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pour faire sa déclaration, lorsqu'on ne lui donne qu'un mois quand il est présent à la naissance de l'enfant » (1).

C'est qu'on a supposé qu'il falloit, outre le délai dans lequel le désaveu doit être formé, un temps suffisant pour être instruit de la naissance de l'enfant.

Cette précaution sera sans doute surabondante dans beaucoup de cas. Il est difficile, en effet, qu'un mari, après son retour, ne soit pas aussitôt instruit d'un événement qui a eu toute une ville pour témoin.

Néanmoins il est des circonstances où la prévoyance de la loi ne sera pas inutile. Par exemple: un mari a été absent plusieurs années; il n'a pas pu recevoir de nouvelles de sa famille, il n'a pas pu lui donner des siennes; il revient ignorant absolument ce qui s'est passé. Cependant la mère a changé de ville; l'enfant dont elle est accouchée a grandi; il habite loin d'elle; personne dans le lieu où elle réside ne connoît son existence: dans des circonstances semblables, il importe de laisser les faits parvenir à la connoissance du mari. Un mois de plus n'est peut-être pas même un terme suffisant aussi la Commission avoit-elle porté le délai à huit mois (2). On s'est rendu aux observations des Cours d'appel de Nancy et de Toulouse, qui demandoient qu'on l'abrégeât (3), parce qu'après tout s'il faut pourvoir à l'intérêt du mari, il ne faut pas oublier l'intérêt de l'enfant, dont l'état ne sauroit être trop tôt fixé.

Mais il se présente ici une autre difficulté.

D'abord, dans quelle hypothèse le mari doit-il être considéré comme absent? Sera-ce lorsqu'il y aura absence présumée, ou lorsqu'il y aura absence déclarée?

L'article s'applique certainement à ces cas, mais il va plus loin : le second alinéa de cet article prouve qu'il enveloppe dans sa disposition

(1) M, Treilhard, Procès-verbal du 22 fructidor an 10, tome II, page 33. — (2) Projet de Code civil, liv. I", titre VII, art. 7, page 53. — (3) Observations de la Cour d'appel de Nancy, pages. de la Cour d'appel de Toulouse, page 10,

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même l'absent improprement appelé de ce nom *, c'est-à-dire, celui qui n'est pas sur les lieux de la naissance de l'enfant.

Alors, on se demande de quels lieux la loi veut parler. Est-ce

de la commune, du canton, du département?

Si elle eût dit le lieu, point de doute qu'elle n'eût indiqué que la commune. Mais sa disposition eût été absurde, car il est possible que, sans résider dans la ville même, le mari en soit cependant si voisin que les événemens qui arrivent dans sa famille ne puissent échapper à sa connoissance; et voilà pourquoi l'article dit les lieux, expression qui désigne la circonférence dans laquelle on ne peut point n'être pas instruit de ce qui se passe dans chaque localité, et sur-tout des faits auxquels on a intérêt.

Ainsi l'article, sans donner aux juges une règle précise dont l'application rigoureuse eût souvent blessé son esprit et l'équité, se contente de les avertir que quand le mari habitoit hors du cercle dans lequel il étoit impossible d'ignorer l'accouchement de sa femme, il doit profiter du double délai; et les laisse ensuite faire usage de ce principe général, suivant les circonstances.

Du Mari auquel la naissance de l'Enfant a été cachée.

LA Commission et la Section, après avoir fixé les délais dans lesquels le mari présent et le mari absent pourroient réclamer, ajoutoit la disposition suivante: Il pourra néanmoins réclamer après ces délais, toutes les fois qu'il justifiera qu'on lui a dérobé la connoissance de l'accouchement de sa femme et de l'existence de l'enfant (1).

En ne prescrivant aucun délai à l'exercice de cette faculté, on avoit considéré « qu'il s'agissoit d'une femme qui réussit à cacher

(1) Projet de Code civil, liv. 1.", titre VII, art. 7, page 53.1, Rédaction, chap. I.", art. 5, Procès-verbal du 14 brumaire an 10.

Voyez tome 1.", pages 535 et 545.

son accouchement et le fruit de ses désordres » (1); qu'ainsi il étoit difficile de limiter par le temps la faculté de réclamer, attendu qu'on ne peut prévoir le moment où le mari s'apercevra de la fraude.

Cependant il falloit prendre garde aussi que, « si l'on n'assignoit un délai à ses réclamations, il conserveroit pendant trente ans le droit de se pourvoir » (2). « On ne doit pas sans doute brusquer la fin de non-recevoir; mais il ne seroit pas moins dangereux de laisser l'état de l'enfant trop long-temps incertain » (3).

Quant à la difficulté de prévoir le temps dans lequel le mari pourra découvrir la fraude, elle étoit nulle; car « le délai ne doit courir que depuis le moment où le mari a eu connoissance de l'accouchement de sa femme » (4).

Depuis ce moment, il a deux mois pour réclamer.

