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Néanmoins, on n'a pas cru qu'elle dût faire admettre l'amendement plus rigoureux proposé par la Cour d'appel d'Orléans. << Ne seroit-il pas plus sûr, disoit cette Cour, d'astreindre le tuteur à faire cette déclaration, avant la levée des scellés, par l'acte même - par lequel il la requerra? Après la levée des scellés, et en procédant à l'inventaire, il peut se commettre quelque soustraction de quittances ou autres fraudes » (1).

Il n'a pas paru nécessaire d'étendre les précautions jusque-là.

II. SUBDIVISION.

De la Vente des Meubles.

ARTICLE 452.

DANS le mois qui suivra la clôture de l'inventaire, le tuteur fera vendre, en présence du subrogé tuteur, aux enchères reçues par un officier public, et après des affiches ou publications dont le procès-verbal de vente fera mention, tous les meubles autres que ceux que le conseil de famille l'auroit autorisé à conserver en nature.

ARTICLE 453:

LES père et mère, tant qu'ils ont la jouissance propre et légale des biens du mineur, sont dispensés de vendre les meubles, s'ils préfèrent de les garder pour les remettre en

nature.

Dans ce cas, ils en feront faire, à leurs frais, une estimation à juste valeur, par un expert qui sera nommé par le subrogé tuteur, et prêtera serment devant le juge de paix. Ils rendront la valeur estimative de ceux des meubles qu'ils ne pourroient représenter en

nature,

I. L'ARTICLE 452 oblige le tuteur de vendre les meubles.

Cette obligation ne cesse qu'à l'égard des pères et mères qui ont la jouissance propre et légale des biens de leurs enfans mineurs *. Ils ne sont tenus que de représenter les meubles en nature à la fin de leur jouissance, ou de rendre la valeur de ceux qu'ils ne peuvent représenter; et pour assurer l'effet de cette dernière condition, la loi

(1) Observations de la Cour d'appel d'Orléans, page 17.
*Voyez tome IV, pages 459 et suiv,

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veut qu'ils fassent faire une estimation, non avec déduction de la crue, comme lorsqu'il s'agit de vendre aux enchères, mais à juste valeur; non par l'entremise dispendieuse d'un commissaire priseur, mais par un expert que nomme le subrogé tuteur, et qui prête serment devant le juge de paix.

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La Cour d'appel de Paris est la seule qui ait combattu cette disposition. Cet article, a-t-elle dit, aggrave infiniment la condition des mineurs. Il y est dit que les père et mère sont dispensés de vendre les meubles du mineur, s'ils aiment mieux les conserver pour les remettre en nature; qu'audit cas, ils seront tenus de rendre la valeur estimative de ceux des meubles qu'ils ne pourroient pas représenter en nature. C'est quelque chose; mais les autres, en quel état les représenteront-ils? Supposons un enfant dont la mère meurt en le mettant au monde. Voilà une assez longue durée ouverte à la jouissance du père. Que restera-t-il du mobilier de l'enfant à l'époque de sa majorité ou de son émancipation?

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Observons qu'on enchérit encore ici sur le droit de garde, au moins tel qu'il existoit à Paris. Suivant l'article 267 de la coutume de Paris, le gardien noble. ..... et pareillement le gardien bourgeois, a L'ADMINISTRATION des meubles, et fait les fruits siens durant ladite garde, de tous les immeubles. On a conclu de ces termes, que le gardien doit, en fin de garde, restituer la juste valeur des meubles; et tout ce qu'ont pensé les auteurs les plus favorables à son droit, c'est qu'il n'étoit pas obligé de vendre les meubles, et de faire emploi du prix, pour compter de l'intérêt, comme un tuteur ou administrateur ordinaire. Ici on le dispense de rendre la valeur des meubles; il suffit qu'il rende les meubles même usés, détériorés et presque anéantis par la longue jouissance : c'est à-peu-près l'équivalent d'un droit de propriété » (1).

(1) Observations de la Cour d'appel de Paris, pages 86 et 87.

Cette opinion tenoit au système que la Cour d'appel de Paris avoit embrassé. On se rappelle qu'elle se refusoit à donner aux pères et mères la jouissance des biens de leurs enfans mineurs, jouissance qu'elle comparoit à l'ancienne garde, tandis qu'il falloit l'assimiler à l'usufruit qui, dans les pays de droit écrit, étoit la suite de la puissance paternelle

Le système contraire ayant été adopté **, et la jouissance des pères et mères ayant été étendue sur les biens meubles des enfans comme sur leurs biens immeubles, il étoit naturel de laisser au père et à la mère l'option de jouir des meubles en nature ou de les convertir en capitaux dont ils perçussent les produits.

