Page images
PDF
EPUB

de famille sur les biens de ses enfans, ont été exposés ailleurs *. On a vu aussi que, dans nos pays de droit écrit, ils étoient encore fort étendus, tandis qu'ils étoient nuls dans nos pays coutumiers **. «Une fégislation accordoit tout, pendant que l'autre ne donnoit rien » (1). La Commission, en présentant le système qui a été adopté (2), avoit cherché à s'éloigner également de ces deux extrêmes. La Cour d'appel de Paris attaqua son Projet.

[ocr errors]

Elle dit : On est fort étonné de retrouver dans le Projet de la Commission le droit de garde, qui paroissoit aboli pour toujours. Ce droit, comme chacun sait, avoit une origine purement féodale: il existoit au profit des nobles, et, dans quelques lieux, au profit des roturiers, mais avec moins d'étendue, par imitation de ce droit des nobles; d'où résultoient la garde noble et la garde bourgeoise. Il sembloit donc que, le régime des fiefs étant détruit, toute espèce de garde étoit anéantie dans le principe; et certainement la garde noble avoit cessé par le décret de suppression de la noblesse : la garde bourgeoise elle-même n'étoit regardée que comme un débris qui défiguroit encore nos lois actuelles, mais qui, au premier coup d'œil des Législateurs, alloit disparoître.

« Et néanmoins, voilà qu'on ressuscite le droit de garde, en lui donnant même une extension qu'il n'a jamais eue; car, suivant l'article 268 de la coutume de Paris, la garde noble duroit seulement aux enfans mâles jusqu'à vingt ans, et aux femelles jusqu'à quinze ans accomplis, et la garde bourgeoise, aux enfans mâles jusqu'à quatorze ans, et aux femelles jusqu'à douze ans pareillement accomplis; encore, pourvu que les père et mère ne se remariassent point, auquel cas la garde étoit finie; au lieu

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal da 26 ventôse an 11, tome II, page 613. — (2) Projet de Code civil, livre I, titre VIII, article 12, page 58.

* Voyez page 395.** Voyez pages 398 et 399.

que, par le Projet de Code, la garde subsisteroit au profit de tous les François en général, n'y ayant plus de distinction, et pour les femelles ainsi que pour les mâles, jusqu'à la majorité, c'est-à-dire, jusqu'à vingt-un ans accomplis, sans même qu'un second mariage fît cesser ce droit de garde accordé au père ou à la mère survivant, à moins qu'en ce cas le conseil de famille ne jugeât à propos de l'en priver (titre IX, article, 10 et suiv.)... LYON D » On se demande ce qui a pu déterminer les Rédacteurs à rétablir et à étendre ainsi le droit de garde; on cherche leurs motifs dans le discours préliminaire, on n'y trouve rien.

כל

» Il est probable que les Rédacteurs ont regardé cette mesure comme un moyen d'affermir l'autorité des pères, dont le maintien les a grandement et justement occupés. Ils ont vu la puissance paternelle établie dans une grande partie de la France, et avec elle, comme un de ses effets, ce droit des pères sur le bien de deurs enfans; ils ont aperçu dans plusieurs de nos coutumes des traces et une ombre de cette puissance, et par tout, avant la révolution, un droit de garde qui, quoique très-différent dans le principe, avoit pourtant les mêmes résultats; ils en ont conclu ¿que ce droit pouvoit être rendu général, et que la puissance des pères y gagneroit beaucoup ove trol G endins cab mon

» Sans doute elle y gagneroit infiniment. C'est un moyen très-sûr pour contenir les enfans, que de mettre leurs biens ainsi que leur personne dans la main du père. Toute la difficulté est de savoir si ce moyen peut être avoué par la justice et la raison. » Le souvenir des gardes noble et bourgeoise doit être effacé. La puissance paternelle des pays de droit écrit ne doit être étendue aux autres contrées qu'autant qu'elle est juste et raisonnable dans le cas contraire, il faut abolir ce droit particulier des pays de droit écrit, au lieu d'en faire le droit commun de la France,

[ocr errors]

» Tout consiste donc à rechercher en cette matière le point de

raison et de justice. Or, il est difficile de se persuader que la raison et la justice exigent qu'on donne invariablement au père la jouissance du bien de ses enfans; au père, quel qu'il soit, riche, joueur, dissipateur, avare, &c.

[ocr errors]

Fût-il sans défauts, et le plus honnête des hommes, cette attribution n'en seroit pas mieux fondée. Les pères doivent amasser et travailler pour leurs enfans; mais il est contre nature que le bien des enfans serve à enrichir les pères.

[ocr errors]

Ce que l'on peut dire, c'est que le père n'étant obligé de fournir à l'entretien et à l'éducation de son enfant qu'à raison de l'impuissance où est l'enfant d'y subvenir lui-même, son revenu, s'il en a un, doit d'abord y être employé.

