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infliger une peine capitale, soit à l'accusé, si l'accusateur triomphoit, soit à l'accusateur, si l'accusé étoit absous.

3.o Celui qui avoit avec le pupille un procès dans lequel il s'agissoit soit de la totalité, soit de la majeure partie des biens de ce dernier, ou d'une succession (1).

Ce système étoit incomplet sous le rapport de ses effets. Ce n'étoit pas assez de faire produire une simple excuse aux circonstances qu'on prévoyoit ; l'intérêt du mineur vouloit qu'on en fit résulter, non une exclusion, car elles ne rendent pas le tuteur digne de blâme ou de reproche, mais une incapacité qui, sans lui supposer des torts, l'écartât malgré lui de la tutelle. A la vérité, dans le cas d'inimitiés capitales, le Préteur pouvoit destituer le tuteur qui ne s'étoit pas excusé (2); mais il vaut bien mieux prévenir le mal que d'en préparer le remède. Cette maxime, dont les Romains s'éloignoient ici, a été proclamée par eux-mêmes et à l'égard du mineur dans une autre matière: melius etenim est, intacta eorum jura servari, quam post causam vulneratam remedium quærere (3).

Le système des Romains étoit, d'un autre côté, trop étendu sous le rapport des personnes entre lesquelles les contestations devoient être survenues, et du temps où elles pouvoient avoir existé.

Pourquoi se reporter sur le passé? Quand des contestations sont définitivement terminées, on n'a plus à craindre que le tuteur abuse, pour servir ses propres intérêts, des facilités que sa charge lui donne. Seroit-ce son ressentiment qu'on redouteroit? Il n'en peut pas avoir s'il a gagné sa cause. S'il l'a perdue, comment lui supposer de l'indignation et du dépit contre un orphelin qui n'a contribué pour rien à sa défaite? On ne devoit donc avoir égard qu'aux contestations actuellement existantes.

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(1) Inst. de excus, ut. S. 4. L. 21. ff. L. 16. C. huj. tit. (2) L. 3. S. 12. ff. de suspect. tutor.-L. 5. C. in quib. caus, in integr. rest.

Avec cette limitation, les contestations entre le tuteur et le père du pupille ne pouvoient plus être d'aucun poids: ou elles se reportoient au passé, ou, si elles survivoient au père, elles se trouvoient engagées directement entre le tuteur et le pupille.

L'article 442 a apporté ces diverses modifications au système des lois romaines :

Quant aux causes, il n'a point admis celle d'inimitiés capitales, parce que, dans nos mœurs, où l'accusation n'appartient qu'au ministère public, cette cause ne peut pas se présenter. Que si l'on dit que la dénonciation et l'intervention au procès, comme partie civile, remplacent jusqu'à un certain point l'accusation usitée chez les Romains, j'observerai qu'en tout cas le père du mineur a pu seul être dénonciateur, dénoncé, ou partie civile; ainsi, cette circonstance ne devoit pas être prise en considération.

Mais l'article admet la cause des contestations suscitées par le tuteur sur l'état du pupille.

Il admet aussi celle des contestations pour des intérêts pécuniaires, pourvu que le tuteur dispute au mineur ou la totalité ou une portion notable de sa fortune. Ces contestations mettent aussi le tuteur dans une position difficile. En outre, quand elles durent encore, il n'est pas sans danger de remettre au tuteur, partie adverse, les papiers du mineur: on peut craindre des soustractions que l'inventaire, que la vigilance du subrogé tuteur ne parviendroient pas toujours à empêcher.

L'article attache à ces causes, l'effet de produire non une excuse, mais une incapacité.

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Enfin, il ne s'arrête qu'aux contestations actuellement existantes. Ainsi, celles que le tuteur a pu avoir avec le père du pupille, et qui ne continuent pas avec le pupille lui-même, ne le rendent pas incapable de la tutelle.

Au surplus, les procès engagés avec le père du tuteur entraînent

l'incapacité comme ceux qui le sont avec le tuteur lui-même. Cette disposition n'est pas seulement fondée sur ce que la piété filiale doit naturellement attacher le tuteur beaucoup plus à son père qu'à son pupille; elle l'est encore sur ce que, dans cette hypothèse, il y a réellement opposition d'intérêts entre le pupille et le tuteur, car ce dernier est appelé à succéder à son père le père ne peut donc pas perdre son procès sans que le contre-coup ne retombe sur le fils tuteur.

