Page images
PDF
EPUB

Telle est cette combinaison financière et commerciale, et tels en sont les résultats pour ceux qui l'ont inventée; nous ne parlerons pas de ceux qui y ont engagé leur argent sous forme de paris.

Sont-ce bien là de véritables courses de chevaux ? Sont-ce là les jeux d'adresse auxquels la législation a assuré une faveur spéciale? (Art. 1966 du Code civil.)

Ne sont-ce pas plutôt de simples chevauchées, au profit du pari mutuel, pour la cavalerie de la société anonyme ? La différence entre cette organisation et de sérieuses courses de chevaux n'est-elle pas manifeste?

Que dirait-on d'un directeur de cirque, organisant des courses dans son manège, entre ses écuyers, en invitant le public à engager des paris à son profit?

L'indifférence du ou des organisateurs à l'égard de l'issue de semblable joute tant qu'ils restent eux-mêmes étrangers aux paris suffit-elle à donner aux parieurs les garanties qu'offrent des courses régulières ?

Ne se trouve-t-on pas en présence d'une combinaison où l'aléa qu'offrent toujours les courses, s'accroît de telle façon que le hasard seul y préside et que les connaissances sportives du parieur ne trouvent aucun appui : absence de compétition véritable, suppression de la cote, manque de renseignements quant aux chevaux et leurs montes, etc.?

N'est-ce pas plutôt la figuration << animée » du jeu des petits chevaux, que la tolérance des parquets français et de l'administration admet et autorise dans les villes d'eaux de la République?

Cela ne nous rappelle-t-il pas la fantaisie de ce lord anglais, jouant aux échecs avec des pièces vivantes? Ces sociétés soidisant sportives n'organisent-elles pas, en fait, un jeu vivant des petits chevaux, lorsqu'elles font courir leur écurie montée par des jockeys à leur solde, au profit de leur pari mutuel ?

NOTE. Actuellement, en France, dans les cercles de jeux des stations balnéaires ou thermales, les antiques « petits chevaux >> ont été mis au rancart. Notre siècle d'automobilisme ne pouvait plus supporter un renouvellement aussi lent des parties. L'appareil qui a remplacé les «< petits chevaux » est une véritable roulette à neuf numéros, au lieu de 36 comme à Monaco. Une boule est lan

cée par le chef de partie daus une vaste cuvette, dont le centre est occupé par une couronne fixe à 9 crans; la balle, après un certain nombre de tours, tombe et s'arrête dans l'un d'eux. En souvenir de l'origine hippique de ce jeu, des chevaux montés par des jockeys sont peints sur des plaques de faïence dans le marli de la

cuvette.

DU REFOULEMENT DES ÉMIGRANTS ET DES DOMMAGES-INTÉ RÊTS QU'ILS PEUVENT RÉCLAMER AU TRANnsporteur. SOURCE: RAFFAELE DE MARINO, La reiezione degli emigranti e i danni, Rivista napoletana di diritto marittimo, Naples, décembre 1909, p. 1 (Direct. Raffaele de Marino, avocat).

Il arrive fréquemment qu'un émigrant refoulé en raison de sa santé, de sa moralité ou de ses capacités intellectuelles, par les autorités du pays où il désire s'établir, demande à son transporteur réparation du dommage que lui fait subir un voyage accompli inutilement.

L'émigrant invoque dans ce cas, à l'appui de son action, une contravention du transporteur à l'art. 24 de la loi italienne ainsi conçu : « Le transporteur est responsable du dommage subi par l'émigrant refoulé par le pays de destinanation, en conséquence des lois locales, quand il est établi que le transporteur avait, avant l'embarquement, connaissance des circonstances qui ont amené le refoulement. »

Cet article ne vise évidemment que le cas de mauvaise foi du transporteur, c'est-à-dire celui dans lequel sachant pertinemment que l'émigrant ne remplit pas les conditions requises, il l'a laissé cependant s'embarquer.

par

Il faut donc pour que le transporteur puisse être déclaré responsable, qu'il soit prouvé qu'il avait connaissance non des lois du pays de destination, mais bien des circonstances déterminées ou des faits spéciaux relatifs à l'émigrant, considérés dans leur rapport avec la prohibition établie la loi étrangère; et il ne saurait être question d'obliger le transporteur à rechercher, connaître et apprécier telle ou telle tare de l'émigrant, car dans certains cas la chose serait impossible, lorsque par exemple des conditions spéciales de santé, de moralité, de culture intellectuelle sont exigées.

La modification, du reste, que le Parlement italien a fait subir au projet de loi sur l'émigration, en ce qui concerne l'art. 24, vient à l'appui de notre thèse.

Le projet portait : « ...Quand il sera établi que le transporteur avait connaissance des lois ayant déterminé le refoulement...», alors que le texte adopté porte « ...avait connaissance des circonstances... »

Ce n'est donc pas la connaissance des lois étrangères qui peut servir de fondement à l'obligation du transporteur, mais bien la connaissance de faits relatifs à l'émigrant, incompatibles avec la loi elle-même.

Trad, et analyse de

Joanny COTE,

Rédacteur à l'Office de législation étrangère el de droit international (Ministère de la Justice).

QUESTIONS ET SOLUTIONS PRATIQUES

Divorce. Compétence.

[blocks in formation]

conjugal. - Domicile de fait à l'étranger. — Questions de procédure : Domicile réel, domicile élu. Signification et délais de distance. QUESTION 184. I. La femme française abandonnée par son mari qui est allé s'établir à l'étranger, peut-elle intente r contre lui une action en divorce devant les tribunaux français ? II. Où devra-t-elle signifier la procédure, et dans quelles conditions le défendeur résidant à l'étranger pourra-t-il invoquer le bénéfice des délais de distance accordés par l'art. 73 du Code de procédure civile?

