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Le Conseil d'état décida que les enfans nés avant le mariage de leur mère, peuvent réclamer après le mariage qu'elle a contracté avec un autre individu que leur père (1).

En conséquence, dans l'article 34t on n'a fait aucune distinction.

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NUMÉRO II.

Quels Faits l'Enfant doit établir contre la Mère pour justifier de sa Filiation.

L'ARTICLE 341 veut que la maternité ne résulte que du concours de deux faits de la certitude de l'accouchement de la mère, et de Pidentité prouvée entre le réclamant et l'enfant qui est né.

La sagesse de cette disposition est trop évidente pour qu'il soit besoin de la faire apercevoir.

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NUMÉRO III.

Quelles Espèces de Preuves sont autorisées.

La loi a cru devoir prendre des précautions contre le genre de preuves qui pourra être admis. Si la crainte des vexations et de la diffamation a fait rejeter les recherches de la paternité, ce seroit pour les femmes un malheur encore plus grand, si leur honneur pouvoit être compromis par quelques témoins complaisans ou subornés. On ne présume point qu'un enfant ait été mis au monde sans qu'il y ait par écrit quelques traces, soit de l'accouchement, soit des soins donnés à cet enfant. Il étoit donc à-la-fois de justice "particulière et d'honnêteté publique, de n'admettre l'enfant à prouver qu'il est identiquement le même que celui dont la mère qu'il réclame est accouchée, que dans le cas où il aura déjà un commencement de preuve pir écrit » (2).

(1) Décision, Procès-verbal du 26 brumaire an 10. — (2) M. Bigot - Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome 11, pages 584 et 585.

Il n'en est pas ici comme dans le cas où un enfant réclame les droits de la légitimité: alors toute espèce de preuve doit être admise; mais si l'on donne la même latitude aux enfans nés hors mariage, on expose la femme à craindre une action flétrissante pendant tout le cours de sa vie. Il est donc nécessaire de modérer cette action, afin qu'elle n'entraîne pas d'abus »

(1).

Les Commissaires rédacteurs et la Section avoient ajouté à l'article qu'ils proposoient,

1.° Que la preuve testimoniale seroit admise lorsque l'enfant auroit une possession constante de la qualité de fils naturel de la mère qu'il réclame;

2.° Que le registré de l'état civil qui constate la naissance d'un enfant né de la mère réclamée et duquel le décès n'est pas prouvé, pourroit servir de commencement de preuve par écrit (2).

Ces deux dispositions ont été retranchées par des motifs qui jettent beaucoup de jour sur la manière d'entendre et d'appliquer l'article 341.

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On a dit sur la première, que toutes les fois qu'on jouit de son état constamment, publiquement et sans trouble, on a le plus puissant de tous les titres; qu'il seroit donc absurde de présenter la possession constante comme un simple commencement de preuve, puisque cette sorte de possession est la plus naturelle et la plus complète de toutes les preuves. Des faits de possession isolés, passagers et purement indicatifs, peuvent n'être qu'un commencement de preuve : mais, encore une fois, il y a preuve entière lorsqu'il y a possession constante » (3).

On a dit sur la seconde disposition : « Le principe de cet article

(2) Projet de Code civil,

(1) M. Berlier, Procès-verbal du 26 hrumaire an 10. liv. I.", tit. VII, art. 26, page 56; -1. Rédaction, chap. III, art. 7, Procès-verbal du (3) M. Portalis, Procès-verbal du 26 brumaire an 10,

26 brumaire an 10.

entraîneroit de grands inconvéniens, s'il donnoit trop de facilité pour prouver la filiation contre une mère de famille ou contre une fille honnête dont la foiblesse seroit ignorée. On a donc eu raison d'en circonscrire l'application, de manière qu'elle ne dépendît pas de preuves arbitraires. Les conditions dont on la fait dépendre sont bien choisies; mais on les affoiblit, si l'on décide que le registre qui constatera la naissance d'un enfant né de la mère réclamée, et duquel le décès ne sera pas prouvé, pourra servir de commencement de preuve par écrit.

