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sibilité physique de cohabitation, il étoit assez naturel, après avoir énoncé les deux causes d'où elle résulteroit, d'exclure celles qui auroient pu la produire, mais qu'on ne vouloit pas admettre.

J'ai donc cru que pour ne pas scinder la matière, il convenoit de rapprocher les deux sortes d'impuissance.

Pourquoi la Cause d'impuissance naturelle a été rejetée.

« L'IMPUISSANCE naturelle est la supposition plus ou moins probable, qu'un homme auroit été produit, sans avoir reçu de la nature la faculté de produire.

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La loi romaine admettoit l'impuissance naturelle: mais ce peuple pour lequel l'honnêteté publique et la révérence des mœurs étoient la loi suprême, ne nous a pas transmis un exemple d'application.

» La religion l'introduisit seulement au huitième siècle dans sa doctrine et ses décisions, mais avec cette restriction remarquable, qu'elle ne rendit jamais que des décisions provisoires, sur ce motif que l'Église pouvoit avoir été trompée, et des décisions toujours reformables, si l'homme accusé d'impuissance donnoit par la suite des preuves contraires et matérielles dans un mariage subséquent.

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De là nos Tribunaux l'ont adoptée; mais sans la restriction qui en modéroit l'inconséquence. Cette restriction religieuse ne pouvoit se concilier avec ce principe social d'une force extrême, que l'ordre des familles et l'état des mariages doivent être immuables. Plus on sentoit le besoin de saisir la vérité, plus on multiplioit les moyens insensés de la découvrir; et dix siècles perdus à rechercher follement la cause mystérieuse d'un effet incertain, n'ont produit que des contradictions, des scandales et des démentis

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donnés par la nature elle-même à des jugemens fondés sur les plus spécieuses vraisemblances.

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Depuis long-temps la rareté extrême de ces cas monstrueux, s'ils existent, l'infamie et l'insuffisance des épreuves, l'obscurité insurmontable de la cause et de l'effet, avoient fait condamner par tous les esprits sages ce moyen ridicule d'attaquer et de détruire une présomption juste et favorable, élevée par la loi ellemême au rang de la vérité » (1).

Le Projet de la Commission alloit plus loin, il rejetoit indifféremment toute allégation d'impuissance de la part du mari, sans distinguer entre l'impuissance naturelle et l'impuissance accidentelle. L'article qu'elle présentoit étoit ainsi conçu : La loi n'admet point l'allégation de l'impuissance naturelle ou accidentelle du mari (2). La Section proposa la même disposition (3).

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Cette exclusion générale et absolue de la cause d'impuissance fut combattue au Conseil d'état. On trouva étrange que la Section rejetât d'un côté l'allégation d'impuissance, tandis que de l'autre, elle admettoit pour exception à la règle pater is est, l'impossibilité physique des approches du mari; ce qui comprend nécessairement l'impuissance, l'absence et la maladie » (4). Si les causes d'impuissance ont quelquefois souillé la majesté des audiences publiques; il n'est pas moins vrai que quelques-unes d'entre elles étoient fondées; d'où il suit que c'est moins par la puissance de la loi que par la puissance de l'opinion, qu'on doit chercher à contenir les personnes qui voudroient introduire des causes de ce genre

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(5).

(1) M. Duveyrier, Tribun. Tome I.", pages 629 et 630. — (2) Projet de Code civil, liv. 1.", tit. VII, art. 2, page 53. —

verbal du 14 brumaire an 10.

(3) 1. Rédaction, chap. I.", art. 1.", Procès(4) Le Consul Cambacérés, ibid. Voyez Projet de Code civil, liv. I.", tit. VII, art. 2 et 5, page 53; 1." Rédaction, chap. 1.", art, 1.". et 4, Procès-verbal du 14 brumaire an 10,- (5) Le Consul Cambacérés, ibid.

Alors les motifs du système furent développés.

La Section avoit voulu « ne faire dépendre l'impossibilité physique que de faits positifs et faciles à prouver » (1).

L'impuissance n'a ni l'un ni l'autre de ces caractères.

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pas de

moyen

y a

Il n'est de la reconnoître avec certitude. Il tant de doutes à cet égard, que l'on a vu des Tribunaux déclarer le mari impuissant et ses enfans légitimes, parce que l'impuissance est quelquefois relative: la loi ne doit statuer que sur ce qui est ordinaire; or l'impuissance absolue est rare >> (2); « elle n'est jamais assez certainement absolue pour qu'elle puisse devenir une preuve contre la légitimité de l'enfant » (3).

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D'ailleurs « la preuve de l'impuissance laisse toujours des doutes, et est au surplus scandaleuse » (4).

D'un autre côté, « comment invoquer l'impuissance contre l'état d'un enfant? Ne peut-on pas dire, au contraire, que l'existence de cet enfant est une preuve contre l'impuissance? Il est possible que le père soit actuellement impuissant, sans qu'il en résulte qu'il l'ait été au moment où l'enfant a été conçu » (5).

