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est appelé à une tutelle; mais la loi a dû prévoir qu'il le deviendra peut-être, et ne pas le lier à des devoirs qui, dans ce cas, gêneroient ceux de la paternité.

On objectera qu'il arrive un âge où cette prévoyance paroît inutile, et on en conclura qu'alors elle devroit cesser.

Je réponds qu'en général le Législateur n'admet jamais la présomption qu'un mariage sera désormais stérile: le vieillard le plus décrépit ne pourroit désavouer, comme illégitime, l'enfant que vient de lui donner son épouse. A plus forte raison, la présomption de stérilité ne doit-elle pas être admise à l'égard de la tutelle.

Ainsi, et en me résumant, l'article 435 offre l'exemption à celui qui est encore engagé dans le mariage, soit qu'il ait, soit qu'il n'ait pas actuellement d'enfans.

Il la donne encore à l'homme veuf qui est père.

Il la refuse au veuf sans enfans, parce qu'il n'est ni père ni époux.

IV. SUBDIVISION.

De l'Exemption à raison du nombre des Enfans.

ARTICLE 436.

CEUX qui ont cinq enfans légitimes, sont dispensés de toute tutelle autre que celle desdits enfans.

Les enfans morts en activité de service dans les armées de l'Empereur, seront toujours comptés pour opérer cette dispense.

Les autres enfans morts ne seront comptés qu'autant qu'ils auront eux-mêmes laissé des enfans actuellement existans.

ARTICLE 437

LA survenance d'enfans pendant la tutelle ne pourra autoriser à l'abdiquer.

JE dirai

Quels sont les motifs de l'excuse qui est le sujet de cette subdivision;

A quel nombre d'enfans elle est attachée;

Quels enfans sont comptés dans ce nombre;
De quelle tutelle cette excuse exempte.

NUMÉRO I.er

Sur quels motifs est fondée l'Excuse du nombre des enfans.

DEUX motifs ont fait admettre l'excuse dont il s'agit.

Le premier est le même que pour l'excuse dont il a été parlé dans la subdivision précédente. Un père, chef d'une nombreuse famille, ne doit pas être arraché aux soins qu'il lui doit pour être appliqué à gouverner d'autres pupilles. Mais ce motif, s'il étoit seul, obligeroit de borner la dispense au père dont les enfans sont encore mineurs. Cependant l'exemption est indéfinie ; que les enfans du tuteur nommé soient mineurs ou majeurs, le tuteur peut, dans les deux cas, refuser la tutelle. Ceci prouve que l'exemption est encore fondée sur une autre raison.

Cette seconde raison de l'excuse est « la faveur due à la fécondité conjugale, qu'on trouve toujours avec les mœurs et l'amour du travail, ces honorables principes de la prospérité des nations » (1), et qui, d'ailleurs, donne au père l'honneur d'augmenter le nombre des citoyens : honor auctæ civitatis.

NUMÉRO II.

Du Nombre d'enfans qui dispense de la tutelle.

LES Romains avoient varié ce nombre suivant le lieu où résidoit le tuteur. Trois enfans suffisoient à Rome, parce que cette ville étoit la capitale de l'Empire; quatre, dans le reste de l'Italie,

(1) M. Leroy, Tribun. Tome II, page 176,

qu'on regardoit comme l'ancien domaine du peuple romain : mais, dans les provinces, qu'on traitoit toujours plus ou moins en pays conquis, il falloit cinq enfans.

En France où, dans aucun temps, la capitale et l'ancien territitoire n'ont eu de privilége sur le territoire plus nouvellement réuni, l'excuse de la tutelle a toujours été attachée au nombre de cinq enfans.

Le Code a maintenu, en cette partie, la disposition de l'ancien droit. Et, en effet, le nombre de cinq tient un juste milieu entre celui qui ne pourroit dispenser qu'à titre de privilége, et celui qui seroit trop considérable pour que, s'il étoit exigé, l'excuse pût profiter à tous les pères qui en ont besoin.

NUMÉRO III.

Quels Enfans sont comptés dans le nombre qui dispense de la Tutelle.

Ce sont

Les seuls enfans légitimes,

Les enfans actuellement nés,

Les enfans vivans.

Des Enfans légitimes, naturels et adoptifs.

L'ARTICLE 436 n'admet que les enfans légitimes.

