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Au surplus, il ne s'agissoit pas de savoir si le Législateur pouvoit adopter cette disposition, mais s'il le devoit. En effet, on avoit opposé à la Section qu'il falloit ou prohiber les mariages in extremis, ou en admettre tous les effets; qu'il ne convenoit donc pas d'en retrancher un des principaux, qui est la légitimation des enfans » (1). Elle répondit : La législation par mariage subséquent étant un bienfait de la loi, la loi peut la modifier. Reste à savoir si elle le doit >> Voilà l'état de la question fixé.

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(2).

Exposons maintenant les raisons qui ont été alléguées pour et

contre,

I. SUBDIVISION.

Objections contre la proposition d'attribuer aux Mariages in extremis l'effet de légitimer les Enfans.

ON a fait valoir en faveur du système de la Section :

La nature du mariage ;

L'intérêt des mœurs ;

La crainte des suggestions.

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La nature du mariage. Le mariage est une société contractée pour doubler les plaisirs et adoucir les maux de toute la vie; c'est le sacrement des vivans: mais peut-on en donner le nom et l'efficacité à un simulacre vain qu'on ne forme qu'en cessant de vivre » (3)? « Dans l'ancien droit, des raisons très-solides ont porté le Législateur à refuser les effets civils au mariage in extremis. On n'a pas voulu qu'un mariage pût être fait comme un testament, et que les feux de l'hymen s'allumassent auprès des torches funéraires » (4). « On n'a pas cru que le mariage, ce contrat des vivans, pût être

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(1) Le Ministre de la justice, Procès-verbal du 24 brumaire an 10.-(2) M. Boulay, — · ibid. (3) M. Maleville, ibid. (4) M. Portalis, ibid.

formé avec un cadavre commencé, et que le terme de la vie dût être le premier moment de la société conjugale» (1).

L'intérêt des mœurs. « Il est à craindre que la facilité de légitimer les enfans au dernier moment de la vie, ne favorise le déréglement des mœurs et ne porte à l'oubli du mariage » (2). « Ce seroit une prime accordée à la débauche, un encouragement à se délivrer, pendant sa vie, des gênes d'une union légitime, puisque l'une et l'autre devroient avoir les mêmes résultats. Eh! Croit-on bien que le scandale de vingt ou trente ans d'une vie licencieuse, sera réparé par ce mariage repoussé jusqu'à la mort? N'en restera-t-il pas toujours l'exemple funeste, devenu plus contagieux encore par l'espérance de la même réparation? Eh! Combien de fois cet espoir ne sera-t-il pas déçu ! Combien d'enfans qui auroient été le fruit d'une union légitime, sans cette indulgence funeste pour le concubinage, et qui resteront le fruit honteux de la débauche ! La grande sagesse du Législateur n'est pas de réparer les effets du crime, mais de le prévenir » (3). « Les lois contre la légitimation par mariage in extremis, ont produit un effet utile; elles ont di-, minué les concubinages. Il convient donc de laisser subsister la cause qui a procuré ce bien à la société » (4).

La crainte des suggestions. Un autre motif de la déclaration de 1639, a été « de défendre les mourans des suggestions et des pratiques qui pourroient être employées pour surprendre leur foiblesse. On a pensé que si la loi prend des précautions pour mettre à couvert les intérêts les plus modiques des citoyens, elle ne doit pas les abandonner par rapport à un intérêt aussi grand que celui du mariage » (5)

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« La présence de l'officier public ne peut rassurer; il n'est pas

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 24 brumaire an 10. (2) M, Boulay, ibid,

− (3) M. Maleville, ibid. — (4) M. Portalis, ibid. — (5) Ibid.

comme juge; il y exerce un ministère entièrement passif; et il ne lui appartient pas de refuser la déclaration qu'on le requiert de recevoir. Il est avoué déjà que son intervention n'est pas une garantie suffisante, puisque l'on a reconnu que le mariage célébré devant lui, peut n'avoir pas été librement contracté*. Il faut donc d'autres précautions pour empêcher les abus des mariages in extremis » (1).

II. SUBDIVISION,

Réponses aux Objections.

CES diverses objections ont été successivement réfutées.

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Réponse à la 1. objection. On a objecté, en premier lieu, «qu'il ne convient pas d'allumer les flambeaux de l'hymen aux torches funéraires.

