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dicté cette règle générale : A défaut du titre, la possession constante de l'état d'enfant légitime suffit » (1).

Mais prenons garde que l'article 320 ne donne d'effet à la possession d'état que quand elle sert la réclamation de l'enfant ; et qu'il n'autorise personne à la faire valoir contre lui.

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Et en effet, seroit-il juste de laisser ainsi l'état des hommes à la discrétion de quiconque voudroit s'en emparer? Un foible enfant qui ignore de qui il est né, qui n'a pu repousser les soins qu'on lui a donnés pendant le premier âge, qui n'a pu se défendre contre le faux titre qu'on lui a fait porter depuis sa naissance, sera-t-il exclu, par fin de non-recevoir, de retourner à son père ? Perdra-t-il sans retour le nom qui lui appartient, sa place dans sa véritable famille et dans la société ?

La loi ne pouvoit consacrer une telle injustice; une fin de nonrecevoir ne sauroit détruire un fait positif tel que celui de la naissance, tel que celui de la filiation. Et d'ailleurs peut-on exciper contre quelqu'un de son ignorance et des effets qu'elle ne lui a pas permis d'empêcher?

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s La loi ne devoit pas se borner à déclarer que la possession d'état suffit dans l'absence du titre : il falloit encore rappeler les divers traits qui marquent cette possession ↓ (2).

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Différente des conventions, qui la plupart ne laissent d'autres

(1) M. Duveyrier, Tribun. Tome 1.", pages 641 et 642. —(2) M. Lahary, Tribun. Ibid., page 592..

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traces que l'acte même qui les constate, la possession d'état se prouve par une longue suite de faits extérieurs et notoires, dont l'ensemble ne pourroit jamais exister, s'il n'étoit pas conforme à la vérité » (1).

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Ces faits sont les résultats journaliers de toutes les relations de famille, de voisinage, de société, les rapports d'un fils à ses père et mère, d'un frère à ses frères et sœurs, d'un neveu, d'un cousin à ses oncles, tantes et leurs enfans, de tout individu aux voisins, aux amis de la famille dont il est membre » (2).

Les Faits

que l'article

NUMÉRO IV.

321 rappelle sont-ils les seuls auxquels le Juge puisse avoir égard?

La rédaction proposée par la Commission ne donnoit qu'aux faits que l'article 321 rappelle, l'effet de caractériser la possession d'état.

Elle portoit: La possession d'état résulte d'une chaîne uniforme et non interrompue de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend appartenir (3). Puis elle ajoutoit impérativement: Ces faits sont : que l'individu a toujours porté le nom du père auquel il prétend appartenir; que le père l'a traité comme son enfant, et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement; qu'il a été reconnu constamment pour tel dans la société; qu'il a été reconnu pour tel par la famille; le concours de cette dernière circonstance n'est pas toujours indispensablement nécessaire (4):

(1) M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, Tome II, page 573. — (2) M. Duveyrier, Tribun. Tome I.", page 642. — (3) Projet de Code civil, liv. I.", tit. VII, art. 16, page 54.— (4) Ibid.

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Mais on a reconnu qu'il étoit impossible de rechercher et de classer dans une loi tous les rapports qui constituent la possession d'état (1), 5 d'en faire une énumération exactes (2); que dans cette position déterminer les seuls faits qui pourroient constater la possession d'état, c'eût été courir le risque d'en écarter de tellement décisifs, qu'on auroit privé l'enfant de tous les secours que la loi lui donne; et que pour rendre sa preuve plus concluante, on l'eût souvent rendue très-difficile, pour ne pas dire impossible » (3).

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Ainsi, l'article déclare d'abord que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent un rapport de parenté et de famille;

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l'indiEt ensuite il ajoute : Les principaux de ces faits sont: que vidu a toujours porté le nom du père auquel il prétend appartenir ; que le père l'a traité comme son enfant, et a pourvu, en cette qualité, à son éducation, à son entretien et à son établissement; qu'il a été reconnu constamment pour tel dans la société; qu'il a été reconnu pour tel par la famille » (4).

