soire serait certainement nulle chez nous, si elle portait sur des questions d'ordre public au point de vue international? Il en serait ainsi notamment si elle concernait des causes de divorce, des recherches de paternité naturelle, etc. 8) D'autre part, avec la clause compromissoire proprement dite, qui soumet la solution d'un litige à de simples citoyens, il ne faut pas confondre les conventions prorogatoires de juridiction. Lorsqu'elles relèvent de la loi française, nos juges se montrent à leur égard beaucoup plus larges que pour les conventions d'arbitrage, les admettant sans restrictions dans toute matière étrangère à l'ordre public'. Ne soumettent-elles pas les litiges à des juges réguliers présentant des garanties spéciales au plaideur? Mais les tribunaux étrangers ne sont pas sur pied d'égalité avec les nôtres à bien des points de vue leurs décisions doivent recevoir l'exequatur avant d'être exécutées en France; les instances portées devant eux ne motivent pas, auprès de nos juges, les exceptions de litispendance et de connexité, etc. Bref, on considère souvent les magistrats étrangers plutôt comme de simples particuliers, chargés d'une mission arbitrale, que comme des autorités constituées. Avec une logique imperturbable, plusieurs décisions judiciaires déduisent de là que les conventions attributives de juridiction à des tribunaux étrangers, pour toutes difficultés à naître d'un contrat, sont de véritables clauses compromissoires, nulles comme telles si elles sont souscrites par un Français, même dans un pays admettant la validité de telles clauses 2. Mais la Cour suprême a rejeté cette interprétation, en observant que la clause compromissoire souscrite à l'étranger par un Français fût-elle nulle, on n'en devrait pas moins valider les conventions dont nous parlons. Elles ne doivent pas plus être confondues avec des clauses compromissoires, que les juges étrangers avec des arbitres. L'extranéité d'un magistrat ne rend pas non avenues les qualités propres qu'il pos 1. A. Tissier, La prorogation volontaire de juridiction, Rec. pér. proc. civile, 1909, p. 5 et s.; Garsonnet, op. cit., II, § 403, p. 13 s. 2. Trib. comm. Marseille, 17 juin 1885, Clunet 1886, p. 188; et 16 déc. 1885, S. 89.1.200; Aix, 17 février 1886, Clunet 1888, p. 84; et 24 mai 1886, S. 89.1.200. sède et les garanties spéciales qu'il offre au plaideur, garanties et qualités dont les autorités françaises tiennent compte en beaucoup d'autres circonstances, quand elles leur adressent des commissions rogatoires par exemple '. 7) Par exception, la loi française admet la clause compromissoire dans les polices d'assurances maritimes (art. 332 C. comm.). Prenant cette exception au pied de la lettre, les tribunaux refusent absolument d'étendre cette exception, même aux assurances terrestres 2. Ce principe d'étroite interprétation ne devrait-il pas conduire à pareil refus vis-à-vis des polices d'assurances maritimes, souscrites à l'étranger par des Français et soumises à la loi étrangère, leur signataire français, connaissant d'ordinaire beaucoup moins cette loi que la sienne, se trouvant alors privé de la garantie qui résulterait pour lui d'une police régie par la loi française ? Ainsi l'avaient jugé successivement le tribunal de commerce de Marseille et la Cour d'Aix 3. Mais l'arrêt de celleci fut cassé. La loi française, en autorisant l'insertion de la clause compromissoire dans des polices dont les parties arrêtent les dispositions d'un commun accord, la permet implicitement et nécessairement lorsqu'elles empruntent les stipulations de leur police aux dispositions d'une loi étrangère1. II En dehors des hypothèses qui précèdent, la clause compromissoire, souscrite dans un pays dont la loi reconnaît sa validité, d'après l'opinion dominante est valable même pour les juges français. Mais sur quel motif précis baser cette solution, car sa portée variera d'après la base adoptée ? 