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tous les habitans de l'Allemagne, cette terre classique de l'enthousiasme (1); enfin pour ces Anglois, les moteurs et les modèles de tout ce qui, depuis vingt ans, s'est fait de beau en Europe (2). A une alliance si noble et si désintéressée il auroit fallu pouvoir opposer la force que donnent à un peuple le sentiment de l'injustice de ses agresseurs, l'amour de ses lois et de ses institutions, l'attachement à ses Princes. Mais la nation françoise ne connoissoit pas de plus grand ennemi que l'homme qui la gouvernoit; elle abhorroit les institutions qu'il lui avoit données; elle attendoit les alliés comme des libérateurs. La cause de Napoléon étoit condamnée et par l'armée, qu'il avoit trahie, et par ses flatteurs, qui n'attendoient, pour l'abandonner, que le moment où l'on voudroit acheter leur perfidie.

Tout annonçoit donc qu'une époque plus

(1) Expressions de Madame de Staël.

(2) Expressions de M. Genz.

heureuse alloit commencer pour les François, si, sincèrement revenus à des principes d'ordre et de justice, ils vouloient permettre à leur souverain légitime de guérir les maux causés par une liberté illusoire, et ne pas recommencer une nouvelle période de folies et de misère.

En m'appliquant la phrase de M. de Chateaubriand, mon intention ne pouvoit pas être non plus d'établir entre son ouvrage et mon Recueil un parallèle qui ne pourroit que m'être extrêmement défavorable. J'ai voulu seulement rappeler un fait, pouvant expliquer et excuser le désordre qui règne dans la distribution des pièces qui forment ma collection. Il fallut satisfaire à l'impatience du public, qui ne me laissoit pas le temps de me procurer successivement les pièces qui me manquoient, ni celui de classer les matériaux que je possédois.

Je dois ici témoigner ma reconnoissance aux personnes qui ont contribué à enrichir cette collection, en m'envoyant les diffé

rentes gazettes officielles publiées à l'étranger, et une foule d'autres imprimés qui m'ont été fort utiles. J'ai à cet égard les plus grandes obligations à un de mes amis, officier françois aussi distingué par son mérite qu'estimable par sa vertu : ce fut lui qui m'apporta, après la bataille de Hanau, une collection de rapports, proclamations, bulletins et ordres du jour qu'il avoit formée en Allemagne, non sans s'exposer au mécontentement de ses chefs. Cette collection m'a fourni une grande partie du premier volume de mon Recueil. L'ouverture des communications avec l'étranger m'a mis en état ensuite de me procurer une foule de matériaux dans lesquels il ne s'agissoit plus que de choisir.

Quelques personnes à qui la publication de ces pièces a donné de l'humeur, m'ont demandé si, opposant aux bulletins mensongers de Buonaparte, les rapports de 'ses adversaires, et annonçant que mon Recueil étoit destiné à détromper les François sur les événemens qui se sont passés

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depuis quelques années, je prétendois que les pièces que j'y admettois ne contenoient que des vérités, et qu'il falloit n'ajouter foi qu'aux assertions de ceux qui combattoient les François. Il me semble qu'en lisant sans prévention ma collection, on ne sauroit se méprendre sur son objet. Pour détromper ceux des François qui étoient dans l'erreur sur les événemens qui se sont passés, il falloit les mettre en état de démêler euxmêmes la vérité, en comparant entre eux les rapports des deux partis. Éclairés par le flambeau de la critique, ces morceaux serviront à l'historien de cette mémorable époque de guide dans une route tortueuse et obscure, où les préventions, les préjugés nationaux et d'états, les passions et la haine des partis peuvent si facilement égarer. Les rapports des généraux étrangers, et les récits des divers écrivains, seront discutés devant le tribunal sévère de la postérité, qu'on ne trompe pas facilement. Une chose doit cependant avoir frappé les lecteurs accoutumés aux forfanteries des bul

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letins de Napoléon; c'est la noble franchise qui règne dans la plupart des pièces officielles publiées à l'étranger. Sans parler des rapports anglois, dans lesquels un peuple libre, et digne de l'être, ne permettroit pas de mensonges, qu'on jette un coup d'œil sur ceux qui sont sortis de la plume de l'illustre Prince de Suède, et de celle de ce général octogénaire auquel l'espoir de rétablir l'indépendance de sa patrie a rendu la force et la vigueur de la jeunesse. Je n'affirmerai pas que les rédacteurs des bulletins étrangers n'aient passé sous silence quelques faits qui étoient au désavantage des armées alliées; qu'ils n'aient pallié quelques fautes commises par leurs généraux, et fait envisager sous un point de vue favorable à leur cause des événemens d'un succès équivoque; mais, dùt-on m'en vouloir, je dirai une vérité qu'il est utile de proclamer aussi souvent que l'occasion s'en présente c'est qu'il règne dans toutes les classes des habitans de l'Allemagne une trop grande instruction pour qu'on puisse

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