Pourquoi doubler ce délai en sa faveur, et s'écarter dans ce cas particulier de la règle qui n'accorde qu'un mois au mari présent?

C'est " qu'il est juste de donner au père, après que le fait est parvenu à sa connoissance, le temps de prendre des renseignemens; car il voudra, sans doute, ne faire d'éclat qu'après s'être parfaitement convaincu » (5).

NUMÉRO II.

De la faculté du Désaveu dans la main des Héritiers du mari.

ARTICLE 317.

Si le mari est mort avant d'avoir fait sa déclaration, mais étant encore dans le délai utile pour la faire, 'les héritiers auront deux mois pour contester la légitimité de l'enfant, à compter de l'époque où cet enfant se seroit mis en possession des biens du mari, ou de l'époque où les héritiers seroient troublés par l'enfant dans cette possession.

CET article accorde aux héritiers du mari le droit de désavouer l'enfant.

(1) M. Tronchet, Procès-verbal du 14 brumaire an to. — (3) Ibid. - (4) Ibid. (5) Le Consul Cabacérés, ibid.

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- (2) M. Regnier, ibid.

II

Il ne le leur donne pas indéfiniment, mais seulement dans certains cas qu'il détermine;

II règle le délai dans lequel le désaveu des héritiers admis.

pourra être

Chacune de ces dispositions doit être considérée séparément.

Motifs qui ont fait accorder le Désaveu aux Héritiers.

DEUX systèmes ont été successivement présentés.

La Commission accordoit la faculté du désaveu, non seulement aux héritiers du mari, mais à tous ceux qui y auroient intérêt. L'article qu'elle proposoit étoit ainsi conçu : Si le mari est décédé sans avoir fait le désaveu, mais ayant encore la faculté de le faire, la légitimité de l'enfant peut être contestée par tous ceux qui y ont intérêt (1).

Les cours d'appel de Bordeaux et de Lyon demandèrent la radiation de l'article (2). Nous verrons dans un moment sur quels motifs elles se fondoient.

La Section le retrancha, et y substitua une disposition absolument contraire, qu'elle présenta en ces termes : Si le mari est décédé sans avoir fait le désaveu, ses héritiers ne seront point admis à contester la légitimité de l'enfant (3).

Au Conseil d'état, cet article excita des réclamations, et l'on agita la question de savoir si en aucun cas la faculté du désaveu devoit passer aux héritiers du mari.

Voici les motifs qui ont été allégués de part et d'autre:

(1) Projet de Code civil, livre I.", titre VII, art. 9, page 53. - (2) Observations de la Cour d'appel de Bordeaux, page 9;- de Lyon, page 37.—(3) 1.′′ Rédaction, chapitre 1.", article 7, Procès-verbal du 14 brumaire an 10.

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Raisons pour refuser le désaveu aux héritiers. Cette disposition est odieuse, a-t-on dit » (1). « Le mari peut seul avoir la conscience de sa paternité» (2); « l'injure lui est personnelle » (3); dès-lors, << le droit d'attaquer la légitimité des enfans doit lui être réservé exclusivement» (4): s'il passoit à d'autres, « le mari ne pourroit plus ni pardonner, ni reconnoître tacitement l'enfant » (5).

Ainsi «<lorsque le mari meurt sans avoir formé sa plainte, personne ne doit être admis à contester la légitimité d'un enfant dont le père a reconnu l'état par son silence » (6); «personne n'a plus le droit de faire le désaveu» (7): « il est prouvé que le mari s'en reconnoît le père; et quand même il auroit la conviction que l'enfant ne lui appartient pas, son silence annonce qu'il a pardonné ou qu'il a consenti à l'adopter» (8).

cc

Du moins « puisque le désaveu est incertain, on doit, dans le doute, décider en faveur de l'enfant » (9); la présomption de la loi doit être pour la chasteté de la femme et l'état de l'enfant, et le silence du mari la confirme » (10).

«La loi ne doit pas fournir des armes à l'avidité » (1.1). «Pourquoi des collatéraux viendroient-ils démentir la générosité du mari » (12) ou sa justice?

Si ce sont des enfans qui réclament, «< ils déshonorent leur nom » (13).

propre

L'agression des uns et des autres est d'autant plus intolérable,

(1) Observations. de la Cour d'appel de Bordeaux, p. 9. — (2) M. Boulay, Procèsverbal du 14 brumaire an 10- (3) Observations de la Cour d'appel de Bordeaux, page 9. (4) M. Boulay, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. (5) M. Réal, ibid.. -(6) Observations de la Cour d'appel de Bordeaux, page 9.- (7) Observations de la Cour d'appel de Lyon, page 37.—(8) M. Boulay, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. (9) Ibid. — (10) Observations de la Cour d'appel de Lyon, page 37. —(11) Ibid. (12) M. Boulay, Procès-verbal du 14 brumaire an 10. (13) Ibid.

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