Page images
PDF
EPUB

De là le pouvoir de direction accordé aux pères et mères.
Mais quelle est l'étendue de ce pouvoir?

Il doit nécessairement porter sur tout ce qui est à diriger, c'està-dire, qu'il doit avoir dans les parens la même latitude que le devoir de gouverner, et ce devoir est en raison des besoins des enfans.

La connoissance de ces besoins nous donnera donc la mesure du pouvoir des pères.

Laissons de côté les besoins physiques, la nourriture, l'entretien : les parens doivent certainement les satisfaire *, mais il n'en résulte aucune nécessité de gouverner les enfans;

Ne parlons pas de l'administration des biens; il s'agit ici du pouvoir relatif à la personne.

Mais passons aux besoins moraux.

Le premier sera l'éducation, que Cicéron appelle avec tant de vérité cibus humanitatis.

Le père doit fournir à son fils ces alimens non moins précieux que les alimens destinés à le faire vivre.

1.re DIVISION.

Du Pouvoir du Père relativement à l'éducation de son Fils.

L'ÉDUCATION Comprend les soins nécessaires pour former le cœur, et les instructions propres à cultiver l'esprit.

Si le père les doit, il lui sera permis de prendre pour l'édu cation de son fils les mesures que lui prescrira sa sagesse.

* Voyez tome II, page 308.

4.

Ꮋ Ꮒ Ꮒ

TIT. IX. CH.III. Voilà donc un premier effet de la puissance paternelle, le droit de disposer des enfans sous le rapport de leur éducation.

[ocr errors]

Au Conseil d'état, on avoit proposé d'exprimer cet effet dans le titre qui nous occupe. Ce titre, avoit-on dit, devroit prendre l'enfant à sa naissance, et dire comment il sera pourvu à son éducation » ( (1).

Mais on s'en étoit déjà implicitement expliqué par l'article 203 du Code, au titre Du Mariage, lequel oblige les époux à élever leurs enfans*, car on ne pouvoit leur imposer cette obligation sans leur donner le pouvoir nécessaire pour la remplir. Le même effet est rappelé par les articles 303 et 304, au titre Du Divorce **. Trois autres questions se sont encore présentées.

D'abord, on a demandé « si lorsqu'un père donne une mauvaise éducation à son fils, l'aïeul sera autorisé à lui en donner une meilleure » (2).

Il a été répondu que « le fils n'appartient qu'au père » (3).

Une seconde question plus générale, étoit de savoir « si un fils parvenu à l'âge de discernement, et qui ne reçoit pas une éducation conforme à la fortune de son père, pourroit se pourvoir et demander à être mieux éduqué » (4).,

[ocr errors]

Enfin, la troisième question étoit pour le cas «< où les mœurs du père sont déréglées » (5). Alors n'étoit-il pas nécessaire de distinguer entre l'éducation des garçons et celle des filles, et de donner quelque autorité à la mère, qui, sans avoir de puissance, est cependant l'institutrice naturelle de ses enfans

[ocr errors]

(6)?

Ces points n'ont pas été réglés. On a pensé que, dans l'état de la discussion, c'est-à-dire, lorsqu'on ne faisoit que de commencer

(1) Le Premier Consul, Procès-verbal du 26 frimaire an 10. (3) M. Tronchet, ibid.

*

(4) Le Premier Consul, ibid. —

[blocks in formation]

(5) Ibid.

[blocks in formation]

Voyez tome II, page 308. — ** Voyez tome III, pages 334 et 335.

..

à examiner la matière, il ne falloit pas d'abord s'occuper des détails ni décider des questions isolées; qu'il étoit préférable d'arrêter d'abord un plan général fondé sur des bases convenues, sous lequel ces diverses questions se trouveroient ensuite classées » (1).

Cet ordre de discussion a été suivi, mais on n'est plus revenu aux questions qu'alors on avoit abandonnées.

que

La jurisprudence, au surplus, remplira cette lacune du Code; car il ne faut jamais perdre de vue cette règle établie par l'article 4, le silence de la loi ne doit pas empêcher le juge de prononcer *, ni ce grand principe sur lequel elle est fondée, que le juge est le ministre de la loi quand la loi a parlé ; qu'il est l'arbitre des différens quand elle se tait **.

Heureusement que, sur les divers points dont il s'agit, la jurisprudence est depuis long-temps fixée.

II. DIVISION.

De la Dépendance du Fils de famille relativement au choix d'un état.