1. Civ., 29 fév. 1888, S. 89.1.150, et 13 mars 1889, Clunet 1889, p. 618; Rennes, 14 janv. 1892, Clunet 1892, p. 431. La même solution se dégageait déjà plus ou moins explicitement d'une série d'arrêts antérieurs. Voy. notamment Chambéry, 1er déc. 1866, précité (motifs), et les nombreux arrêts cités en note dans Weiss, Tr. droit internat. privé, t. V, p. 219 s. 2. Req., 7 mars 1888, S., 88.1.296; D. P. 89.1.32. 3. Trib. comm. Marseille, 16 déc. 1885, et Aix, 24 mai 1886, S., 89.1.200 4. Civ., 13 mars 1889, Clunet 1889, p. 618; Paris, 21 mai 1884, Clune t 1884, p. 624. Pour les uns, c'est une application de la règle : locus regit actum. Cette explication cadre avec l'opinion de ceux des auteurs français qui voient dans l'art. 1006 C. pr. civ. une simple règle de forme, relative uniquement à la preuve écrite du contrat 2. Mais elle aurait l'inconvénient d'annuler la clause compromissoire souscrite en France entre Français et étrangers, et même exclusivement entre étrangers, conclusions que repousse aujourd'hui la jurisprudence 3. Outre cet inconvénient pratique, elle se heurte à une objection grave: il est très contestable que l'art. 1006 entende édicter seulement une condition de forme 1, et d'autre part on admet généralement que la règle locus regit actum ne s'applique pas aux conditions de fond des actes juridiques 5. Pour dispenser un contrat d'une condition de fond requise par la loi française, il faut qu'elle ne soit pas exigée par l'ordre public. On dit communément que la clause compromisaire n'est pas contraire à celui-ci, encore faut-il savoir si l'on parle de l'ordre public interne ou de l'ordre public international. Si l'on considère, avec d'éminents auteurs, la clause compromisoire comme permise uniquement par ce dernier, il arrivera que des tribunaux l'annuleront quand elle est souscrite entre Français et étrangers, pour ne la permettre qu'entre étrangers 7. Mais il est un moyen beaucoup plus simple de trancher la difficulté. Dès longtemps la jurisprudence française admet que la nullité de cette clause, dans notre législation, ne tient 1. Donai, 7 août 1902, précité; Lyon-Caen et Renault, ubi supra. 2. Boitard, Colmet-Daage et Glasson, Procédure civile, II, no 1184. 3. Trib. comm. Marseille, 6 août 1891, Clunet 1892, p. 647; Paris, 18 mars 1885, Clunet 1886, p. 580; Paris, 29 mars 1897, Clunet 1898, p. 784; Cass. Req., 17 juil. 1899, D. P., 04. 1. 225 et note M. Pic. Contra: Trib. Seine, 30 janv. 1892, Clunet 1892, p. 433. 4. Garsonnet et Cézar-Bru, op. cit., VIII, § 3036, p. 388 et s. 5. Weiss, op. cit., III, p. 97 s.; Pillet, Principes de droit intern. privé, no 255 s., p. 473 s. C'est pour ce motif que la jurisprudence a longtemps annulé la clause compromissoire souscrite par des Français mème à l'étranger: Trib. comm. Rochefort, 28 janv. 1859, D. P., 61, 1. 167, S., 61.1. 331. 6. Lyon-Caen et Renault, ubi supra; Cf. Pic, note précitée. 7. Trib, comm. Marseille, 6 août 1891, Clunet 1892, p. 647. pas à l'ordre public, même purement interne1 ; et notamment voilà près d'un demi-siècle, pour refuser d'annuler une telle clause, souscrite par un Français à l'étranger, la Cour de cassation déclarait la nullité couverte par un commencement d'exécution du contrat 2. En attribuant à cette clause pareil caractère cette décision était grosse de conséquences, et c'est par cette brêche, ouverte d'abord timidement dans cet arrêt, puis avec plus d'assurance dans les arrêts postérieurs, que pénétra dans la jurisprudence française la validité de la clause acceptée à l'étranger par un Français. Motivée de la sorte, cette solution devait conduire à reconnaître