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Le vieillard affoibli n'est pas exposé aux suggestions: les conditions que la loi exige l'en garantissent (1).

L'époux, le père, ne peut sacrifier ses enfans, son épouse, à un mouvement irréfléchi de générosité (2).

Enfin, celui que l'attrait de la licence et l'éloignement de toute gêne détourneroient du mariage, ne peut espérer que l'adoption lui rendra des héritiers qu'il n'aura pas voulu devoir à la nature: l'adoption n'est possible qu'autant qu'elle a été préparée de longue main (3).

Sur la Puissance paternelle, la France se partageoit entre deux systèmes également vicieux. Le droit coutumier n'établissoit véritablement pas une puissance paternelle : là le père n'étoit qu'un tuteur dont le pouvoir n'étoit même pas bien déterminé. Le droit écrit, au contraire, n'avoit que trop retenu de l'aspérité des anciennes lois romaines; il avoit fait du père un tyran, du fils un esclave qui ne voyoit pas le terme de sa servitude et qui ne pouvoit soupirer après sa liberté qu'au mépris des plus douces affections.

Le Législateur s'est donc encore vu réduit à prendre les principes dans l'essence des choses.

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La puissance paternelle n'est plus que ce que l'a faite la nature: un pouvoir de protection, dont les effets et la durée sont mesurés sur les besoins de celui qu'elle protége (4). Si une juste récompense est accordée au père, dans la jouissance du bien de ses enfans, cette jouissance même s'arrête au moment où l'intérêt pourroit faire oublier au père le devoir de les établir. La tendresse paternelle peut, devançant l'époque où l'émancipation est permise, affranchir le fils d'une gêne qu'elle estime ne plus lui être nécessaire (5). Jusque-là

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(2) Ibid., page 287 et (3) Ibid., pages 292 297. (4) Voyez titre De la Puissance 4121 (5) Ibid., pages 459 à 471.

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(1) Voyez titre De l'Adoption, tome IV, pages 353 à 355. pages 316 à 322. paternelle, ibid., pages 392 à

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le droit de correction n'est dans les parens ni un droit illimité, ni un droit arbitraire: la loi calcule avec prudence le plus ou le moins de direction dont le fils a besoin, le plus ou le moins de confiance, que, dans une situation donnée, mérite le père..

D'après le résumé qu'on vient de lire, on conçoit que des trois livres du Code, le livre des personnes étoit celui qui appeloit le plus les efforts d'un génie créateur. Si l'on s'arrête à l'ensemble des matières, la législation n'offroit sur aucune un système complet, et même sur très-peu un système; si l'on descend dans les détails, ou l'on ne trouve plus d'élémens, où l'on ne trouve que des élémens épars, vicieux, incertains, et qu'il étoit difficile de coordonner. 'Ainsi, tout étoit à faire ou à refaire sur l'état des personnes.

De là des hésitations, des essais multipliés, des discussions longues et profondes.

Dans les livres suivans, nous ne rencontrerons plus les mêmes difficultés; nous verrons le Législateur marcher d'un pas plus rapide. Il trouvoit plus de ressources dans la législation alors existante. Les règles sur les successions étoient à-peu-près fixées. Nous avions, sur la forme des donations entre-vifs et des testamens, les belles ordonnances de l'illustre D'Aguesseau; sur l'interprétation de ces actes, les principes du droit romain; sur la capacité de disposer ou de recevoir, les coutumes, une jurisprudence faite. Les Romains nous avoient aussi transmis, sur les conventions et sur les contrats, des principes puisés dans l'équité et dans la nature des choses. Il n'étoit besoin de créer de système que pour le contrat de mariage, que le droit coutumier et le droit écrit régloient d'une manière différente, et pour les hypothèques, à l'égard desquelles on se partageoit entre la théorie de l'édit de 1771 et celle de la loi du 11 brumaire an 7; encore, avoit-on des bases pour ce travail. Les autres matières ne présentoient que quelques questions à résoudre. La

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discussion du Livre II et du Livre III ne comportoit donc la même étendue que celle du Livre I.cr

Ici, dès-lors, se termine aussi la partie la plus longue et la plus difficile de mon Ouvrage. Toutes les théories générales et nouvelles sont expliquées.

Je ne déposerai cependant pas la plume: il reste à recueillir les précieuses lumières que la discussion jette sur les dispositions de détail, lumières sans lesquelles on est exposé à s'égarer dans l'intelligence et dans l'application de la loi. Mais il me sera permis de simplifier et d'accélérer ma marche.

