sont seulement l'explication et ne peuvent servir qu'à l'interprêter, s'il en est besoin; celui-ci même ne comporte présomption de verité que pour ses dispositions certaines, non pour de simples énonciations (sententia debet esse certa).

Telle est la disposition expresse de l'Allgemeine Gerichtsordnung d'Allemagne et l'enseignement de la doctrine comme de la jurisprudence, en France, en Belgique, en Néerlande, en Espagne, comme au Mexique. Aussi, de simples motifs ne peuvent-ils faire l'objet d'un recours devant les cours suprêmes de justice, dont la compétence est limitée à la vérification de l'exacte application des lois.

Non seulement des motifs ne peuvent lier un autre juge, ni influencer la décision de faits postérieurs, mais ils ne lient pas même le juge de qui ils émanent; il dépend de lui d'écarter ceux qu'il a précédemment admis et c'est pourquoi l'interlocutoire ne lie pas le juge. Après avoir exprimé un sentiment d'après lequel il y avait lieu d'ordonner un devoir d'instruction et bien que la preuve ainsi prescrite ait été obtenue, il peut statuer en un sens absolument opposé;

Attendu que pour apprécier s'il y a chose jugée, il faut donc voir ce qui a été demandé, le juge ne pouvant jamais excéder la demande. Attendu dans l'espèce que les conclusions sur lesquelles les arbitres ont eu à statuer ne portaient que sur 21 années d'intérêts et non sur le prétendu droit de créance productif de ces intérêts, que la sentence intervenue s'est exactement renfermée dans ces termes, sans même qu'il ait été tenu compte des intérêts qui seraient venus à échéance au cours de l'instance; qu'elle a été pleinement exécutée, qu'il eût été · impossible aux demandeurs de poursuivre de ce chef le paiement des intérêts ultérieurs et que partant la demande actuelle qui porte sur 33 autres années d'intérêt, est nouvelle et indépendante de la demande antérieurement admise;

Attendu qu'en réalité on n'allègue pas à proprement parler, la chose jugée, mais un simple préjugé. La demande serait analogue à celle déjà admise et les mêmes motifs devraient la faire admettre encore.

Mais ainsi qu'il a été dit déjà, le préjugé fût-il formel, n'est pas la chose jugée, et n'a rien d'obligatoire, même pour le juge dont il émane. De plus:

A. Tout préjugé était impossible dans l'espèce, puisque la décision intervenue émanait d'une commission à laquelle on ne peut reconnaître qu'une autorité arbitrale, et que le pouvoir des arbitres ne procédant que du consentement des parties, se trouve toujours exactemente limité par le mandat privé dont il émane et ne peut donc constituer de préjugé d'aucune sorte.

B. Si la commission mixte avait implicitement statué sur une réclamation en capital du chef de droits antérieurs à 1848, elle eût excédé les bornes de sa compétence et de l'avis de tous les jurisconsultes, semblable décision devrait être tenue pour non avenue.

C. Dans la thèse même de la partie adverse, il n'y aurait identité ni d'objet, ni de cause et les moyens de défense pourraient être fort différents, ce qui est encore exclusif de toute chose jugée:

1o. La réclamation de 1870 a été conformément à la convention du 4 juillet 1868, soumise à la commission mixte et les pouvoirs de celle-ci étant expirés, celle de 1902 ne pouvait plus l'être;

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2o. Si les intérêts réclamés sont du même chiffre annuel, l'objet dela demande ne porte assurément pas sur les mêmes sommes que celles payées. De plus, le règlement en or naguère indifférent serait aujourd'hui ruineux pour le Mexique et ne pourrait se justifier;

3. Les demandeurs invoquant un droit qui ne naîtrait pour eux que chaque année auraient pour chaque réclamation à justifier non seulement du l'existence de l'Eglise Catholique en Californie et du maintien de sa personnification civile, mais de la qualité de ceux qui agissent pour elle, de la possibilité pour eux de remplir encore les intentions des donateurs, de la quotité qui pourrait revenir à la Haute Californie dans la somme totale, d'après les données du moment et de l'intentement de la demande en temps opportun, la prescription extinctive pouvant être utilement opposée pour certaines années, alors qu'elle ne pourrait l'être pour d'autres.

SUBSIDIAIREMENT.

QUANT À LA PRESCRIPTION.

