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Etats. L'Internationalisme, tel qu'il s'affirme aujourd'hui, est loin de vouloir effectuer un mélange mécanique des Etats particuliers, de vouloir supprimer les nations et écarter les patries. Il se base, au contraire, sur les nations, sur les patries et tire de ces formations sa force, le fondement de son existence. En unissant les nations isolées dans un travail commun pour atteindre une culture de valeur supérieure, pour assurer une représentation plus efficace des intérêts de toutes les patries, l'Internationalisme veut tout d'abord aider au développement progressif des patries, au développement de la valeur vitale et de la grandeur de chaque nation; il ne veut pas abroger les patries, mais plutôt leur assurer, par l'effet accumulé du travail, par l'échange régulier de leur production, un plus grand bien-être, une plus grande sécurité. En réalité, l'Internationalisme moderne est un patriotisme élevé, ennobli.

Déjà la méthode suivant laquelle il agit démontre qu'il ne peut être question d'un mélange mécanique des pays. L'Internationalisme moderne ne cherche pas à englober les Etats. Il fédère les intérêts de certains groupes à l'intérieur des Etats ou certains intérêts des Etats eux-mêmes. Et spécialement le fait que l'Internationalisme n'a rattaché que partiellement les nations les unes aux autres a empêché longtemps la reconnaissance de son essence véritable et de sa légitimité. Seule la Science de l'Internationalisme, en faisant le total des manifestations isolées, a rendu possible la reconnaissance d'une organisation plus haute, de sa légitimité et de ses tendances.

L'image, qui en résulte, nous montre que l'Internationalisme est une chose nécessaire, qu'il est la conséquence naturelle du développement technique, l'effet du machinisme. En exploitant les possibilités fournies par la technique moderne, les nations durent devenir internationales, elles durent réunir en coopération les efforts de tous les hommes civilisés, régler cette coopération elle-même. L'Internationalisme n'est donc qu'une nouvelle régulation pour un monde rendu plus petit par la machine. Le monde, en devenant plus petit, a rappro

1. Clunet, ibid., p. x, à la note.

2. Clunet, Préface des tables générales de 1874-1905, t. I (1904), p. x, à la note; Id., les Associations, Paris, Marchal et Billard, I (1909), p. 438, note 3; p. 439, notes 1 et 2.

ché les hommes les uns des autres et leur a donné la possibilité de travailler en commun; tandis que, avant la révolution technique, ils ne pouvaient communiquer les uns avec les autres et devaient se suffire isolément.

Dans l'Internationalisme il faut distinguer deux tendances différentes : l'Internationalisme conscient et l'Internationalisme inconscient.

Grâce à l'Internationalisme inconscient, des résultats internationaux sont obtenus sans avoir été voulus intentionnellement. A cette catégorie se rattache l'engrenage de toutes les institutions de trafic et de communication. Ainsi sur toute la terre le mécanisme total du trafic par chemins de fer fonctionne au jour le jour, suivant des règles établies d'avance, et l'effet de cette organisation, dont le caractère est nettement national et souvent même purement local, est pourtant international. Le train qui va d'une ville à l'autre d'un même pays relie pourtant aussi indirectement des villes de pays différents. L'agent qui expédie le bagage d'un étranger, d'un voyageur, dans une gare suisse, travaille, en accord international, avec l'agent de Saint-Pétersbourg, de Stockholm ou d'Arkangel. De même le facteur qui distribue des lettres dans une localité quelconque du globe, pendant sa tournée quotidierne, remplit une mission purement locale, mais, suivant les circonstances, sur l'ordre d'un mandant habitant d'un pays très éloigné. Par le timbre-poste que j'achète dans mon voisinage, je paie le travail d'un facteur aux antipodes.

