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» seulement la table, mais la cheminée, les meubles, » les consoles se couvriront des groupes, des vases, des girandoles de nouvelle invention... ; avec ses pein»tures délicates, ses couleurs douces et variées, la porcelaine de Sèvres s'harmonisait merveilleusement avec les placages de bois de rose et les ciselures. » rivales du bijou, avec les bronzes dorés au mat et les orfèvreries fines prétendant au style antique.

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Lisez la description des appartements du XVIIIe siècle; voyez les inventaires, les gravures représentant des scènes d'intérieur, qu'il nous a légués; les tableaux des peintres de cette époque : dans chaque chambre, vous trouverez des porcelaines.

Dans un boudoir, des cabinets de Chine sont chargés des porcelaines les plus rares; dans un cabinet de jeu, on voit des porcelaines de Saxe et du Japon que supportent des culs de lampe dorés; des candélabres en bronze, des arbres ornés de fleurs en porcelaine, des lustres et des girandoles en porcelaine de Sèvres.

Dans une chambre à coucher, des porcelaines fines sont rangées sur des consoles; les meubles supportent toute une armée de potiches, de statuettes et de groupes en biscuit. (1)

On fabriquait des meubles ornés de porcelaine. M. le baron Davillier en cite une foule d'exemples, (2) parmi lesquels nous choisissons les plus fameux :

Un secrétaire ouvrant sur le devant et orné de deux panneaux de porcelaine.

(1) Paul Lacroix, XVIIIe siècle.

(2) Les porcelaines de Sèvres de madame du Barry.

Un chiffonnier à quatre tiroirs, le dessus et le devant enrichis de quinze petits panneaux de porcelaine.

Une table de tric-trac en bois de palissandre sur quatre gaînes, ornée de vingt-six panneaux de porcelaine. Une table ronde à trépied, le dessus de porcelaine. Belle commode, richement garnie de bronzes dorés au mat, ornée de cinq plaques de porcelaine.

Le carrosse à panneaux de porcelaine de la comtesse de Valentinois, est célèbre.

On a fait à Tournay, des meubles ornés de plaques de porcelaine; mais le nombre a dû en être très restreint. (1)

porcelaines.

Nos cabinets d'amateurs rappellent assez les ancien- Haut prix des nes salles à porcelaines. Mais que ne coûtent-elles pas à leurs propriétaires! (2) Les porcelaines de la collection Double, vendues à Paris au mois de mai 1881, ont atteint des prix fabuleux, et Dieu sait s'ils n'augmenteront pas encore, à raison du nombre toujours croissant des amateurs, et des prodiges d'imitation obtenus par les modernes contrefacteurs.

Parmi les porcelaines de Sèvres, les vases dits de Fontenoy, ont été vendus cent soixante-dix mille francs, (et encore l'un d'eux n'était pas intact, à ce qu'il paraît); des vases plus ordinaires, cinq et neuf mille francs; des tasses, mille à deux mille francs; un service de table, quatre-vingt quinze mille francs; des assiettes, deux

(1) Voir le catalogue au chapitre V.

(2) Les anciennes porcelaines valent aujourd'hui dix fois et cent fois ce qu'elles coûtaient au siècle passé. Voir les porcelaines de madame du Barry, par le baron Davillier.

Protection accordée aux

et six mille francs; des groupes de Saxe, trois à neuf mille francs.

Les faïences de Palissy et d'Oiron valent, quand elles sont authentiques, ce qui est rare, de deux à cinq mille francs; à la vente Hamilton à Londres, en juillet 1882, les produits céramiques ont été adjugés à des prix exorbitants.

Et pour parler de la porcelaine de Tournay, un amateur n'a-t-il pas acheté, d'après les on dit, soixante mille francs, un service de table... œuvre habile d'un faussaire.

Les porcelaines trouvèrent encore d'autres protecteurs que les rois. Les villes aidaient de leur crédit, de porcelaines. leurs finances, les fabricants qui s'établissaient dans

fabriques de

Importance de la fabrique de Tournay.

leurs murs.

Lorsque Peterinck vint se fixer à Tournay, il obtint d'emblée une pension, plus tard des prêts d'argent, des exemptions d'impôt de tout genre, des gratifications sans cesse renouvelées. Les magistrats vantent sans cesse cette grande, cette illustre fabrique, qui apportait à la cité honneur et profit. L'attention publique suit ses progrès, et ne ménage pas les louanges et les encouragements.

Et certes, si la céramique mérite d'être étudiée et de voir ses produits occuper les places d'honneur dans les collections, nulle fabrique de porcelaines n'est plus digne de fixer l'attention, que celle qui fut fondée dans nos murs en l'an 1750.

C'est la première en date et longtemps l'unique des

anciens Pays-Bas et de la Belgique actuelle (qui n'en compta que deux, Tournay et Bruxelles.)

Ce fut la fabrique de poteries la plus considérable de toute la région, car lorsque Tournay employait quatre cents ouvriers, Valenciennes n'en comptait pas quarante, Bruxelles (les deux usines), soixante-dix; Bruges, trente-six à soixante; Andenne, cent vingttrois; et Lille, moins encore.

Enfin elle fut très supérieure à ses rivales par la perfection et le caractère artistique de ses produits. Ajoutons que son histoire est intimement liée à l'histoire locale et présente, comme elle, le plus vif intérêt.

Sources de

Les sources où nous avons puisé les éléments de cette étude sont peu nombreuses. Les papiers privés de la cette étude. manufacture ont disparu, ou se trouvent entre les mains de personnes qui ne désirent point les faire connaître; par contre, nous avons trouvé une riche moisson de documents dans les procès-verbaux des séances de nos magistrats communaux, et dans les papiers du Conseil des finances des Pays-Bas.

Les nombreuses demandes de subsides adressées par Peterinck au gouvernement et à la ville, les démêlés qu'il eut avec ses associés et ses ouvriers, le mirent souvent dans le cas d'exposer la situation de sa fabrique. et d'y joindre certains documents qui nous aideront grandement à faire l'histoire externe de la manufacture, et même à y ajouter certains détails d'organisation intérieure des plus intéressants.

La partie technique nous a coûté beaucoup plus de peine.

Les traditions locales ont été presque notre seul guide, et il était grand temps de les recueillir, car ils se font rares ceux qui ont été contemporains des dernières années de l'ancienne fabrique. Ces traditions sont souvent obscures, toujours incomplètes, parfois elles semblent contradictoires.

Faut-il ajouter que là surtout où on croirait les retrouver vivaces, chez les successeurs de notre grand porcelainier, elles sont totalement oubliées.

Nous ne nous en étonnerons pas trop cependant. L'industriel n'est point un historien. Il ne voit que le présent et ne porte son attention que sur les moyens actuels d'augmenter et d'améliorer sa fabrication.

En fait d'inventaires, il n'a souci que du dernier et ne garde de papiers que ceux qui lui rappellent ses correspondants et ses débiteurs. Le passé lui importe peu, il ne s'en souvient que par les bénéfices qu'il lui a rapportés.

Et qui pourrait l'en blâmer?

Nos fabricants sont dans le cas de ceux des autres villes; à Delft, rapporte M. Demmin, la seule fabrique qui existait encore, lorsqu'on commença les recherches sur les anciennes faïences, ne connaissait rien de l'histoire de cette industrie.

Tels étaient encore les habitants de Saint-Amand, quand M. Lejael entreprit l'étude des produits de leur manufacture de faïences.

Les difficultés nombreuses que présentait notre étude nous ont forcé de la restreindre à une scule des branches de la fabrication de Peterinck: la porcelaine.

La fabrique de Tournay produisit encore de la

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