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DU CODE NAPOLÉON,

TIRÉ

DE LA DISCUSSION.

LIVRE Ier

DES PERSONNES.

TITRE X.

DE LA MINORITÉ, DE LA TUTELLE ET DE L'ÉMANCIPATION *.

LA
A rubrique de ce titre indique suffisamment les objets auxquels
il se rapporte, et, par suite, motive sa division en trois chapitres.
Le Législateur, en instituant la tutelle, a voulu venir au

* Ce titre a été présenté au Conseil d'état, le 26 frimaire an 10, par M. Berlier, au nom de la Section de législation, et discuté dans les séances des 26 frimaire an 10, 22 et 29 vendémiaire et 6 brumaire an 11;

Communiqué officieusement au Tribunat le 12 brumaire;

A

secours de celui en qui la raison n'est pas encore assez avancée pour qu'il puisse se diriger par lui-même. Il devoit donc, avant tout, fixer la durée de cet état de foiblesse.

De là le chapitre de la Minorité.

Il devoit ensuite organiser le gouvernement domestique sous lequel il place le mineur.

De là le chapitre de la Tutelle.

On eût pu s'arrêter là, et l'on n'avoit rien à dire sur la cessation de cet état de choses, si la tutelle n'eût dû finir que par la survenance de la majorité. Mais, comme elle n'est établie que pour l'intérêt du mineur, elle doit cesser plutôt lorsque cet intérêt ne la rend plus nécessaire; autrement, elle ne seroit plus qu'une domination d'un côté, qu'une servitude de l'autre. Il étoit donc juste de l'abréger et de relâcher les liens de la minorité pour ceux que l'état de leur raison permet d'abandonner à leur propre conduite, du moins avec certaines précautions, et dans une certaine mesure.

De là le chapitre de l'Émancipation.

Rapporté de nouveau au Conseil d'état, le 18 frimaire, après la conférence tenue entre les membres du Conseil et ceux du Tribunat;

Adopté définitivement le même jour;

Présenté au Corps législatif, le 25 ventôse, par MM. Berlier, Emmery et Miot, Conseillers d'état, M. Berlier portant la parole;

Communiqué officiellement par le Corps législatif au Tribunat, le 27;

Rapporté au Tribunat le 3 germinal, par M. Huguet, au nom de la Section de fégislation;

Adopté par le Tribunat le même jour;

Discuté au Corps législatif le 5, entre les Orateurs du Conseil d'état et MM. Huguet, Leroy et Costaz, Orateurs du Tribunat, M. Leroy portant la parole;

Décrété le même jour;

Promulgué le 15.

CHAPITRE I."

DE LA MINORITÉ.

ARTICLE 388.

Le mineur est l'individu de l'un ou de l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de vingt-un ans accomplis.

COMME il seroit impossible de juger, d'après un examen individuel, quelles personnes sont arrivées à un degré de maturité suffisant pour pouvoir se conduire, il a bien fallu établir une règle générale, c'est-à-dire, supposer cette capacité dans tous. ceux qui seroient parvenus à l'âge où ordinairement la raison est formée.

Mais quel étoit cet âge? Devoit-on fixer le terme de la minorité à l'âge de vingt-cinq ans, adopté par les lois romaines, par le droit canonique et par notre ancien droit commun, ou à l'âge de vingt-un ans, admis depuis par la loi du 20 septembre 1792?

I.re DIVISION.

Système de la Commission.

LA Commission plaçoit la majorité à l'âge de vingt-un ans.
Voici ses motifs :

«

Nous n'avons pas cru, disoit-elle, devoir réformer la fixation qui existe, et que tant de raisons peuvent motiver. Dans notre siècle, mille causes concourent à former plutôt la jeunesse ; trop souvent même, elle tombe dans la caducité au sortir de l'enfance. L'esprit de société et l'esprit d'industrie, aujourd'hui si généralement

répandus, donnent un ressort aux ames, qui supplée aux leçons de l'expérience, et qui dispose chaque individu à porter plutôt le poids de sa propre destinée. Cependant, malgré ces considérations, nous avons prorogé jusqu'à vingt-cinq ans la nécessité de rapporter le consentement paternel pour le mariage. Un acte tel que le mariage décide du bonheur de toute la vie ; il seroit peu sage, quand il s'agit d'une chose qui tient de si près à l'empire des passions les plus terribles, de trop abréger le temps pendant lequel les lois associent la prudence des pères aux résolutions des enfans » (1).

FI. DIVISION.

Motifs d'étendre la Minorité jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans.

LES Cours d'appel de Bordeaux et de Nancy combattirent le système de la Commission par des considérations prises de la nature des choses, de l'expérience, des circonstances.

La nature des choses leur paroissoit résister à ce qu'on rendît, de si bonne heure, un individu à lui-même. Si, trop souvent, 'disoient-elles, la jeunesse tombe dans la caducité, comme le re- . marque très-sagement la Commission, n'est-ce pas pour s'être trop livrée aux excès qu'entraînent les passions? N'est-ce pas pour avoir épuisé son tempérament et ses forces en ruinant sa fortune» (2)? C'est la force physique, acquise à vingt-un ans, qui produit la foiblesse morale de cet âge; c'est l'effervescence des passions à

cc

(1) Discours préliminaire du Projet de Code civil, page xlvij. — (2) Observations de la Cour d'appel de Nancy, page 7; - de Bordeaux, page 10.

cette époque qui exige plus impérieusement qu'on le surveille et qu'on lui laisse un guide et un protecteur: pourquoi l'en priver? Le jeune homme n'a que des bienfaits à recevoir de ceux que la nature ou la loi a chargés de le diriger: il doit, sans doute, de la reconnoissance et du respect à ses parens, aux auteurs de ses jours, à ceux qui ont pris soin de son enfance. Si l'esprit de société et d'industrie, moins répandu autrefois par le défaut d'instruction, l'a disposé à porter plutôt le poids de sa propre destinée, il est assuré qu'ils en favoriseront les progrès; c'est le vrai, le plus doux bonheur des parens : il n'a aucun risqué à courir de leur part.

» Veut-on le mettre, avec plus de célérité, en état de contracter des dettes ? Ce seroit équivalemment vouloir le ruiner et dépouiller les pères et mères, de leur vivant, parce que leur tendresse et l'honneur: les forceroient à tout sacrifier pour le soustraire aux contraintes par corps.

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Puisqu'on a distingué une majorité relative au mariage,, aux fonctions publiques, et même aux fonctions ministérielles, ne devoit-on pas également distinguer les enfans qui ont leurs pères et mères, de ceux qui sont sous la tutelle de collatéraux ou d'étrangers, et, dans tous les cas, modifier au moins la trop grande étendue de capacité qu'on donne au jeune homme de vingt-un ans?

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Que le Législateur s'examine lui-même ; qu'il se demande quels étoient ses sentimens, ses goûts, ses inclinations, ses lumières, de vingt-un à vingt-cinq ans ; quelle puissance il avoit pour modérer ses passions; ce qu'il auroit fait, s'il n'avoit pas été contenu, et la question sera bientôt résolue » (1).

L'expérience, au surplus, a rendu ces vérités sensibles.« Qu'on jette un coup-d'œil sur la conduite que la jeunesse a tenue depuis le décret du 20 septembre 1792; on n'y verra qu'insubordination,

- (1) Observations de la Cour d'appel de Nancy, page 8.

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