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CHAPITRE PREMIER.

De la tierce opposition.

Qu'est-ce que la tierce opposition?
Par qui peut-elle être formée?

Devant quel tribunal doit-elle être portée ? Quelles peines encourent ceux qui emploient mal-à-propos cette voie?

S Ier.

Qu'est-ce que la tierce opposition?

C'est une voie par laquelle une partie lésée par un jugement rendu sans qu'elle ait été appelée, s'oppose à ce jugement, et en demande la réformation dans les dispositions qui lui portent préjudice.

Elle est, après le jugement, ce que l'intervention est pendant l'instance.

Ainsi, dans l'exemple que nous avons donné pag. 313 du 2o. vol., où Rapina veut s'emparer de ma maison et poursuit mon fermier, on rend jugement contre celui-ci; je m'y

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oppose comme n'y ayant point figuré, et je le fais rétracter dans mes intérêts.

La tierce opposition repose sur ce principe, qu'un jugement n'acquiert la force de la chose jugée qu'à l'égard des parties qui ont paru ou qui ont été appelées en cause; mais à l'égard des tiers, le jugement peut être rétracté. On applique la maxime: res inter alios acta vel judicata nihil nocet, neque prodest; c'està-dire, , que tout ce qui a été fait et jugé entre les autres ne nous nuit et ne nous profite pas. Voy. l'art. 1165 du Code civil, qui, pour les conventions, est fondé sur ce principe.

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Ainsi, lorsque j'ai plusieurs débiteurs cohéritiers, et que j'en poursuis un, la condamnation que j'obtiens contre tous ne nuit point aux autres ceux-ci peuvent revenir par tierce opposition, et, proposant contre moi des exceptions et moyens négligés par le premier; être affranchis de mes poursuites, et triompher dans une lutte où l'autre a succombé.. Vid. cod. tit. res inter al. act. lib. 7, tit. 60.

La tierce opposition à un jugement en dernier ressort peut-elle entraîner la rétractation en faveur des parties contre lesquelles ce jugement a été rendu?

Cette question s'est présentée à la cour de cassation; et sur un itératif pourvoi, arrêt du 15 pluviose an 9 (sections réunies), qui restreint au seul tiers opposant la rétractation du jugement, si l'objet litigieux est divisible.

ARRÊT.

Attendu que l'objet général de toute espèce d'action ne peut être que de faire déclarer le droit personnel de celui qui l'exerce.

D'où il suit que si l'effet d'une tierce opposition jugée valable est de faire prononcer la rétractation du jugement attaqué par cette voie, ce ne peut être qu'à l'égard, au profit et en ce qui concerne l'intérêt et le droit personnel de l'opposant ;

Que l'on ne peut s'écarter de ce principe que dans le seul cas où il y a impossibilité absoluc d'exécuter le premier jugement et le second;

Que dans l'espèce particulière, il n'y aurait cu aucune impossibilité d'exécuter les deux jugemens, même dans le cas où le tiers opposant aurait réussi au rescisoire......

Que le jugement attaqué n'a på ordonner la rétractation de ce jugement vis-à-vis des autres

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co-héritiers du tiers opposant, sans violer ouvertement le principe de l'autorité de la chose jugée, établi par les lois romaines (1), et consacré par la disposition particulière de l'art. 5 tit. 27, ordonnance de 1667, casse, etc.

Mais il en est autrement si l'objet du jugement est indivisible, et s'il est impossible d'exécuter tout-à-la-fois le premier et le second jugement. Alors la rétractation s'étend et profite à toutes les parties condamnées, de la même manière que dans les matières indivisibles la restitution du mineur profite au majeur, quoiqu'en thèse générale le majeur ne puisse pas recueillir le bénéfice de la restitution obtenue par un mineur.

Supposons que le tiers opposant réclame un droit de servitude; s'il triomphe, la servitude toute entière est rétablie sur le fonds commun, parce que, ne pouvant être rétablie en partie sans l'être en totalité, la force des choses exige que les co-héritiers condamnés participent au bénéfice de la rétractation. L. 10, ff. Lib. 8, tit. 6. - L. 192, ff. de regulis juris.

Ce principe a été consacré par arrêt de cassation, du 6 fructidor an 10.

(1) Voyez plus haut au commencement de ce paragraphe.

Un jugement arbitral peut-il être attaqué par

voie de tierce opposition?

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L'affirmative avait été jugée par arrêt de cassation du II vendémiaire an 10; mais l'art. 1022 du Code défend d'opposer un jugement arbitral à des tiers; donc, il ne peut blesser leurs droits; donc, ils seraient non recevables à y former une tierce opposition.

Un étranger qui veut prendre cette voie peut-il être tenu de fournir une caution judicatum solvi?

L'affirmative nous paraît résulter de l'art. 166 du Code, qui permet d'exiger cette caution. de l'étranger demandeur ou intervenant. Or, qu'il exerce cette dernière voie avant le jugement, ou qu'après il forme sa tierce opposition, cela est indifférent; l'analogie qui existe dans les deux cas doit déterminer à porter la même décision.

SII.

Par qui la tierce opposition peut-elle étre formée ?

Le droit romain accordait cette exception à tous ceux qui ne pouvaient être repoussés par l'autorité de la chose jugée, et qui avaient

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