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» Mais la plus grande partie de ces mariages ne se célèbrent pas au lit de mort; et d'ailleurs, qu'est-ce que cette légère inconvenance à côté de l'idée de donner au mourant la plus douce des consolations? A la lueur de ces flambeaux funéraires qui le touchent peu, le mourant voit sa femme, sa nombreuse famille; s'il lui est permis, en réparant le scandale de sa vie passée, d'assurer à ses enfans, à sa femme, un nom, un état, une fortune, il meurt tranquille : qui pourra peindre, au contraire, la désolation, le désespoir de cet homme mourant, s'il descend au tombeau poursuivi par cette horrible idée qu'il laisse au monde sa femme, ses enfans, sans nom, sans honneur, sans fortune, livrés à la misère et à l'humiliation » (2)?

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Réponse à la 2.o objection. On a objecté, en second lieu, la que facilité d'épouser sur le bord de la tombe et à la suite d'une vie licencieuse, sera un encouragement au libertinage.

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 24 brumaire an 10.- (2) M. Réal, ibid. * Voyez tome II, pages 44 et suiv.

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Mais

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Mais est-il dans la nature et les affections humaines, de régler à l'avance sa conduite par la faculté qu'on aura dans ses derniers instans? On est bien plutôt disposé à repousser cette idée importune; il n'est pas raisonnable de croire que, sous l'espoir souvent très-fragile d'un mariage in extremis, on va faire du concubinage une affaire de calcul.

» Il est bien plus sage de voir les hommes tels qu'ils sont. Celui que ses passions et les circonstances auront entraîné au concubinage, n'aura pas aperçu à l'avance un mariage in extremis comme devant en être le dernier résultat : mais il aura des enfans; si sa fin approche, et s'il lui reste quelques sentimens d'honnêteté, ́ il voudra réparer ses fautes en rendant l'entier état civil à ces enfans et l'honneur à leur mère. Qu'y a-t-il là d'immoral? et qui mériteroit mieux cette qualification que la loi qui s'opposeroit à l'accomplissement d'un devoir aussi sacré » (1)?

Réponse à la 3. Objection.

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On a objecté, enfin, l'affoiblisse

ment des organes de celui qui se marie in extremis» (2). Dans cet état, le consentement ne sauroit être bien réfléchi; les surprises sont à craindre; il est de la sagesse du Législateur d'empêcher qu'un vieillard ne soit circonvenu à ses derniers momens.

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Vaines excuses! Un moribond peut tester; il peut disposer de sa fortune; et ce qu'il a dicté, le Législateur veut que ce soit une loi »> (3); en un mot, les testamens faits in extremis ont leur effet, pourvu qu'ils soient exempts de fraude. Pourquoi n'en seroit-il de même des mariages in extremis ɓ (4)?

pas

y a plus; le projet de la Section 5 ne dépouille de leur effet ces sortes de mariages, que lorsqu'il existe des enfans nés d'un

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 24 brumaire an 10. —

ibid. — (4) M. Berlier, ibid.

(2) Ibid, — (3) M. Réal,

concubinage antérieur; et cependant, s'il est vrai qu'un moribond n'ait plus assez de liberté d'esprit pour consentir, comment ne lui défend-on pas le mariage d'une manière absolue (1)? Comment le laisse-t-on tester? Comment la circonstance qu'il existe des enfans, peut-elle tout-à-coup détruire cette capacité naturelle qu'on lui suppose dans des circonstances différentes?

C'est, répondra-t-on, parce que, dans cette dernière hypothèse, l'abus est bien plus grave. On pourroit, à la faveur de l'état de foiblesse où se trouve le malade, aller jusqu'à lui faire légitimer des enfans qui ne sont pas les siens (2).

Écartons d'abord cette crainte d'une fausse légitimation.

Il n'est pas question ici d'un homme dont les organes seroient assez altérés pour qu'il ne pût ni avoir ni exprimer de volonté. S'il étoit arrivé à ce terme, le contrat seroit nul, faute de consentement, et cette règle a été spécialement exprimée dans le titre Du Mariage* (3).

Mais quelle sera la garantie que le mariage n'aura pas été célébré d'une manière aussi vicieuse ?

La présence de l'officier public. Dans l'absence de volonté attestée par une agonie, il devroit refuser la célébration: il ne seroit pas, comme on l'a dit, un simple instrument de rédaction dans une telle conjoncture, et il deviendroit coupable, ainsi que les témoins, s'il étoit passé outre; enfin, ils pourroient tous être poursuivis, et l'acte annullé » (4).

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Supposons donc un malade qui a conservé toute sa présence d'esprit; supposons un officier public qui, avant tout, vérifie ce fait, qui refuse son ministère, s'il ne voit plus de connoissance ni de raison »> (5) alors on ne conçoit plus comment le

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