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» Ce sont des victimes innocentes de la faute de leurs parens. L'ordre social a exigé que des prérogatives fussent accordées aux enfans nés de mariages légitimes. La nécessité de maintenir la barrière qui les sépare de ces enfans, a été reconnue par tous les peuples. Mais la dignité du mariage n'exige point qu'ils soient étrangers à ceux dont ils tiennent la naissance. La loi seroit à-la-fois impuissante et barbare, qui voudroit étouffer le cri de la nature entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent l'existence.

» Les pères et mères ont envers leurs enfans naturels des devoirs d'autant plus grands qu'ils ont à se reprocher leur infortune. La loi a seulement été obligée de poser des bornes au-delà desquelles l'institution du mariage seroit compromise » (1).

Cette partie du titre avoit des difficultés d'un autre genre, mais qui sont, avec les difficultés de la première partie, dans la proportion de force et de résistance qui existe entre les opérations de l'esprit et les sensations du cœur.

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La société ne peut rien souffrir qui blesse son institution fon'damentale, le mariage.

» Le sentiment naturel qui enchaîne et confond ensemble le père, la mère et les enfans, est au-dessus du mariage et de toute institution sociale.

» La politique étend sa rigueur calculée sur tout ce qui est contraire à ses maximes et étranger à ses lois.

» L'humanité embrasse toute la nature, et protége tout ce qui respire.

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La raison est froide et clairvoyante.

» Le sentiment est aveugle et impétueux; et si l'un tyrannise

avec violence, l'autre résiste avec impassibilité.

(1) M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome II, page 582.

» Le travail étoit donc de combiner des règles dont la balance ingénieuse pût concilier et satisfaire ensemble la nature et la société, le sentiment et la raison, l'humanité et la politique.

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Il falloit, en un mot, donner à la société ce qu'elle exige, sans blesser la nature, et à la nature ce qu'elle demande, sans révolter la société.

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Cette contrariété, la plus puissante peut-être sur les facultés de l'homme social, est l'origine de toutes les variations que fait remarquer la législation relative aux enfans naturels, chez tous les peuples, dans les différens temps, et même parmi nous avant et après la révolution » (1). .

Mais voyons comment notre Code a réglé cette matière.
Il avoit à déterminer,

1.o La manière dont les enfans naturels établiroient leur filiation; 2.° Quels seroient leurs droits.

Ire PARTIE.

DE QUELLE MANIÈRE LES ENFANS NATURELS PEUVENT ÉTABLIR LEUR FILIATION.

(Articles 334, 335, 336, 337, 339, 340, 341 et 342.

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LES enfans naturels peuvent être reconnus spontanément par les auteurs de leurs jours.

Mais si le père ou la mère s'y refuse, il est possible que, d'après les preuves qu'administre l'enfant, la justice les force à le recon

noître.

Il y a donc deux sortes de reconnoissances :

(1) M. Duveyrier, Tribun. Tome 1.", page 657.

La reconnoissance volontaire,

La reconnoissance forcée ou juridique.

I.re DIVISION.

339.)

De la Reconnoissance volontaire. (Art. 334, 335, 336, 337 et 339.

Il est nécessaire d'expliquer,

Dans quelle forme cette reconnoissance peut être faite;

Quels enfans en peuvent être l'objet;

A l'égard de quelles personnes elle établit la filiation;
Comment elle peut perdre ses effets.

I.re SUBDIVISION.

Dans quelle forme la Reconnoissance peut être faite.

ARTICLE 334.

LA reconnoissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance.

CET article distingue deux manières de reconnoître un enfant naturel :

L'une, par son acte de naissance;

L'autre, par un acte authentique quelconque.

NUMÉRO I.cr

De la Reconnoissance faite par l'Acte de naissance.

RIEN de plus naturel que d'admettre la reconnoissance faite au moment même de la naissance et par l'acte même qui constate l'état de l'enfant.

4.

Ꮓ .

Mais il importe de revenir ici sur une question dont j'ai eu déjà occasion de parler.

On vient de voir qu'en discutant sur la forme dans laquelle la reconnoissance antérieure au mariage doit être faite pour la légitimation, on a demandé s'il suffiroit que le père et la mère fussent désignés par les témoins, ou s'il falloit qu'eux-mêmes fussent présens à l'acte *.

A la vérité, cette question n'a été présentée que dans l'espèce plus favorable du mariage subséquent : mais elle existe à plus forte raison dans le cas moins favorable où, n'y ayant pas lieu à la légitimation, il ne s'agit que de donner à un individu l'état d'enfant naturel.

La Commission l'avoit décidée par l'article suivant, qu'elle avoit placé au titre Des Actes de l'étAT CIVIL : Si la mère n'est point mariée, le père ne sera point dénommé dans l'acte, à moins qu'il ne soit présent, et qu'il ne fasse sa déclaration, signée de lui: cette déclaration peut être faite par un fondé de procuration spéciale et authentique (1). On avoit écarté cet article,

1.° « Parce qu'on n'avoit pas voulu constituer l'officier de l'état civil juge de l'admission ou du rejet de la déclaration du nom du père ses fonctions doivent se borner à écrire le fait qu'on lui raconte; il y auroit de l'inconvénient à l'autoriser, en aucun cas, à refuser une déclaration » (2);

2.° « Parce que ses dispositions appartiennent plus au droit qu'à la forme » (3), et que la forme des actes étoit le seul objet du titre où elles se trouvoient classées.

Néanmoins le problème a été implicitement résolu, conformément aux vues de la Commission.

(1) Projet de Code civil, liv. I.", tit. II, art. 26, page 13. —(2) M. Portalis, Procèsverbal du 24 brumaire an 10. (3) M. Thibaudeau, ibid.

* Voyez page 172.

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Observons en effet qu'il ne s'agit pas ici des enfans nés sous le mariage; la mère étant toujours certaine, la règle pater is est les attribue par suite au mari, sauf les cas de désaveu *; il s'agit des enfans nés hors mariage, auxquels ces règles ne peuvent s'appliquer. Or, nous avons vu qu'il n'est pas permis d'indiquer le père d'un enfant né d'une femme non mariée **.

Dès lors, l'acte de naissance n'établit la filiation de l'enfant naturel vis-à-vis du père, qu'autant que celui-ci y a paru, soit en personne, soit par un fondé de pouvoir, et a consenti à être désigné.

NUMÉRO II.

De la Reconnoissance faite par un Acte séparé de l'Acte de

naissance.

L'ARTICLE 334 suppose qu'un enfant naturel pourra être reconnu par un acte séparé de son acte de naissance.

Cette disposition avoit été proposée par la Commission (1). Mais, à quelle époque cette reconnoissance sera-t-elle valable? Par quel acte devra-t-elle être faite?

Si c'est par un acte authentique, quel officier recevra cet acte?

LA

A quelle époque cette Reconnoissance est valable.

La reconnoissance peut être faite avant ou après la naissance de l'enfant.

La Commission vouloit qu'elle fût valable dans les deux cas (2).

(1) Voyez Projet de Code civil, livre I.", titre II, article 27, page 13. — (2) Voyez ibid., livre I.", titre VII, article 28, page 56; — titre II, articles 27 et 28, pages 13

et 14.

·

Voyez pages 66 et suiv. -** Voyez tome 1.", pages 400 et suiv.

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