aussi la validité de la clause compromissoire insérée en France dans un contrat passé entre des étrangers, et soumis à une loi étrangère qui l'admet. La Cour de cassation accueillit cette solution avant d'avoir elle-même reconnue la validité de la clause acceptée à l'étranger par un Français 3. Récemment la Cour de Besançon complétait cette jurisprudence en admettant la validité de la clause compromissoire, dans un traité signé en France par un Français et un étranger, soumis à la loi étrangère 4. A un autre égard la jurisprudence s'est encore montrée large, admettant la clause compromissoire non seulement dans les contrats régis par une loi étrangère qui l'autorise expressément, comme en Angleterre ou en Italie3, mais aussi dans les contrats régis par une législation où elle n'est admise que par l'interprétation jurisprudentielle ". III L'effet de la clause ainsi validée sera de rendre en principe incompétentes, pour connaître des difficultés nées du contrat 1. Garson net et Cézar- Bru, op. cit., VIII, § 3035, p. 386, note 5. et 387 note 6. 2. Civ., 21 nov. 1860, précité. 3. Req., 17 juil. 1899 (aff. Ospina, Clunet 1899, p. 1024, rejetant le pourvoi contre Paris, 29 mars 1897, Clunet 1897, p. 784 (Av. pl. MM" Maurice Bernard et Clunet). 4. Besançon, 5 janv. 1910, précité. 5. Paris, 2 mars 1892; Alger, 27 déc. 1907; Besançon, 5 janv. 1910, précités (Angleterre); Chambéry, 1er déc. 1866, précité (Italie). 6. Belgique Douai, 7 août 1902; Colombie: Paris, 29 mars 1897; Espagne Paris, 9 mars 1887, précités, etc. qui les renferme, toutes juridictions officielles, aussi bien de France que du pays à la loi duquel est soumis le contrat. Par là devrait disparaître la vieille controverse, qui pourtant s'éternise, relativement aux effets de la clause compromissoire sur le droit, pour le contractant français, de poursuivre son cocontractant étranger, même ne résidant pas en France devant les tribunaux francais, conformément à l'art. 14 Code civ. Puisque la clause compromissoire est valable, elle entraîne à la fois renonciation à ce privilège et compétence exclusive des arbitres. Précisons l'étendue et le caractère de cette compétence : a) Si étendue et si exclusive qu'elle soit, elle a pourtant ses limites. D'abord, dérogeant au droit commun, elle doit être entendue restrictivement. Si donc la clause insérée au contrat déroge uniquement aux règles ordinaires de compétence, elle laissera subsister les exceptions légales à ces règles 2. Ainsi nonobstant la clause compromissoire inscrite dans une convention pour les difficultés qui en naîtraient, chacun des contractants conserve le droit d'appeler en garantie son cocontractant, conformément à l'art. 181 C. pr. civ., devant le tribunal où il serait lui-même cité par un tiers 3. Mais c'est la une question de fait à trancher d'après l'interprétation de la volonté des parties. Plus nette sera la seconde limitation qui s'impose aux pouvoirs des arbitres. C'est un principe général de procédure que le juge compétent sur le fond est seul compétent sur le provisoire. Or, il arrivera souvent dans l'exécution des contrats qui chevauchent sur deux pays différents, et surtout dans les matières commerciales où d'ordinaire tout est urgent, que l'organisation du tribunal arbitral sera trop lente et son siège trop éloigné pour permettre de recourir utilement à lui, en vue d'obtenir des mesures provisoires urgentes. Cependant les intérêts que menacent de tels retards ne devant pas demeurer en souffrance, on sera bien obligé de 1. Voy. l'exposé des trois opinions qui se sont fait jour à cet égard, avec les références, dans Weiss, op. cit., V, p. 220, note 1. 2. Cf. Civ., 22 déc. 1869, S., 70.1.202 (2 arrêts), et 4 juil. 1889, S., 92.1. 405. 3. Besançon, 5 janv. 1910, infra... |