Enfin «< on conçoit, à la vérité, que la femme ait pu être admise à faire valoir l'impuissance de son mari; mais il est inoui qu'on ait admis le mari à faire valoir sa propre impuissance pour contester l'état de ses enfans » (6).

Dans le titre Du Mariage, « on n'avoit pas fait de l'impuissance l'objet d'une action en nullité, et ce silence absolu de la loi est fondé en raison; car, comme on vient de le dire, il n'est pas de moyen de reconnoître avec certitude l'impuissance. En général,

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« il étoit dans l'esprit du projet d'anéantir cette cause sous tous ses

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(1) M. Boulay, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. (2) M. Portalis, ibid. (3) Le Premier Consul, ibid. — (4) M. Boulay, ibid.; -M. Tronchet, ibid. -(5) M. Portalis, ibid. (6) Le Premier Consul, ibid

rapports; à plus forte raison ne 'devoit-on pas avoir égard à l'exception tirée de la maladie du mari. Une telle exception seroit d'ailleurs démentie par des exemples. Il est prudent de jeter un voile sur des mystères que l'on ne peut pénétrer » (1),

« La théorie de la Section étoit donc raisonnable » (2), du moins en la limitant à l'impuissance naturelle qui n'est jamais un fait physique et certain.

Le Code l'a donc admise sous ce rapport. Il décide positivement que le mari ne pourra, en alléguant son impuissance naturelle, désavouer l'enfant*. Mais cette même théorie n'étoit pas raisonnable, et devenoit fausse au contraire si on vouloit l'ériger en règle absolue et l'étendre à l'impuissance accidentelle.

C'étoit principalement sous ce rapport que l'article présenté par la Section avoit été combattu.

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Motifs qui ont fait admettre l'exception de l'Impuissance accidentelle.

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ON a cité d'abord la loi 6, ff. De his qui sui vel alieni, &c. Elle porte: Filium eum definimus, qui ex viro et uxore ejus nascitur ; sed si fingamus abfuisse maritum v. g. per decennium anniculum invenisse in domo suâ, placet nobis Juliani sententia, hunc non esse mariti filium; non tamen ferendum, Julianus ait, eum qui cum uxore suâ assiduè moratus nolit filium agnoscere quasi non suum; sed mihi videtur, si constet maritum aliquandiù cum uxore suâ non concubuisse, infirmitate interveniente, vel aliâ causâ, vel si eâ valetudine pater-familias fuit ut generare non possit, hunc qui in domo natus est, licet vicinis scientibus, filium non esse » (3).

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 14 brumaire an 10,- (2) Le Premier Consul, ibid. —(3) M. Maleville, ibid.

Voyez l'article 313, page 28.

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Cette loi, a-t-on ajouté, est pleine de raison : le mariage forme une présomption de droit de la paternité, qu'on ne peut pas écarter sans preuves contraires; mais elle n'exclut pas ces preuves, et le bon sens nous dit assez que, parce qu'une femme mariée fera accouchée, il ne s'ensuit pas nécessairement que son enfant appartienne au mari; seulement la faveur des enfans et le repos des familles ont dû rendre le Législateur très-difficile sur l'admission de ces preuves. Ainsi, quand l'exception du mari est fondée sur l'absence, on a voulu que la distance fût telle, que le rapprochement fût impossible. Ainsi, la dernière jurisprudence a peut-être sagement rejeté et l'allégation de l'impuissance pour cause de maladie, et celle de l'impuissance habituelle et naturelle; la première, parce qu'on a vu dans ce genre des exemples si extraordinaires, qu'ils ne laissent pas de base certaine pour asseoir un jugement; la seconde, parce que l'homme doit s'imputer de s'être marié dans cet état, et que d'ailleurs le moyen qu'on prenoit pour s'en convaincre étoit vraiment scandaleux.

<< Mais il est une espèce d'impuissance accidentelle qui peut être survenue depuis le mariage, soit dans les combats, soit par toute autre cause, laquelle peut ne pas laisser le moindre doute, et il ne faudroit pas écarter par une règle absolue les exceptions qu'elle peut produire » (1).

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On objecta contre cette doctrine qu'il est difficile de supposer qu'un individu mutilé ose présenter à la société le simulacre d'un mariage, et venir ensuite alléguer son impuissance pour désavouer ses enfans: s'il se le permettoit, l'enfant n'en profiteroit pas moins du contrat de mariage, parce que ce contrat ne laisseroit pas de subsister aux yeux de la société. En général, l'impuissance a été ou cause du divorce, ou moyen de cassation; mais elle n'a jamais ébranlé l'état

(1) M. Maleville, Procès-verbal du 14 brumaire an 10,

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