INDÉPENDAMMENT de la morale qu'il faut inculquer de bonne heure à la jeunesse, et qui lui est nécessaire dans toutes les situations de la vie; indépendamment de l'instruction qui convient à tous les états, il faudra encore préparer le fils à une profession particulière assortie à sa fortune, à ses goûts, à ses facultés ; il faudra la lui faire embrasser.

C'est aussi là un devoir dans le père, et par suite le père aura le droit d'exiger du fils l'obéissance sur ce point.

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 26 frimaire an 10.

* Voyez tome 1.", page 153. -** Voyez ibid., page 155.

Ꮋ Ꮒ Ꮒ 2

Ce sera-là le second des effets généraux de la puissance paternelle, le droit de destiner le fils à l'une des professions qui existent dans la société civile..

Ce droit, notre ancienne jurisprudence l'assuroit au père; elle lui permettoit de mettre ses enfans en apprentissage, de les faire étudier dans les écoles de droit, de médecine, &c.; et elle défendoit à l'enfant de se choisir un état sans le consentement de son père. La défense s'étendoit même à la profession religieuse. Le principe a été consacré par plusieurs arrêts; l'un, de 1587, a été rendu au profit d'un sieur Airault, lieutenant-général d'Angers, contre les Jésuites; la même décision a été prononcée contre les Feuillans, par arrêt du 10 août 1601, et contre les Capucins, au profit du président Rigault, par arrêt du 24 mars, 1604.

Le Code Napoléon n'a rien changé à l'ordre qui existoit. L'exception même que fait l'article 374 relativement à l'enrôlement volontaire, par lequel le fils embrasse une profession, confirme la règle que, hors ce cas, il n'a pas la faculté de se choisir un état, de son propre mouvement.

Cette exception a été ajoutée par le Conseil d'état.

On demanda 5 si l'obligation imposée au fils de ne pas quitter la maison de son père sans la permission de ce dernier, l'empêcheroit de s'enrôler volontairement ɓ (1)..

Le Conseil d'état n'hésita pas à penser que, « par une exception de droit, le fils cesse d'être sous la dépendance de son père lorsqu'il s'agit du service public » (2).

En vain observa-t-on que « les lois anciennes exigent que, pour s'enrôler avant l'âge prescrit par les réglemens, le fils mineur

(1) Le Consul Cambacérés, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 10, tome II, page 47- (2) M. Bigot-Préameneu, ibid., page 48.

A

כל

(1). « Ces lois ne sont

(2); « elles blesseroient

obtienne le consentement de son père » plus en harmonie avec les circonstances l'esprit des lois relatives à la conscription: on a voulu que la conscription devînt, le moins qu'il seroit possible, le moyen de recruter l'armée; et c'est par cette raison qu'on a permis les remplacemens par la même raison aussi, il convient de favoriser les enrôlemens volontaires » (3) (3) *.

L'exception devoit donc être admise; mais étoit-il besoin de F'exprimer?

:

On observa • que les anciennes lois ne s'expliquoient pas sur ce sujet, et que cependant l'exception avoit tous ses effets on n'écoutoit pas la réclamation du père s (4).

Il fut répondu que si la loi nouvelle ne s'expliquoit pas clai-rement, on pourroit croire que l'article en discussion déroge à l'ancien usage » (5).

[ocr errors]

Enfin, on proposa de fixer à dix-huit ans l'âge où le fils pourra s'enrôler sans le consentement de son père : on s'arrêta à cet âge, afin d'ôter au fils un prétexte d'interrompre l'éducation · qu'il reçoit » (6).

Cette proposition a été adoptée (7).

Ainsi, le fils de famille qui, « se sentant pressé du desir de servir sa patrie, voudra marcher sur les traces des héros à qui la France est redevable de sa stabilité et du rang glorieux qu'elle

(1) M. Petiet, Procès-verbal du 8 vendémiaire an 11, tome II, page 47. — (2) Le Consul Cambacérés, ibid. — (3) Ibid., p. 48. — (4) M. Emmery, ibid. —(5) M. Dumas, (6) M. Dumas et M. Treilhard, ibid. - (7) Décision, ibid.

ibid.

*Nota. On peut même ajouter que ce qu'on venoit de dire des lois anciennes n'étoit pas exact. Il n'y avoit pas sur ce sujet de loi, mais une jurisprudence que Pothier explique en ces termes : « Il faut excepter de notre règle le service du Roi, auquel » les enfans de famille peuvent valablement s'engager contre le consentement de leurs » père et mère. L'intérêt public l'emporte sur l'intérêt particulier de la puissance pater» nelle ». Traité des Personnes et des Choses, 1" partie, titre VI, sect. II.

« PreviousContinue »