[ocr errors]

Ce qui est vrai encore, c'est que la portion de revenu applicable à l'entretien et à l'éducation de l'enfant devant être déterminée par la famille, cette fixation doit se faire avec la latitude, la confiance que commande en général la qualité de père, et celles que peuvent mériter ses qualités personnelles.

[ocr errors]

Hors de là, toute jouissance du bien des enfans attribuée au père est un abus, une oppression du foible par le fort.

כל

» Un tel pouvoir ne seroit établi qu'en faveur du père, et non des enfans. Or, tout pouvoir qui n'existe pas pour le bien des administrés, est tyrannique et insoutenable, et doit être aboli. La Cour d'appel de Paris votoit en conséquence pour la suppression du droit de jouissance du bien des enfans accordé aux père et mère sous les noms de puissance paternelle et de garde; elle invitoit les Rédacteurs à chercher d'autres moyens de consolider la juste autorité des pères» (1).

Les motifs de la Commission ont prévalu sur ces considérations. On a pensé qué s la jouissance établie par le Code en faveur

[ocr errors]

(1) Observations de la Cour d'appel de Paris, pages 75,76 et 77,

PART. Usufruit des parens sur les biens, &c. 463 des pères et mères ne pouvoit pas être confondue avec le droit que la garde noble et bourgeoise donnoit au survivant sur les biens de ses enfans en minorité (1).

On a vu dans le système de la Commission le juste tempérament qu'il falloit saisir. «Elle n'avoit pas cru devoir admettre la jurisprudence des pays de droit écrit, qui dépouille le fils; elle avoit pénsé qu'il est juste de récompenser le père de ses soins, en lui donnant l'usufruit des biens de ses enfans jusqu'à leur majorité. C'est ainsi qu'elle proposoit de concilier les deux systèmes. du droit écrit et du droit coutumier» (2).

On s'est tenu dans ces termes.

II. PARTIE.

À QUI L'USUFRUIT DES BIENS DES ENFANS EST 'ACCORDÉ, ET À QUI IL EST REFUSÉ,

ARTICLE 384. *

ARTICLE 386.

CETTE jouissance n'aura pas lieu au profit de celui des père et mère contre lequel le divorce auroit été prononcé; et elle cessera à l'égard de la mère, dans le cas d'un second mariage,

b

LA Commission avoit présenté un article ainsi conçu : Le père, constant le mariage, a, jusqu'à la majorité de ses enfans non émancipés, l'administration des biens qui leur adviennent, &c. (3).

(1) M. Réal, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, page 613.—(2) M. Tronchet, Procès-verbal du 26 frimaire an io. —(3) Projet \de Code civil, liv. 1.", tit, VIII, art. 12, page 58.

* Voyez le texte, page 459. L'article 385 est placé à la page 471,

[ocr errors]

Cet article sembloit exclure le père lorsqu'il étoit veuf ou divorcé, la mère dans tous les cas.

Cependant, dans l'article suivant la Commission paroissoit détruire ces limitations, et accorder l'usufruit non-seulement au père veuf ou divorcé, mais encore à la mère remariée. Cet article portoit, en effet S'il y a des enfans de plusieurs lits, l'administration et la jouissance sont déférées au père ou à la mère à qui ces enfans. appartiennent; à moins qu'il n'y ait communauté entre les deux époux, auquel cas l'administration et la jouissance appartiennent au mari (1)..

دن

L'embarras de ces rédactions fut cause que les Cours d'appel entendirent le Projet dans l'un et l'autre sens.

Les Cours d'appel de Caen et de Limoges, s'arrêtant à l'article 12, demandèrent que le père divorcé ou le père veuf ne fussent pas privés de l'usufruit.

12 Pourquoi, disõit la première de ces Cours, priveroit-on le père qui a obtenu le divorce, de l'avantage que cet article donne aux pères ? privation qui résulteroit cependant de ces expressions: constant le mariage. Il paroît nécessaire que la loi s'explique sur ce cas » (2).

I

« On demande, disoit la Cour d'appel de Limoges, si le père devenu veuf ne doit pas conserver l'usufruit des biens de ses enfans, et si, pour le lui conserver, le lui conserver, il n'est pas nécessaire de supprimer dans cet article ces mots : constant le mariage » (3). La Cour d'appel de Montpellier proposa d'étendre le droit d'usufruit à la mère survivante; elle dit : «Le droit qu'a le père d'administrer et de jouir pendant le mariage, jusqu'à la majorité

་་་

[merged small][ocr errors][ocr errors][merged small]

(1) Projet de Code civil, livre I, tittre VIII, article 13, page 58. — (2) Observations de la Cour d'appel de Caen, page 8. (3) Observations de la Cour d'appel de Limoges, pages 3 et 4, 45

[ocr errors]

de

« PreviousContinue »