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La Cour d'appel de Bruxelles demandoit que, quand il y auroit des dettes, les pères et mères fussent astreints à vendre ɓ (1).

Cette limitation étoit inutile: ou les pères et mères s'arrangent avec le créancier, ou ils sont conduits à vendre pour prévenir la saisie-exécution.

II. Mais à quels meubles s'étend l'obligation de vendre imposée au tuteur ordinaire ?

L'article 533 du Code porte : Le mot MEUBLE, employé seul dans les dispositions de la loi ou de l'homme, sans autre addition ni désignation, ne comprend pas l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles, les instrumens des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins, et autres denrées; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet d'un commerce. Le tuteur doit-il se régler sur les distinctions établies par cet article?

Non le mot meuble n'est pas employé seul dans l'article 452 ; il

:

(1) Observations de la Cour d'appel de Bruxelles, page 9.

* Voyez tome IV, page 460 et suiv. — ** Voyez ibid., page 463.

y est dit que le tuteur vendra Tous les meubles à l'exception de ceux que le conseil de famille l'autorise à conserver.

Le Législateur ayant pris soin de fixer lui-même' l'unique exception par laquelle il entendoit modifier la règle générale, on ne peut ni en admettre ni en supposer d'autre.

Cette exception, au surplus, sert beaucoup mieux l'intérêt du mineur, que les distinctions invariables établies par l'article 533; car elle permet de se régler sur les circonstances. Quelquefois il est utile, mais quelquefois aussi il seroit préjudiciable de conserver en nature toutes les choses que l'article 533 exempte. Tout cela dépend de la situation des choses, et doit dès-lors être abandonné à l'arbitrage de la famille.

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La loi du 24 mars 1806 a ajouté une seconde exception à celle le Code Napoléon avoit établie. Quoique, par l'article 529 du Code, toute rente constituée soit meuble, l'article 1er de cette loj ne permet cependant au tuteur de vendre comme meubles que les rentes en tiers consolidé qui n'excèdent pas cinquante francs, et l'article 3 veut que toute rente au-dessus de ce taux ne puisse être vendue qu'avec l'autorisation du conseil de famille.

On aperçoit facilement le motif de cette disposition: la vente des meubles du mineur n'est ordonnée qu'afin d'arriver ensuite à des placemens qui convertissent en biens utiles et frugifères des capitaux jusque-là stériles. Or, les rentes ayant déjà ce dernier caractère, l'obligation de vendre les meubles ne devoit pas être étendue jusqu'à elles.

Cependant, comme il y a quelquefois nécessité ou utilité d'aliéner même les biens du mineur, qui, de droit commun, sont inaliénables, la loi a dû prévoir qu'il en pourroit être ainsi des

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Dans ce cas, elle fait une distinction que l'intérêt du mineur cominandoit. Une rente de cinquante francs n'est pas un bien d'assez haut prix, pour en réduire le capital par les frais qu'entraîneroit la tenue d'un conseil de famille et l'homologation de la délibération qui y seroit prise on a donc permis au tuteur de l'aliéner de sa seule autorité, comme tout autre meuble.

Les rentes au-dessus de cinquante francs, au contraire, forment une partie assez considérable du patrimoine du mineur, pour qu'on ne les laisse pas à la libre disposition du tuteur.

III. Le délai dans lequel le tuteur doit faire vendre est fixé à un mois, à partir de la clôture de l'inventaire.

IV. La vente doit être faite en présence du subrogé tuteur, par un officier public, après affiches et publications.

La loi est impérative. Une vente faite à l'amiable, n'eût-elle d'ailleurs rien de suspect, ne sauveroit donc pas la responsabilité

du tuteur.

Il n'est pas même permis au conseil de famille de l'autoriser pour raison de la modicité du patrimoine, car le Code ne fait pas de distinction. La disposition contraire pouvoit donner lieu à des fraudes, sur-tout quand le conseil de famille seroit composé en grande partie d'étrangers et présidé par un juge de paix d'un caractère trop facile.

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Il n'y a d'exception à la règle dont il vient d'être parlé, que pour les rentes en tiers consolidé au-dessous de cinquante francs *. L'article 1.cr de la loi du 24 mars 1806, dispense le tuteur de les faire estimer et vendre par un officier public, et de faire précéder la vente d'affiches ni de publications.

Ces formalités eussent occasionné au mineur des frais inutiles,

* Voyez page 204.

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