:

La Commission étendoit l'incapacité jusqu'à celui dont le frère ou la sœur étoit en procès avec le mineur (1); mais comme il n'y avoit les mêmes motifs, le Conseil d'état a rejeté cette extension.

pas

II. DIVISION.

Des Causes d'Exclusion et de Destitution.

ARTICLE 443.

La condamnation à une peine afflictive ou infamante, emporte de plein droit l'exclusion de la tutelle. Elle emporte de même la destitution, dans le cas où il s'agiroit d'une tutelle antérieurement déférée.

ARTICLE 444.

SONT aussi exclus de la tutelle, et même destituables, s'ils sont en exercice,

1.o Les gens d'une inconduite notoire;

2.o Ceux dont la gestion attesteroit l'incapacité ou l'infidélité.

L'EXCLUSION et la destitution sont produites l'une et l'autre par les mêmes causes. Ces causes opèrent l'un ou l'autre effet, suivant

(1) Projet de Code civil, liv. I.", tit. IX, art. 55, page 68.

qu'elles existent avant ou qu'elles surviennent après l'entrée du tuteur

én exercice.

Le Code établit quatre causes d'exclusion et de destitution :
La condamnation à une peine afflictive ou infamante,
L'inconduite notoire,

L'infidélité,

L'incapacité, ou plutôt l'inhabilité à gérer la tutelle.

La cause d'infidélité a été ajoutée sur la demande du Tribunat (1). Le Tribunat demandoit aussi qu'on mît au nombre des causes d'exclusion et de destitution :

1. L'insolvabilité (2),

2.° La faillite, lorsque le failli n'auroit pas été réhabilité (3). Le Conseil d'état n'a pas cru devoir les exprimer, parce qu'elles rentrent dans l'inconduite, comme je le dirai dans un moment

Les motifs qui ont fait adopter les quatre causes énoncées dans le Code, sont trop évidens pour qu'il soit besoin de les expliquer; mais il faut s'attacher à bien définir chaque cause en particulier.

Il faut aussi examiner si elles ont leur effet à l'égard de toute espèce de tutelles.

I. SUBDIVISION.

De la Condamnation à une peine afflictive ou infamante.

REMARQUONS qu'une condamnation à une peine infamante donne seule lieu au divorce **, tandis que la condamnation à une peine afflictive éloigne de la tutelle.

Aujourd'hui la différence n'est que dans les mots. Dans l'état

(1) Observations du Tribunat.

**·

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* Voyez pages 168 et suiv. ** Voyez tome III, page 120.

actuel de notre législation criminelle, toute peine afflictive est en infamante (1).

même temps

Mais cette législation peut changer : maintenant, par exemple, l'emprisonnement prononcé par la police correctionnelle n'est mis au rang ni des peines afflictives ni des peines infamantes. Peutêtre un jour fera-t-on une distinction, en déclarant peine afflictive l'emprisonnement ordonné pour certaines causes honteuses, comme les larcins, les filouteries, le vol simple, sans cependant y attacher d'infamie alors se présentera la question de savoir si la peine simplement afflictive exclut de la tutelle.

:

Le Législateur l'a décidée d'avance, en établissant l'alternative par ces mots peine afflictive ou infamante. Cette rédaction seroit ridicule, et n'auroit plus d'objet si elle n'avoit pas pour motif la prévoyance d'un changement possible dans la législation criminelle; or, in ambiguâ voce legis, ea potiùs accipienda est significatio quæ vitio caret (2). D'ailleurs, déjà le Législateur avoit été conduit par cette vue, lorsqu'il avoit donné à la condamnation à peine infamante seulement et non à la condamnation à peine afflictive, l'effet d'opérer le divorce *.

On demandera pourquoi la condamnation à une peine afflictive a plus de force relativement à la tutelle que relativement au divorce.

En voici la raison :

Dans la matière de la tutelle, où l'intérêt du mineur est la suprême loi, on doit écarter celui entre les mains duquel cet intérêt pourroit être tant soit peu en danger. Dès-lors, il ne suffit pas de refuser la tutelle à quiconque s'est souillé par un crime assez grave pour s'attirer l'infamie; il convient encore de

(1) Code des délits et des peines, art. 604. - (2) L. 19. ff. de leg,
:*
* Voyez tome III, page 121.

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