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La faveur nouvelle que l'on créait était présentée comme le développement du principe posé par la loi du 26 mars 1891. On voulait ne pas laisser les condamnés antérieurs à cette loi dans une situation pire que celle faite aux délinquants nouveaux en leur refusant indéfiniment une réhabilitation dont ils auraient bénéficié si le sursis avait pu leur être accordé lors de la condamnation. « Nous effaçons la condamnation et les conséquences qui y étaient attachées. C'est toujours l'application de l'idée de la loi de sursis. » (Déclaration de M. le Garde des sceaux à la séance du Sénat du 8 déc. 1898. V. déclar. conforme de M. Bérenger.) Or les individus déférés à la justice étrangère, même dans des conditions qui auraient permis en France l'octroi du sursis, n'ont jamais pu prétendre au bénéfice de la réhabilitation prévue par cette loi. Comment dès lors la réhabilitation organisée par les dispositions nouvelles, simple complément à ce point de vue de la première, leur serait-elle applicable ?

D'une manière plus générale, quel était le but des partisans de l'insertion dans la loi des dispositions relatives à la réhabilitation ?

Ils reconnaissaient les inconvénients de la procédure ordinaire de la réhabilitation, à cause de la publicité nouvelle qu'elle donne à la condamnation. Ils voulaient en affranchir le condamné et lui offrir un autre moyen de réhabilitation, de plein droit, automatique, comme récompense de ses efforts persévérants en vue de sa régénération.

Mais naturellement il fallait augmenter le délai normal d'épreuve. La société perdait une garantie: à défaut d'enquête, elle n'avait plus une certitude de bonne conduite passée. Il fallait, en compensation, exiger, après libération, une plus longue période d'épreuve. De là le délai exigé de 10 à 20 ans, au lieu de 3 à 5.

Mais sauf sur les points auxquels il dérogeait formellement, le législateur envisageait toujours le maintien des règles du Code d'instr. criminelle. Or, on vient de le voir, jamais il n'a été admis, sous l'empire de cette législation, qu'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère pût être l'objet d'une réhabilitation en France.

Ce serait donc aller sinon contre un texte précis et formel, du moins contre la volonté des auteurs que de décider que la réhabilitation organisée par la loi du 5 avrtl 1899 s'étend aux condamnations étrangères 1.

Comme conséquence de notre système, les condamnations étrangères peuvent cesser de figurer au bulletin n° 3, mais elles ne sont jamais effacés par la réhabilitation de plein droit. C'est ce qui avait lieu sous l'empire des décisions administratives antérieures à la loi de 1899. Or, l'objet de cette loi a été précisément de donner un caractère légal qui lui avait manqué jusqu'alors à une institution qui n'était régie que par des circulaires, mais sans vouloir y apporter de dérogation de principe.

(A suivre.)

P. LEBOUCQ,

Docteur en droit, Sous-chef du

Bureau des affaires criminelles au ministère de la justice.

Du régime juridictionnel des Français et des Anglais au Siam.

Le 9 juillet 1909 a été ratifié à Londres un traité passé le 10 mars 1909 à Bangkok, entre les Gouvernements anglais et siamois. Ce traité règle deux séries de questions pendantes, les unes relatives à l'état politique de la péninsule malaise, les autres à l'exercice de la juridiction au Siam.

Le régime juridique auquel étaient soumis au Siam les sujets britanniques a été exposé aux lecteurs du Journal (Clunet 1908, p. 693 et 1037). Il peut se résumer ainsi : en matière civile comme en matière pénale, application de la règle actor sequitur forum rei. Le sujet britannique défendeur ou accusé était justiciable de la Cour consulaire anglaise. Le sujet britannique demandeur contre un sujet siamois devait s'adresser à la juridiction siamoise représentée par une Cour spéciale, la Cour des causes étrangères. Par exception, dans les provinces du Nord, toutes les affaires concernant des sujets britanniques étaient soumises à la juridiction des Cours internationales. Les Cours internationales sont des tribunaux siamois siégeant et jugeant en présence d'un délégué de consul qui peut faire toutes observations utiles dans l'intérêt de

1. En ce sens: Le Poitevin, Journ. des Parquets, 1901.1.106 ets. La jurisprudence qui a qualité, aux termes de l'art. 15 de cette loi, pour statuer en cas de contestation, ne paraît pas avoir été saisie de difficultés à cet égard

la justice, et qui a même le droit, quand son ressortissant est défendeur ou accusé, de dessaisir la Cour internationale et d'évoquer l'affaire devant son tribunal consulaire.

Les ressortissants français avaient été soumis à un régime analogue par le traité du 13 février 1904 (V. Clunet 1906, p. 1299). Mais par la convention du 23 mars 1907 (V. Clunet 1907, p. 1244), la France consentait, pour ses sujets et protégés asiatiques, à étendre au Siam tout entier le système des Cours internationales, et même à remettre à la juridiction siamoise ordinaire la connaissance de toutes les affaires intéressant les sujets et protégés asiatiques non inscrits à la date du traité. Elle renonçait ainsi à la juridiction consulaire sur la majeure partie de ses ressortissants. Les citoyens français seuls restaient sous le régime du traité de 1904.

Le Siam a cherché à obtenir de l'Angleterre une concession analogue. Le traité du 10 mars 1909 contient à cet effet les deux articles suivants :

Art. 5.

La juridiction des Cours internationales siamoises établies par l'art. 8 du traité du 3 septembre 1883 sera, sous les conditions définies au Protocole de juridiction ci-annexé, étendue à tous les sujets britanniques au Siam inscrits dans les consulats britanniques avant la date du présent traité.