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Voici l'abus qui peut résulter de cette disposition: un aventurier qui trouvera sur les registres l'inscription d'un enfant dont le décès ne sera pas prouvé, prétendra qu'il est cet enfant, et à l'aide de quelques témoins subornés, il réussira dans sa demande. Il est difficile de concevoir jusqu'à quel point la preuve testimoniale doit être suspecte quand elle porte sur l'identité. Il existe maintenant un procès dans lequel une femme prétend qu'on a faussement répandu le bruit de sa mort et de ses funérailles ; des témoins ont été entendus, beaucoup la reconnoissent et beaucoup ne la reconnoissent pas,

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Indépendamment de ces considérations, on peut aussi faire valoir des raisons de droit.

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Il n'y a un véritable commencement de preuve par écrit, que lorsqu'il est direct et relatif à la personne, et non lorsqu'il peut s'appliquer à plusieurs. Ici la question sera de savoir si le registre s'applique à l'enfant, et cependant ce sera du registre même qu'on prétendra tirer les premiers traits de lumière sur cette application; on tombe donc dans un cercle vicieux. Il faut laisser au réclamant la faculté d'argumenter du registre, et non en faire un commencement de preuve par écrit » (1).

(1) Le Ministre de la justice, Procès-verbal du 26 brumaire an 10,

III. SUBDIVISION.

Des Enfans auxquels toute Recherche de Paternité et de

Maternité est interdite.

ARTICLE 342.

UN enfant ne sera jamais admis à la recherche, soit de la paternité, soit de la maternité, dans les cas où, suivant l'article 335, la reconnoissance n'est pas admise. DANS cet article, « on a voulu éviter le scandale public que causeroit l'action judiciaire d'un enfant adultérin ou incestueux qui rechercheroit son état dans la preuve du délit de ceux qu'il prétendroit en même, temps être les auteurs de ses jours. Ces enfans ne seront en aucun cas admis à la recherche de la paternité » (1).

« La recherche de la maternité elle-même ne sera plus permise, lorsqu'elle sera dirigée sur la trace d'un adultère et d'un inceste toutes les fois que pour la démontrer il faudroit rendre publics et certains ces attentats scandaleux, dont la possibilité mystérieuse et les exemples impunis corrompent et flétrissent les mœurs publiques. La manifestation d'un désordre caché n'est jamais, pour l'intérêt social, compensé par la réparation d'un dommage individueł » (2).

II. PARTIE.

DES DROITS QUE LA RECONNOISSANCE VOLONTAIRE OU FORCÉE donne aux ENFANS NATURELS.

ARTICLE 338.

L'ENFANT naturel reconnu ne pourra réclamer les droits d'enfant légitime. Les droits des enfans naturels seront réglés au titre Des Successions,

CET article s'appliquant à tout enfant naturel reconnu, soit qu'il

(1) M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs, Procès-verbal du 21 ventôse an 11, tome 11, page 585. — (2) M. Duveyrier, Tribun. Tome 1.", page 664.

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l'ait été volontairement, soit qu'il l'ait été forcément, j'ai pensé que sa place naturelle étoit après les dispositions sur les deux sortes de reconnoissances.

Je rappellerai d'abord les dispositions de la législation ancienne sur ce sujet, celles de la législation intermédiaire ; j'exposerai ensuite celles du Code Napoléon.

Ire DIVISION.

Des droits que la Législation ancienne donnoit aux Enfans naturels.

« LES Romains avoient distingué toutes les espèces d'enfans naturels avec un soin qu'on pourroit citer en preuve du degré de corruption où ils étoient parvenus les enfans de femmes libres ou esclaves, de concubines domestiques ou de prostituées, du simple ou du double adultère, de l'inceste civil direct ou collatéral, et de l'inceste religieux.

» Nous n'avons jamais connu que deux classes d'enfans naturels : dans la première, les enfans naturels simples, nés de personnes libres, ex soluto et soluta; dans la seconde, les adultérins et les incestueux; et l'inceste religieux étant désormais étranger à la loi civile, ce dernier genre devient presque insensible.

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Ces distinctions soigneuses des Romains n'ont donc servi, parmi nous, qu'à nuancer la turpitude et le scandale, et à confondre les principes et les conséquences, tellement qu'un même principe donnoit deux conséquences contraires, ou qu'une même conséquence émanoit de deux principes différens.

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D'abord, on peut remarquer que cette distinction générale des bâtards, admise encore par notre jurisprudence plutôt que par nos coutumes, dont deux seulement l'ont établie, n'influoit pas

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