Le fait inconsciemment international est trop multiple et l'on ne peut qu'y faire allusion. La science entière travaille inconsciemment selon un mode international. Les journaux le font en répandant les nouvelles du monde entier. Nous nous intéressons, en même temps que des hommes vivant aux antipodes à certains faits importants se passant dans un pays éloigné quelconque : à un procès, à un désastre, à une invention, à un crime. C'est internationalement que l'on imite les institutions les plus diverses, que l'on adopte les inventions les plus variées. A Calcutta, les tramways électriques marchent de la même manière qu'à Berlin; le manchon incandescent d'Auer luit de la même manière en Australie qu'à Copenhague ; les armées, les écoles, les fabriques s'uniformisent chaque jour de plus en plus suivant un modèle défini se répandant

dans le monde entier. Des mesures sociales, comme la prévoyance pour les travailleurs ou le service militaire réduit à deux années, aussitôt introduites dans un pays, sont rapidement imitées dans tous les pays. La mode est en vogue dans le monde entier, et les goûts comme les sentiments deviennent de plus en plus internationaux. L'Internationalisme inconscient s'infuse aussi dans les corps diplomatiques, s'accapare des nombreux voyageurs de commerce, des touristes, etc.

Pour ce genre d'Internationalisme on n'a pas besoin d'organisation il est le résultat automatique de nos moyens de communication qui nous permettent d'observer des événements même très éloignés, de les suivre et d'y collaborer.

L'Internationalisme conscient se manifeste dans les organisations fondées dans un but défini. Les représentants d'individus de tous les pays se réunissent dans l'intention de réaliser en commun un but quelconque. Ils le font de deux manières ou bien ils créent un organisme international permanent, une société avec siège fixe, un office central, un bureau, un comité, etc.; ces organisations permanentes ont, d'une manière quelconque, un siège quelconque, un siège fixe et agissent d'accord avec les organismes nationaux similaires ; ou bien ils se réunissent occasionnellement en une conférence, en un congrès, à l'occasion d'une exposition, d'une expédition, d'une observation scientifique quelconque, etc.

Le caractère d'une organisation internationale consciente peut être différencié selon ces trois aspects: telles organisations sont officielles, installées par les Gouvernements; d'autres organisations sont privées; enfin des organisations, créées par des particuliers, sont soutenues matériellement ou moralement par les Gouvernements.

Il est caractéristique pour l'Internationalisme que son étendue grandit sans cesse. Encore assez rares vers le milieu du siècle dernier, les associations et les bureaux internationaux se sont multipliés avec une énorme rapidité. Cet accroissement prouve la force vitale du mouvement et permet d'entrevoir les perspectives les plus vastes.

Alfred A. FRIED, de Vienne (Autriche).

De la validité de la clause compromissoire insérée dans un contrat passé à l'étranger'.

Par une interprétation, peut-être excessive, de l'art. 1006 du Code proc. civ. exigeant, pour la validité du compromis, qu'il indique l'objet du litige, la jurisprudence française annulle la clause compromissoire, stipulation par laquelle deux personnes conviennent de soumettre à des arbitres toutes les difficultés pouvant surgir entre elles à l'occasion d'un contrat 2.

Or, il en est tout autrement dans la plupart des Etats étrangers, d'Europe ou d'Amérique. Dans les uns, comme l'Angleterre ou l'Italie 3, la loi permet formellement la clause compromissoire, certaines législations, les lois de procédure du canton de Genève par exemple (art. 338 et s.), exigeant qu'elle soit inscrite dans des contrats déterminés, comme jadis notre Code de commerce (art. 51-63) avant la loi du 17 juillet 1856, en matière de sociétés - ; dans les autres, c'est peut-être le plus grand nombre, le silence de la loi est interprété comme l'autorisant, et tel est le cas notamment pour la Belgique, dont pourtant le Code de procédure est identique au nôtre.

Hors de France, nos commerçants ont souvent intérêt, pour faciliter des marchés avantageux, à souscrire à pareille clause, que leur proposent leurs cocontractants étrangers d'autant plus volontiers qu'ils s'effraient des dispositions draconiennes de l'art. 14 de notre Code civil. Bien plus, en ne l'acceptant pas, ils se priveraient de passer des contrats qui