Du reste, je fournirai jusqu'au bout la carrière; je la dépasserai même. Non-seulement j'essayerai, par des notions puisées, non dans mon propre fonds sans doute, mais dans l'esprit du Législateur, d'applanir aux Juges les difficultés qui pourroient faire prendre' une fausse direction à la jurisprudence, de fixer les doutes des Jurisconsultes; mais je me propose encore de réduire en théorie la jurisprudence même; d'en faire aussi le commentaire de la loi, lorsque ses monumens seront assez multipliés pour permettre l'exécution de ce plan. C'est là un des objets du Livre De la Législation et de la Jurisprudence françoises. Chacun sait que la Jurisprudence est définie series rerum perpetuò similiter judicatarum ce n'est donc pas un arrêt isolé qui l'a fixée; il faut une suite d'arrêts semblables sur le même point de droit: mais cette série ne peut venir qu'avec le temps. Jusques-là les auteurs qui réunissent et qui publient les jugemens à mesure qu'ils sont rendus, rendent de très - importans services. Mais bientôt il me sera possible d'aller plus loin, et de présenter, dans un cadre resserré, le tableau des arrêts qui formeront le système d'application de chaque article du Code.

FIN DU LIVRE 1.er DU CODE NAPOLÉON.

DE LA NOUVELLE PROMULGATION

DU CODE NAPOLÉON.

LE Code de nos lois civiles vient d'être promulgué de nouveau; quelques personnes en ont conclu que le Législateur portoit donc une loi nouvelle.

L'exposé des motifs et sur-tout la lecture du texte, auroient pu les détromper mais le texte n'est pas encore placé sous leurs yeux; l'exposé des motifs n'est peut-être pas parvenu jusqu'à elles.

Non, le Législateur n'a pas quitté l'intention de faire du Code Napoléon un monument durable. Cette intention, si clairement manifestée dès l'origine (1), la série des faits prouve qu'il l'a toujours conservée, et la promulgation même qui vient d'être faite, complète cette preuve

Depuis près de quatre ans que le Code subsiste, quelle disposition a été changée? Aucune. On n'a vu paroître que quelques décrets impériaux, quelques avis du Conseil d'Etat, lesquels développent le Code, mais n'en altèrent pas fa substance.

Loin de là, dans toutes les circonstances, dans toutes les discussions, le Conseil d'état a toujours professé pour le Code le respect le plus inaltérable. La citation d'un de ses articles a toujours suffi pour terminer les débats. Personne n'auroit osé proposer de franchir

(1) Voyez Introduction, chapitre XXXII, pages 85 et 86.

cette barrière. Ce respect s'est sur-tout manifesté dans la discussion du Code de la Procédure civile ; et ce qui est encore plus remarquable dans celle du Code de Commerce, lequel étant essentiellement une loi d'exception, pouvoit, sans déroger au Code Napoléon, admettre des principes différens. Ce dernier fait est justifié par les procès-verbaux de la discussion, qui vont être publiés. Il le sera encore par le Livre de l'Esprit du Code de Commerce, que j'ai mis sous presse.

Enfin, dans l'exposé des motifs qui a précédé la présentation de la rédaction nouvelle du Code Napoléon, l'Orateur a déclaré positivement qu'il ne s'agissoit point de revenir sur les principes qui y sont consignés. «C'est un ouvrage terminé, a-t-il dit; c'est une espèce d'arche sainte pour laquelle nous donnerons aux peuples voisins l'exemple d'un respect religieux» (1).

Certes, si l'on avoit voulu procéder à une révision, c'étoit là le moment. Si donc on n'a pas saisi cette occasion, la promulgation nouvelle devient un gage de plus de la stabilité des dispositions qui existent.

Or, en jetant les yeux sur la rédaction nouvelle, on ne trouve de changement que dans le titre, que dans les articles 17, 429 et 896, que dans quelques dénominations; et l'on voit, par la nature de ces changemens, qu'ils n'ont été faits que parce qu'ils étoient ou commandés par l'état des choses, ou déjà décrétés dans nos Constitutions.

Et d'abord, les circonstances démentoient le titre de Code civil des François. Le Code de nos lois civiles n'est plus pour nous seuls; il est devenu le Code d'une grande partie de l'Europe. Un jour it régira tous les peuples civilisés. Ces brillantes conquêtes prouvent, sans doute, qu'il est tellement le résultat de la raison et de la justice,

(1) M. Bigot-Préameneu, Exposé des motifs,

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