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toient, l'opinion publique s'est déclarée alors contre la naissance de dix mois vingt jours, qui pouvoit, à la vérité, être portée à un an, d'après la durée de quarante jours de la maladie à laquelle le mari avoit succombé.

» Doctrine des auteurs les plus modernes de médecine légale. Depuis le procès fameux de 1765 dont il vient d'être parlé, il paroît que la défense des naissances tardives et prolongées des mois entiers au-delà du terme de deux cent quatre-vingts jours a été généralement abandonnée. Dans le plus grand nombre des ouvrages modernes sur la physiologie, on ne regarde tout au plus que comme des exceptions rares le terme prolongé de l'accouchement. Les auteurs les plus récens de médecine légale suivent tous cette manière de voir : on n'en citera ici que deux, dont les conclusions doivent être considérées comme le résultat général de l'état actuel des connoissances et des opinions à cet égard.

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Baumer, dans la Médecine du barreau [Medicina forensis], publiée à Francfort en 1778, s'exprime ainsi sur le terme de la naissance légitime : « La durée ordinaire de la grossesse est de neuf mois solaires, depuis la conception (quarante semaines où deux cent quatre-vingts jours) ou le cours du dixième mois lunaire (de deux cent quarante - trois à deux cent soixante-dix jours). L'expérience prouve que des causes particulières, telles que la santé de la mère et du foetus, forte ou foible, accélèrent ou retardent ce terme d'une ou de deux semaines, mais non de mois entiers. Des passions vives, de fortes secousses, des purgatifs violens, des maladies, font accoucher les mères vers la fin du septième mois solaire ou dans le huitième; l'enfant est légitime et viable à cette époque. Il faut néanmoins beaucoup de soins pour le conserver dans le premier cas.

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Boherius, dans son Traité sur les Devoirs du Médecin du barreau, dit que si le terme solennel et naturel de la naissance est la fin

du neuvième mois ou le commencement du dixième, le fœtus qui s'éloigne le plus de ce terme est le moins parfait et le moins viable. En général, les enfans nés à sept et à huit mois sont quelquefois viables; mais assez rarement, sur-tout quant aux premiers.

L'enfant né avant terme se reconnoît à sa petite stature, à son corps grêle, foible, petit, ridé, maigre, à ses cheveux et ses ongles peu alongés, à sa somnolence, à ses cris foibles, à l'impossibilité de teter, et à la nécessité de le nourrir artificiellement. » Suivant le Digeste, liv. I., tit. V, §. 12, l'enfant né à sept mois est réputé parfait et viable d'après l'autorité d'Hippocrate; ainsi l'on doit regarder comme légitime l'enfant né au septième mois du mariage.

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Le fœtus né à six mois peut donner quelques foibles signes de vie, mais ne peut continuer de vivre, à cause de son imperfection: il faut le regarder comme avant terme et non viable. Un enfant né à terme, mais foible par maladie, doit être réputé viable, quoiqu'il meure après la naissance, comme celui qu'on extrait vivant du sein de sa mère privée de la vie.

» Les cas de naissances tardives semblent tenir davantage à des erreurs sur l'époque de la conception, ou à des circonstances politiques, qu'à des faits ou à des phénomènes physiques. Les raisons alléguées par quelques-uns et tirées de la foiblesse des mères, sont peu sûres, puisque cette foiblesse est plus capable d'avancer leur accouchement, suivant la remarque très-juste de Ludwig, dans ses Institutions de médecine légale. Il ne répugne point à la physique médicale que des causes retardant l'accroissement du fœtus, comme le chagrin, des pertes, des maladies quelconques, et affoiblissant la mère et le foetus, puissent retarder le terme de l'accouchement d'une ou de deux semaines, mais non de mois entiers. On peut donc étendre la légitimité jusqu'au premier de ces intervalles. Les jurisconsultes accordent aux veuves, pour les raisons

alléguées,

alléguées, la légitimité de l'accouchement jusqu'à la fin du dixième mois, et au commencement du onzième; mais les exemples d'enfans nés au onzième, au douzième, au treizième mois, sont faux, et ne méritent aucune croyance.

» Le S.' Foderé, le dernier des auteurs qui aient écrit en français sur la médecine légale, penche manifestement, à la vérité, pour la légitimité de quelques naissances tardives; mais il ne les admet qu'avec des restrictions ou des circonstances relatives à la mère, et dont il attribue l'examen aux juges. La liste des quatorze décisions judiciaires qu'il présente, d'après le tome IX de la Collection de jurisprudence, prouve en effet que les circonstances qui accompagnent de pareilles naissances, peuvent faire varier l'opinion des juges dans les mêmes époques des naissances tardives, mais non qu'il soit possible d'établir une règle générale sur ces naissances. Ainsi, malgré la tendance du nouvel auteur à croire à la possibilité des naissances tardives, comme il n'ajoute rien à tous les documens recueillis, et comme il ne les admet qu'avec des modifications soumises à l'examen des juges, et variables suivant les cas ou les espèces qui pourront se présenter, cela ne doit influer en aucune manière sur la décision du Conseil d'état.