1. V. Clunet, Tables générales, III, v° Arbitrage; § 1er, Question de la validité de clause compromissoire, p. 123.

2. V. les références à la jurisprudence et à la doctrine citées en note, Clunet 1904, p. 890.

3. Loi anglaise du 26 août 1889, Ann. lég. étr., XIX, p. 39; Code pr. italien, chap. II, art. 12.

4. Bruxelles, 12 fév. 1821, D. Répert., v° Arbitrage, n°454; Cass. belge, 8 juin 1849, D. Supp. Rép., vo Arbitrage, n° 515; Gand, 8 août 1874, Clunet 1875, p. 298; Cass. belge, 4 déc. 1879, D., Supp. Rép.,v° Arbitrage, no 515; et 17 fév. 1888, D. P., 89.2.168. Cf. Trib. Bruges, 30 juin 1909, supra. La jurisprudence allemande au contraire interprète l'art. 852 du Code pr. civ. allemand comme la nôtre l'art. 1006 (Code pr. civ. allemand, trad. Glasson, Lederlin et Dareste, p. 287, note 1). Cf. art. 341 Code pr. civ. Genève.

la comportent nécessairement d'après la loi étrangère. On a donc été conduit à rechercher quel serait le sort de la clause compromissoire dans les contrats passés à l'étranger par des Français avec des nationaux d'un pays admettant sa validité.

Depuis près de cinquante ans la plupart des arrêts des Cours d'appel la déclarent valable, et leur jurisprudence, approuvée par la majorité des auteurs 2 a été confirmée, il y a quelques années, par la Cour de cassation 3.

Et pourtant les dissidences les plus inattendues persistent à se produire, la même Cour d'appel se déjugeant à peu d'années d'intervalle. Il importe donc d'examiner le bien fondé de la théorie dominante.

I

D'abord éliminons quelques hypothèses dont la solution est dictée par des considérations particulières.

a) Est-il bien nécessaire d'observer que, même souscrite dans un pays reconnaissant sa validité, la clause compromis

1. Paris, 11 janv. 1865, S., 66.2.147, D. P., 65.2.188; Chambéry, 1o déc. 1886, S., 67.2.182, D. P., 66.2.246 Dijon, 19 mars 1868, S., 68.2.333; Paris, 9 mars 1887, S., 90.2.197; D. P., 88.2.49; id., 2 mars 1892, Clunet 1892, p. 879 ; id., 10 avril 1894, Clunet 1894, p. 878; Douai, 7 août 1902, Clunet 1904, p. 371; Poitiers, 28 oct. 1907, D. P., 08.5.11; Alger, 27 déc. 1907, Clunet 1910, p. 538; Rouen, 21 déc. 1907, Rec. du Havre, 1908.2.31; Besançon, 5 janv. 1910, infra, p. 867.

2. Boulay, De la condition juridique des sociétés étrangères en France, p. 181 et 183; Buchère, Tr. des valeurs mobilières n° 482; Chausse, Examen doctrinal, Rev. crit., 1886, p. 676; Despagnet, Pr. dr. intern. privé, 4o éd., no 178, p. 389 ; Garsonnet et Cézar-Bru, Tr. procédure, 2° éd., VIII, no 3035, p. 387, note 6; Gerbaut, De la compétence des tribunaux français vis-à-vis des étrangers, p. 274; Lyon-Caen, Condition légale des sociétés étrangères en France, p. 3 et 111; Lyon-Caen et Renault, Tr. droit commercial, II, no 1124, p. 803, texte et note 2; Pic, note 6, D. P.. 04.1.229.

3. Elle a longtemps évité de se prononcer sur la question (Civ., 21 nov. 1860, S., 61.1.331; D. P., 60.1.166; Req., 6 fév. 1878, S., 80.1.79); puis elle admit entre étrangers la validité de la clause souscrite et devant être exécutée en France (Req., 17 juil. 1899, D. P., 04.1.225), puis enfin, elle admit la clause souscrite hors de France entre Français et étrangers (Req., 21 juin 1904, Clunet 1904, p. 888).

4. Paris, 8 nov. 1865, S., 66.2.117 (2 espèce); 18 mars 1885, Clunet 1887, p. 467; Trib. Seine, 30 janv. 1892, Clunet 1892, p. 433; Trib. comm. Anvers, 3 avril 1893, Clunet 1894, p. 1079; Paris, 5 juil. 1894, Clunet 1895, p. 90.

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