Attendu que la demande comporte en réalité la revendication d'une part des biens donnés aux Jésuites pour les missions de Californie, biens confisqués par le Roi d'Espagne en 1768 et plus tard repris par l'Etat Mexicain, puis nationalisés par lui;

Que dans ces termes, la réclamation, fût-elle établic, devrait être écartée à un triple point de vue:

1o. Aux termes de la loi du 22 juin 1885 et du décret du 6 septembre 1894, toutes les créances à charge de l'Etat Mexicain devaient être produites dans un délai de huit et de onze mois, devant un Bureau institué pour en juger la réalité et ce à peine de déchéance définitive; que cette

concerne les créances appartenant à des étrangers comme celles alléguées par des citoyens mexicains; la réclamation des demandeurs n'ayant pas été ainsi produite, se trouverait donc frappée de déchéance.

2. Elle serait d'autre part prescrite aux termes de l'art, 1901 du Code Civil Mexicain, lequel est ainsi conçu;

La prescription négative s'opère, qu'il y ait ou non bonne foi, par le délai de 20 ans à compter du jour où l'exécution de l'obligation eût pu être exigée.

30. Aux termes de l'art. 1103 du Code Civil Mexicain, les rentes et toutes prestations périodiques se prescrivent par 5 ans, et dans l'espèce, il n'a été formulé aucune réclamation, même officieuse, de 1870 à 1891.

QUANT AU CHIFFRE DE LA DEMANDE.

a. Attendu que le capital dont les intérêts sont réclamés est notamment formé par des accumulations d'intérêts capitalisés et que devien

draient ainsi eux-mêmes productifs d'intérêts; or, la loi mexicaine comme presque toutes les législations, proscrit l'anatocisme.

b. Que jusqu'en 1848, le gouvernement mexicain et avant lui le gouvernement espagnol, disposaient souverainement du Fonds Pie, sans avoir aucun compte à rendre de son emploi, et que partant toute réclamation de ce chef manque de base.

c. Qu'il n'existe d'actes que pour les biens donnés par le marquis de Villa Puente et la marquise de las Torres del Rada et par Dona Josepha Arguelles, que pour le surplus, il n'est justifié d'aucun titre;

d. Qu'il existe dans la Haute Californie trois diocèces et que l'Evêque de Grass Valley, qui naguère est intervenu au débat, n'y figure plus aujourd'hui; que par conséquent on ne pourrait allouer aux demandeurs la quotité qui reviendrait à ce diocèse;

e. Que la répartition éventuelle du Fonds Pie entre la Haute et la Basse Californie devrait être établie d'après le nombre des missions ot des Indiens à convertir en Californie, que les demandeurs ne fournissent aucune justification à cet égard et que l'on croit pouvoir affirmer qu'il ne reste plus dans la Haute Californie un seul indigène païen; qu'en aucun cas la répartition ne pourrait avoir pour base la population, c. à d. le nombre de fidèles aptes à subvenir aux besoins du culte que par conséquent il n'y aurait à admettre ni la base de moitié établie par la sentence de 1875, ni bien moins encore celle de 85 pour cent et de 15 pour cent aujourd'hui proposée;

f. Que les biens du Fonds Pie ont été réalisés par l'Etat Mexicain avant 1848 et que leur produit doit avoir été employé au profit de toutes les parties de l'Etat; que par conséquent la restitution qui pourrait devoir être opérée serait à la charge de l'ensemble des provinces qui constituaient alors le Mexique et que le gouvernement des Etats-Unis Mexicains ne devrait qu'une part proportionnelle à l'importance des provinces conservées.

Que d'autre part il aurait à reclamer une quotité du produit des biens des missions situées dans la Haute Californie.

g. Qu'en aucun cas, l'Etat Mexicain ne pourrait être condamné à payer en or; que l'étalon Mexicain, est exclusivement d'argent; que c'est en cette monnaie que l'Etat a encaissé le produit des réalisations et qu'il ne pourrait avoir à remettre qu'une partie de ce qu'il a ainsi reçu, comme il l'a reçu.

h. Qu'enfin, il y aurait lieu de déduire tout ce qui concerne les biens donnés par le marquis de Villa Puente et la marquise de las Torres del Rada, puisqu'il y a eu à ce sujet un procés engagé et jugé.

Plaise à M. M. les arbitres:

admettre les exceptions et moyens ci-dessus proposés et en conséquence débouter les demandeurs de leur action.

A. BEERNAERT.

L. DELACROIX.

PART III.

APPENDIX TO RECORD.

Containing copies of treaties between the United States and Mexico, rules of procedure before the Mixed Commission of 1868, and The Hague Peace Convention of 1899, with index.

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