» En conséquence, et d'après tous les faits, ainsi que d'après les raisonnemens rassemblés ci-dessus, on doit conclure que l'opinion déjà présentée au Conseil, sur la fixation de cent quatrevingt-six jours pour les naissances accélérées, et de deux cent quatre-vingt-six jours pour les naissances tardives, ainsi que pour la légitimation des enfans qui proviennent des unes ou des autres, se trouve parfaitement d'accord avec la portion la plus éclairée et la plus sage des physiciens, des naturalistes et des jurisconsultes »> (1).

(1) M. Fourcroy, Procès-verbal du 14 brumaire an 10.

Le terme des naissances tardives n'avoit en effet été porté par la Commission et par la Section, qu'à deux cent quatre-vingt-six jours, c'est-à-dire, neuf mois seize jours; et elles fixoient celui des naissances accélérées à cent quatre-vingt-six jours, c'est-à-dire, à six mois et six jours (1).

On n'a pas cru devoir s'arrêter à une précision aussi arithmétique; le premier terme a été porté à trois cents jours, ou dix mois de trente jours; et le second à cent quatre-vingts jours, ou six mois. Ce changement est favorable à l'enfant dans les deux cas.

Il est inutile d'observer que l'évaluation a été faite par jours, parce que, même sous le calendrier ou les mois étoient égaux, il restoit cinq, et, dans les années bissextiles six jours complémentaires qui n'appartenoient à aucun. Cette manière de compter devient encore bien plus nécessaire sous le calendrier grégorien, où la durée des mois est inégale.

NUMERO III

Des Suites des Naissances accélérées.

LA disposition qui fait cesser la présomption légale de légitimité dans le cas de la naissance accélérée de l'enfant, « seroit injuste et dangereuse si elle frappoit de plein droit les enfans auxquels elle pourroit être appliquée » (2).

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L'une, que, « quoique l'enfant naisse à un terme qui place toute conception possible au-delà du mariage, l'enfant peut encore appartenir au mari, si le mariage a été précédé d'une fréquentation intime entre les deux époux » (3);

(1) Voyez Projet de Code civil, liv. I.", tit. VII, art. 3 et 4, page 53 ;—1," Rédaction, chap. I.", art. 2 et 3, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. (2) M. Regnier, ibid. (3) M. Duveyrier, Tribun. Tome I.", page 635.

L'autre, que « l'accouchement de la femme peut avoir été accéléré par un accident peu remarquable; l'enfant peut naître avant terme, et privé des facultés de la vie » (1).

« La réclamation du mari ne suffit donc pas pour enlever à l'enfant son état : elle est jugée; l'enfant est défendu » (2).

porte

On ne peut pas objecter « qu'il est difficile de concilier la disposition qui déclare illégitime l'enfant né avant une époque déterminée, et celle qui oblige le père à plaider. » (3). La disposition sur le terme n'en a pas moins ses effets, puisque le terme n'est pas l'objet de la question qui reste à juger, et que la contestation « sur les circonstances qui peuvent être exposées par forme d'exception » (4). La femme doit pouvoir les alléguer : « il est indispensable de l'admettre à défendre son honneur et l'état de son enfant; de lui permettre d'articuler des faits contre son mari et d'en faire preuve » (5). « La loi devoit sans doute venir au secours du mari trompé, en lui donnant la faculté de désavouer l'enfant. Mais cette faculté doit aussi avoir des limites; car s'il n'est pas tolérable que le mariage couvre de son voile les crimes d'une infidèle épouse, il seroit révoltant que la loi protégeât l'époux barbare, qui, sourd au cri de la nature, repousseroit de son sein celui à qui il auroit donné le jour

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(6).

Le Code décide donc que pour que le désaveu du père soit admis, il faut, d'un côté, que le mari n'ait laissé échapper, soit au moment du mariage, soit au moment de la naissance de l'enfant, aucun acte, aucun signe, aucun aveu volontaire, exprès ou tacite, de sa paternité» (7). « S'il avoit toujours cru que l'enfant

(1) M. Duveyrier, Tribun. Tome I.", page 635.- (2) M. Regnier, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. — (3) Le Consul Cambacérés, ibid. (4) M. Emmery, ibid.(5) M. Tronchet, ibid. — (6) M. Lahary, Tribun. Tome 1.", page 583. (7) M. Duveyrier, Tribun. Ibid., pages 635 et 636.

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