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Si la loi avoit voulu que ces faits fussent les seuls, ou qu'ils composassent l'ensemble de ceux qui doivent constater preuve de la filiation, elle n'auroit pas dit que ces faits sont les principaux : mais dès qu'elle les qualifie ainsi, il est évident que ce sont plutôt des exemples qu'elle propose, qu'une limite qu'elle ait entendu poser » (5).

(1) M, Duveyrier, Tribun. Tome I.", page 642.—(2) M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome II, page 574.—(3) M. Lahary, Tribun. Tome I.", page 593. —(4) M. Duveyrier, Tribun. Ibid., p. 642 et 643. — (5) M. Lahary, Tribun, Ibid., page 594.

NUMÉRO V.

La Réunion de plusieurs Faits est-elle nécessaire?

LA Commission exigeoit cette réunion.

Elle s'en étoit expliquée dans la disposition finale de son article, laquelle portoit: Le concours de cette dernière circonstance (la reconnoissance de la famille ) n'est pas toujours indispensablement nécessaire.

Cette exception formelle montre que la Commission regardoit comme nécessaire la réunion des trois autres circonstances.

La Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris réclamèrent contre cette limitation.

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N'est-ce

pas

de chacun des faits, demandoit la Cour de cassation, qu'il doit être dit que

la réunion continue n'est pas toujours indispensablement nécessaire? La nature des choses résiste ici à des règles rigoureusement et strictement précises » (1).

La Cour d'appel de Paris observoit « qu'il en est de la possession d'état comme de toute autre possession; de celle d'un immeuble, par exemple; elle se manifeste par une infinité d'actes de genres différens; mais il n'est pas nécessaire que tous se réunissent : il suffit qu'il s'en rencontre un certain nombre et d'un caractère assez marqué pour ne laisser aucun doute sur la vérité et la légitimité de la possession. C'est aux juges, sous l'un et l'autre rapport, à en apprécier la suffisance » (2).

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En conséquence ces deux Cours proposoient de déclarer que réunion continue et le concours de toutes les circonstances indiquées, ne sont pas toujours indispensablement nécessaires (3).

(1) Observations de la Cour de cassation, page 123.

(2) Observations de la

Cour d'appel de Paris, page 63. — (3) Observations de la Cour de cassation, p. 123'; - Observations de la Cour d'appel de Paris, page 63.

La Section se rendit à ces observations, et présenta la rédaction qui a été adoptée (1).

On n'y trouve rien qui suppose la nécessité du concours de plusieurs faits.

Cependant on a prétendu qu'elle résultoit de cette disposition, la possession d'état s'établit par une RÉUNION suffisante de faits. On en a conclu «< qu'un fait seul et isolé ne pourra suffire la possession d'état; qu'il faut un cumul» (2).

cc

Cette opinion n'est pas exacte.

pour

établir

Elle est démentie par l'historique même de la discussion: on' vient de voir que, d'après les réclamations des Cours, on a retranché de l'article tout ce qui supposoit la nécessité du concours;

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Elle l'est par le Tribunat, qui a fort bien compris que le véritable sens de la disposition étoit de ne pas regarder comme indispensable pour faire preuve, la réunion complète des faits relatés dans l'article » (3);

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Elle l'est encore par la déclaration de l'Orateur du Conseil d'état, qui a parfaitement développé l'esprit de l'article: La loi n'exige point, a-t-il dit, que tous ces faits concourent; l'objet est de prouver que l'enfant a été reconnu et traité comme légitime; il n'importe que la preuve résulte de faits plus ou moins nombreux, il suffit qu'elle soit certaine » (4).

Ces mots, il suffit que la preuve soit certaine, expriment exac

tement l'intention du Législateur. Dans l'impossibilité de tout prévoir et de donner, comme l'observoit la Cour de cassation, des règles précises, il s'en est rapporté à la conviction du juge, de quelque

(1) 1. Rédaction, chap. II, art. 6, Procès-verbal du 16 brumaire' an 10. (2) M. Lahary, Tribun. Tome I.", page 592. — (3) Observations du Tribunat. — (4) M Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome II, page 574.

manière

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