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puissance. C'est ainsi que le Conseil d'état a considéré le droit d'émanciper, lorsqu'il a discuté la question de savoir si l'émancipation par acte, c'est-à-dire, celle dont il s'agit ici, seroit permise au père et à la mère *.

II. Puisqu'il en est ainsi, la conséquence sera

Que là où n'existe pas la puissance paternelle, le droit d'émanciper n'existe pas non plus;

Qu'au contraire, il existe par-tout où existe cette puissance. Avec ces deux principes, il devient facile de discerner à quels pères, à quelles mères l'émancipation est interdite; à quels elle est permise.

Elle est défendue au père et à la mère que la mort civile a dépouillés de la puissance paternelle **, ou en qui l'interdiction pour démence en a suspendu l'exercice.

Elle est permise

Au père et à la mère naturels comme au père et à la mère légitimes ***;

pourra

lui seul

: et

être éman

Au père exclusivement pendant le mariage, parce que a la puissance paternelle ****; à la mère, mais après la mort du père seulement, parce qu'elle n'acquiert qu'alors cette puissance ***** voilà pourquoi l'article 477 ne dit pas, le mineur cipé par son père, ou, à défaut Du père, par la mère, comme si, quand le père n'émancipe pas, la mère pouvoit exercer ce droit à sa place; le texte ne donne ce pouvoir à la mère qu'à défaut DE père, c'est-àdire, lorsque le père n'existe plus, soit dans l'ordre de la nature,

* Voyez tome IV, pages 417 et suivantes. -** Voyez ibid., page 418. - *** Voyez ibid., pages 415 et suiv. - **** Voyez ibid., page 422, - ***** Voyez ibid., pages 422

et 423.

soit dans l'ordre de la société civile: ainsi, le droit d'émanciper appartient au survivant ɓ (1);

Au père ou à la mère survivant, soit qu'ils exercent la tutelle ou qu'ils aient été excusés, exclus ou destitués; car la puissance paternelle demeure, même au père et à la mère qui ne sont pas tuteurs, à moins qu'ils n'aient perdu la tutelle par la mort civile ou par l'interdiction;

Au père divorcé tant qu'il vit; après sa mort, à la mère divorcée: l'un et l'autre conservent la puissance paternelle*, même lorsqu'ils en perdent les avantages pécuniaires **, et quoiqu'ils puissent être privés de la tutelle ***; le divorce ne détruisant les effets du mariage que par rapport aux époux.

III. « L'émancipation ne seroit plus qu'un cruel abandon si elle mettoit le mineur hors de tutelle, lorsque sa foiblesse a encore besoin de protection » (2).

Il a donc été nécessaire de fixer l'âge où elle seroit permise même au père et à la mère.

La Section avoit proposé l'âge de dix-huit ans pour tous les mineurs indistinctement, pour le mineur fils de famille, comme pour le mineur qui seroit hors de la puissance paternelle (3).

Au Conseil d'état, on demanda s que le père et la mère pussent émanciper leurs enfans à l'âge de quinze ans s (4).

Cette proposition a été adoptée ;

1.° Parce qu'on se seroit

exposé à compromettre quelquefois

(1) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, page 622. — (2) M. Portalis, Procès-verbal du 6 brumaire an 11, tome II, page 113. (3) 1. Rédaction, article 80, ibid., page 110.- (4) M. Berlier, ibid., page 113.

1.′′

*`Voyez tome III, page 334.-** Voyez tome IV, pages 467 et 468. - *** Voyer idid., pages 333 et 334, et ci-dessus, pages 18 et 19.

l'établissement du mineur, qui peut dépendre de son émancipa(1);

tion >>

2.o Parce que ce motif, qu'on a cru devoir faire céder à des considérations plus puissantes, quand il s'agiroit d'un mineur hors de la puissance paternelle, devoit l'emporter ici : « les affections de la nature sont garantes que l'émancipation sera dans l'intérêt de l'enfant » (2).

IV. Le principe que le droit d'émanciper est, dans le père et la mère, une suite de la puissance paternelle, a fait établir aussi que le père ou la mère, même tuteur, pourroit l'exercer de sa propre autorité, et sans être obligé, comme un tuteur ordinaire, de recourir au conseil de famille. La famille ne partage pas avec le père et la mère la puissance paternelle; et quand ils consentent à sacrifier les avantages que cette puissance leur donne, il est évident qu'ils n'agissent que dans l'intérêt du mineur.