:

ils

Il exclut donc les enfans naturels s'ils ne sont pas reconnus, sont censés n'avoir pas de père, car il n'y a de père que celui que le mariage désigne *, et même la réconnoissance que le père fait de ses enfans naturels n'établit entre eux et lui aucune parenté civile. Ce principe, nécessaire à l'honneur et à l'intérêt du mariage, est consacré

* Voyez tome IV, pages 3 et suiv.

par l'article 338, qui refuse aux enfans naturels les droits d'enfans légitimes *; par l'article 756, qui les prive du titre d'héritier et leur retranche tous droits dans la branche collatérale. Quand le Législateur s'est occupé des enfans naturels, ce n'a été que par humanité et par un motif d'intérêt public. C'est parce qu'il eût été aussi injuste qu'impolitique de dévouer à la misère des enfans qui ne sont pas coupables de la faute à laquelle ils doivent leur naissance, et de former dans l'État une classe d'hommes que l'abandon auquel on les eût livrés auroit portés aux désordres et au crime, Mais aussi il ne falloit pas que leur existence devînt pour le père qui les a reconnus, un titre d'honneur capable de lui mériter la faveur d'une dispense civile.

L'article 436 exclut encore implicitement les enfans adoptifs, Ces enfans n'étoient pas comptés, même chez les Romains, où l'adoption opéroit le changement de famille; d'un côté, ils n'ont le titre d'enfans que par fiction; de l'autre, l'adoption n'augmente pas le nombre des citoyens, A plus forte raison en doit-il être ainsi parmi nous, où l'adoption laisse l'adopté dans sa famille originaire

Mais les deux motifs qui empêchent que les enfans adoptifs ne servent à excuser l'adoptant, obligent de les compter dans le nombre de ceux dont l'existence dispense leur père naturel ils sont ses véritables enfans, et par eux il a eu l'honneur d'augmenter le nombre des citoyens. Cette doctrine étoit celle des Romains, quoique, comme je viens de le dire, l'adoption chez eux fît passer l'enfant dans la famille adoptive,

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seulement conçus (1). La Section retrancha cette limitation formelle (2). Faut-il en conclure qu'on n'a pas voulu l'admettre, ou qu'on l'a supposée suffisamment établie par le droit

commun?

Il est évident que, quand le Législateur s'est borné à dispenser de la tutelle ceux qui ont cinq enfans, il s'est référé aux règles générales sur la définition des individus qui sont réputés faire partie des enfans au moment où la tutelle est déférée. Or, les principes généraux établissent la distinction suivante :

Dans tout ce qui touche à l'intérêt de l'enfant, il est réputé né dès qu'il est conçu qui in utero est, perinde ac si in rebus humanis esset, custoditur, quoties de commodis ipsius partûs quæritur (3); et voilà pourquoi on donne au posthume un curateur au ventre *; pourquoi l'enfant conçu succède, pourvu qu'ensuite il naisse viable ; pourquoi il est capable, sous la même condition, de recevoir entre-vifs et par testament

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Mais, dans tout ce qui est étranger aux intérêts de l'enfant conçu, il n'est compté pour rien. Il n'y a encore qu'une simple espérance qu'un homme existera: spes animantis (4). Si cette espérance s'évanouit, l'enfant est réputé n'avoir jamais existé : partus nondum editus, homo non rectè fuisse dicitar (5).

La conséquence de ces maximes est que l'existence de l'enfant qui n'est encore que conçu, ne profite pas aux tiers: alii, antequam nascatur, nequaquam prodest (6); qu'il ne leur fournit en général aucune exemption: neque in civilibus muneribus prodest patri (7); et que sur-tout il ne les dispense pas de la tutelle (8).

(1) Projet de Code civil, liv. I.", titre IX, art. 52, page 67. — (2) 1. Rédaction, art. 40, Procès-verbal du 29 vendémiaire an 11, tome II, page 81.

stat, hom, (4) L. 2. ff. de mort. infer.

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stat, hom.

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(7) L. 2. §. 6. ff. de excus.

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(5) L. 9. ff. ad. leg. falc. (8) D. L.

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(3) L. 7. ff. de (6) L. 7. ff. de

Voyez l'art. 393, pages 30 et suiv.** Voyez l'art. 725,-*** Voyez l'aricle 906.

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