III. Si, au cours de la procédure, le défendeur a élu domicile en France, les significations pourront-elles être valablement faites à ce domicile, et dans ce cas les délais de distance seront-ils calculés d'après le domicile réel ou d'après le domicile élu ?

Les circonstances de l'espèce sont de celles qui ne se reproduisent que trop souvent. Un Français oublieux de ses devoirs a quitté sa famille et sa patrie pour s'établir à l'étranger, peut-être sans esprit de retour. Son épouse voit dans cet abandon l'injure grave qui lui permettra d'obtenir un jugement de divorce et se décide à le demander aux tribu

naux. C'est incontestablement son droit (Cass. req., 6 février 1860, D., 60.1.122; Cass. req., 3 janvier 1893, D., 93.1.517; Paris, 9 février 1875, Dalloz, J. G. S., vo Divorce, n° 73). Malheureusement, si la justice est d'un accès facile, les moyens de l'atteindre ne le sont guère. La demanderesse en fera la pénible expérience, car avant d'apercevoir les horizons de sa liberté reconquise, elle devra se frayer un chemin à travers les ronces de la procédure..., et non sans difficultés.

I

Une première question se pose à quel tribunal devrat-elle présenter sa requête ?

Le Code civil qui règle la procédure en matière de divorce ne parle pas de la compétence. Force est de revenir aux principes généraux du droit commun et d'admettre, par application de l'art. 59 du Code proc. civ., que le tribunal compétent sera celui du domicile de l'époux défendeur (Planiol, Droit civil, III, p. 175, no 544). Pratiquement, la femme n'ayant pendant la durée du mariage d'autre domicile que celui de son mari, ce sera le tribunal de ce domicile qui connaîtra de la demande (Coulon, Divorce, t. IV, p. 94; Carpentier, Divorce, t. I, p. 93; Aubry et Rau, t. V, p. 190, no 343; Baudry-Lacantinerie, Précis du droit civil, t. I, nos 38 et 39; Proudhon, De l'état des personnes, t. I, p. 535; Carré et Chauveau, Lois de la procédure, question 2965, et aussi Cass. civ., 27 juillet 1825, P. Chr.). C'est en somme ce que prescrivait l'ancien art. 234, c'est ce que jugent aujourd'hui tous les tribunaux (Coulon, loc. cit.), même dans le cas exceptionnel où la femme possède une résidence distincte de celle de son mari (Dalloz, J. G. S., vo Divorce, n° 132).

L'application de ce principe à l'espèce aurait des conséquences inacceptables.

On est en présence d'une rupture arbitraire du lien conjugal par la volonté seule ou le caprice de l'un des deux époux. En bonne logique, il est difficile de soutenir que l'établissement de ce domicile irrégulier dont l'irrégularité même doit servir de base à l'action en divorce, puisse être générateur de compétence. Il ne peut pas dépendre de l'époux défendeur en divorce d'arrêter, retarder ou modifier l'instruction de la cause en commettant un délit (Bruxelles, 19 novembre 1887,

J. des Trib., 1888, p. 493). Ce serait régulariser la contravention conjugale, valider en quelque sorte cette manœuvré dolosive que de lui reconnaître le pouvoir de déterminer la juridiction chargée de la sanctionner. Il y aurait là quelque chose d'inexplicable et de blessant tant au point de vue du droit que du simple bon sens.

Dans bien des cas, il en résulterait un véritable déni de justice. Non seulement l'épouse abandonnée serait privée de ses juges naturels, mais encore si la modicité de ses ressources ne lui permettait pas de supporter les frais du procès, elle devrait renoncer à se faire rendre justice, faute de pouvoir obtenir l'assistance judiciaire. En effet, dans quelle situation se trouverait-elle, si son mari avait fui aux EtatsUnis, dans l'Argentine, au Chili, au Japon..... ? D'autre part, s'il plaisait à son conjoint de se réfugier dans un pays n'admettant pas le divorce (Espagne, Amérique du Sud... etc.), elle risquerait d'être contrainte à demeurer perpétuellement dans une situation irrégulière et sans issue (Trib. Seine, 28 janvier 1891, Clunet 1891, p. 227).

Il est donc préférable d'assimiler l'épouse abandonnée dont le mari est domicilié à l'étranger à celle dont le mari n'a pas de domicile connu. En fait, les deux situations sont identiques. En droit, la loi française n'a pas à connaître le domicile que les nationaux peuvent avoir à l'étranger, lorsqu'il est entaché d'irrégularité. Bien que l'art. 214 du Code civ. fasse un devoir à la femme d'habiter avec son mari en quelque lieu qu'il se trouve, il semble conforme à l'esprit des textes que seule la considération d'un domicile commun au sens étroit du mot peut expliquer la règle de compétence tirée de la combinaison des art. 108 du Code civil et 59 du Code de procédure (Carpentier, op. cit., p. 54). C'est donc devant le tribunal du dernier domicile des époux que sera portée la demande (Lyon, 26 nov. 1885, Dalloz, J. G. S., eod. v°, p. 135; Seine, 12 juillet 1886, J. G. S., eod. loc.; et a contrario, Montpellier, 27 janvier 1902, Clunet 1902, p. 551). Si la rupture est ancienne ou définitive, ou si le mari n'a plus aucun intérêt qui le rattache à son ancien domicile, il sera loisible à la femme de saisir le tribunal de sa propre résidence, encore qu'elle en ait changé depuis l'abandon (Lyon, 26 nov. 1885, précité; Nancy, 4 juillet 1888, Recueil des arrêts de Nancy, 1889, p. 66; Chambéry, 24 déc. 1890,

« PreviousContinue »