A

La forme de cette émancipation a été réglée d'après ce système. Comme la volonté du père ou de la mère suffit, l'émancipation s'opère par la simple déclaration qu'ils font devant le juge de paix, assisté de son greffier.

V. Enfin, l'émancipation par le père et par la mère a des effets plus étendus que celle qui est accordée par le conseil de famille au mineur dégagé de la puissance paternelle..

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Cette dernière ne fait que rendre au mineur une partie des capacités que la majorité donne; et, par suite, elle met fin à la tutelle.

L'autre, en donnant ces mêmes capacités, fait encore cesser en

(1) M. Portalis, Procès-verbal du 6 brumaire an 11, tome II, page 113. (2) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, page 622,

outre la puissance paternelle, et les avantages pécuniaires qui en sont la suite *.

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On a eu néanmoins raison de dire que cette institution seroit mal comprise, și on lui appliquoit les idées de l'émancipation romaine » (1). Elle diffère de l'émancipation des Romains, sous les mêmes rapports que notre puissance paternelle diffère de la leur.

Chez les Romains, la puissance paternelle donnoit au père un droit de propriété sur son fils: filius res patris, disoit la loi des douze tables **. Le père ne perdoit cette propriété, comme toute autre, que lorsqu'il consentoit à s'en dessaisir. Or, comme l'aliénation ne se fait jamais au profit de la chose aliénée, et qu'elle ne s'opère que par le transport du droit de propriété d'une tête sur une autre, il en résulte que, dans le système des Romains, l'émancipation ne pouvoit être qu'une vente. Aussi est-ce le caractère que les historiens lui ont donnés (2). L'étymologie du mot et la formule long-temps en usage, que prononçoit le père dans cette circonstance, semblent confirmer leur opinion: Mancipo tibi hunc filium qui meus est, disoit le père à un étranger, en présence de sept témoins, dont l'un tenoit une balance à la main, comme pour peser la pièce de monnoie, prix du marché » (3).

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Dès-lors, l'émancipation avoit lieu, à l'égard du majeur, comme à l'égard du mineur. Elle brisoit seulement le joug de la puissance paternelle; mais elle ne relevoit l'émancipé, s'il étoit mineur, d'aucune des incapacités que la minorité imprime.

Parmi nous, au contraire, l'émancipation n'est que pour le mineur, la puissance paternelle ne s'étendant pas au-delà de la

(1) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an II, tome II, 622. (2) M. Leroy, Tribun. Tome II, page 177. (3) Ibid. Voyez tome IV, pages 469 et suiv.—** Voyez ibid. pages 394 et suiv.

page

majorité * : à la vérité selle met l'enfant qui en est l'objet hors de l'autorité de ses père et mères (1); mais, en même-temps, elle lui communique toutes les capacités dont jouit l'émancipé qui n'est pas fils de famille.

C'est par la raison qu'elle fait cesser la puissance paternelle, que le droit d'émanciper n'est, dans le père et la mère, fussent-ils tuteurs (2), qu'une simple faculté dont personne ne peut provoquer l'exercice, à la différence de l'émancipation prononcée par le conseil de famille, l'on que forcer de délibérer sur la capacité du mineur **. Le père et la mère sont juges suprêmes en cette partie, et leur autorité ne doit, jusqu'à la majorité de leurs enfans, recevoir d'autres limites que celles qu'y mettra leur propre volonté » (3).

peut

II. SUBDIVISION.

De l'Émancipation du Mineur qui est hors de la Puissance

paternelle.

ARTICLE 478.

LE mineur resté sans père ni mère pourra aussi, mais seulement à l'âge de dixhuit ans accomplis, être émancipé, si le conseil de famille l'en juge capable.

En ce cas, l'émancipation résultera de la délibération qui l'aura autorisée, et de la déclaration que le juge de paix, comme président du conseil de famille, aura faite dans le même acte, que le mineur est émancipé,

ARTICLE 479.

LORSQUE le tuteur n'aura fait aucune diligence pour l'émancipation du mineur dont il est parlé dans l'article précédent, et qu'un ou plusieurs parens ou alliés de ce

(1) M. Leroy, Tribun. Tome II, page 177. — (2) M. Berlier, Exposé des motifs, Procès-verbal du 26 ventôse an 11, tome II, pages 138 et 139. — (3) Ibid.

* Voyez tome IV, pages 417 et suiv. — ** Voyez pages 272 et 273.

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