Ce système prendra fin, et la juridiction des Cours internationales sera transférée aux tribunaux siamois ordinaires après la promulgation et la mise en vigueur des Codes siamois, c'estdire du Code pénal, des Codes civil et commercial, des Codes de procédure et de la Loi d'organisation judiciaire.

Tous les autres sujets britanniques au Siam seront soumis à la juridiction des Cours siamoises ordinaires, sous les conditions définies au Protocole de juridiction.

Art. 6.

Les sujets britanniques jouiront dans toute l'étendue du Siam des droits et prérogatives dont Lénéficient les nationaux du pays, notamment des droits de propriété, de résidence et de circulation.

Leurs personnes et leurs biens seront soumis à tous les impôts et prestations, mais ces impôts et prestations ne seront niautres ni plus élevés que ceux qui sont ou seront imposés par la loi aux sujets siamois. Il est entendu en particulier que la disposition de la Convention du 20 septembre 1900, d'après laquelle la taxe foncière ne doit pas excéder le taux imposé en basse Birmanie aux terres de même qualité, est abrogée.

Les sujets britanniques au Siam seront exempts de tout service militaire dans l'armée ou dans la marine, ainsi que de tous emprunts forcés et de toutes taxes ou réquisitions militaires.

Le texte du Protocole de juridiction anglais est identique à celui du Protocole français de 1907 (V. Clunet 1907, p. 1248), sauf la clause suivante :

Art. 4. Dans tous les cas où, soit devant les Cours internationales, soit devant les Cours siamoises, un sujet britannique est défendeur ou accusé, un conseiller légal européen devra siéger dans le tribunal de première instance.

Dans le cas où l'une des parties en cause aurait, par droit de naissance ou par naturalisation, la qualité de sujet britannique d'origine non asiatique, un conseiller européen siègera comme uge dans le tribunal de première instance, et si ledit sujet briannique est défendeur ou accusé, l'opinion de ce conseiller prévaudra.

Dans tous les cas qui se produiront dans les provinces, le sujet britannique défendeur ou accusé pourra demander un transfert de compétence, et si la Cour considère que ce transfert est désirable, l'affaire sera jugée soit à Bangkok, soit par le juge devant qui l'affaire serait venue à Bangkok. Avis de la demande de transfert devra être donné au Consul britannique.

Le système que consacrent ces textes diffère du système adopté par la France sur les points suivants :

1o La concession faite par la France en 1907 ne visait que les sujets et protégés asiatiques français. L'Angleterre abandonne au contraire sa juridiction sur tous ses ressortissants, même européens.

2o La France s'était contentée, en première instance, de la garantie de la présence du consul ou de son délégué. L'Angleterre, lorsque son ressortissant est défendeur ou accusé, fait assister la Cour siamoise d'un conseiller légal européen. Conseiller est pris ici dans son sens étymologique; le conseiller <<< conseille >> la Cour siamoise, mais la Cour siamoise n'est pas tenue de suivre son avis.

3o Quand un sujet britannique européen est en cause (c'est le cas que vise la formule assez confuse du deuxième alinéa de la clause 4 du Protocole), le conseiller européen siège comme juge, et si l'Européen est défendeur ou accusé, l'opinion du conseiller européen prévaut.

4o Le sujet britannique défendeur ou accusé devant une Cour internationale de province peut demander un transfert de compétence. Si sa requête est agréée, l'affaire sera soit transférée à Bangkok, soit jugée sur place par le conseiller européen devant qui elle serait venue à Bangkok, lequel conseiller se transportera en province pour l'entendre.

5o Les restrictions énumérées aux nos 2, 3 et 4 s'appliquent non seulement aux Cours internationales mais aux Cours siamoises ordinaires, c'est-à-dire aux tribunaux devant lesquels viennent les affaires des sujets britanniques inscrits après le traité, et aux tribunaux auxquels passera la juridiction des Cours internationales lorsque ces Cours seront supprimées, après la mise en vigueur des Codes siamois. Autrement dit, à la différence de la France, l'Angleterre ne consent dès maintenant à accorder ni à promettre aucune remise de juridiction sans garanties spéciales aux Cours siamoises. Elle admet bien qu'après la promulgation des Codes le droit d'évocation et le droit de présence du consul cesseront d'exister, mais elle maintient le privilège de la présence du conseiller européen et de sa voix prépondérante en faveur de l'Européen défendeur ou accusé. Néanmoins, par lettres échangées le jour même de la signature du traité, elle s'est engagée à examiner la possibilité de modifier ou de supprimer cette garantie « lorsqu'elle ne sera plus nécessaire ».

G. PADOUX,

consul général de France,

Conseiller législatif du Gouvernement siamois à Bangkok.

ANALYSES ET EXTRAITS

LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL AU POINT DE VUE DU DROIT INTERNE ET DU DROIT INTERNATIONAL.

SOURCE:

Prof. Dr F. MEILI, Die drahtlose Telegraphie im internen Recht und Völkerrecht, Zurich, Orell Füssli, 1908. BIBLIOGRAPHIE. - Rolland, La télégraphie sans fil et le droit des gens, Revue de Fauchille, 1906, p. 38. Lieutenant Boidin, ibid., p. 261 et les sources. - Kebedgy, Rev. de dr. int. et de lég. comp., 1904, p. 445.

Cf. Clunet, Tables générales, IV, vo Télégraphie sans fil, p. 851; v° *Vie internationale, p. 1053, no 2.

L'électricité, dont les propriétés restent pleines de secrets, a conquis, par la télégraphie sans fil, un nouveau domaine. L'invention, rendue possible par les travaux de l'Allemand Hertz, dont les ondes hertziennes ont emprunté le nom, et réalisée un peu plus tard par l'Italien Marconi, est devenue

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