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CHAPITRE IV

FABRICATION, PATE, FORMES, DÉCORS, MARQUES,

PRODUITS.

Es procédés de fabrication ont, de tout temps, été gardés par les porcelainiers, avec un soin jaloux. On connaît l'histoire de ce roi de Saxe, Auguste Ier, faisant détenir dans une forteresse et garder à vue, le chimiste Botger, inventeur de la nouvelle porcelaine, pour l'empêcher de divulguer son

secret.

Peterinck et ses associés ne furent pas moins discrets. Ils s'engageaient par serment à ne pas faire connaître les secrets de fabrication, et ceux-ci étaient enfermés dans un coffre, déposés aux archives de la ville, à la Tour des Six, sous la garde du magistrat. (1)

L'usine, ou plutôt les usines de porcelaines, sont demeurées, depuis leur création, dans les mains des

(1) Contrat de Société du 22 juin 1762, art. 15.

descendants du fondateur ou de ceux qui ont traité directement avec eux ; et ni les uns ni les autres ne sont disposés à révéler au public les procédés d'une fabrication qu'ils continuent encore.

Nous ne pourrons donc les donner. (1)

Au surplus, notre travail s'adresse plutôt aux amateurs d'objets d'art et aux collectionneurs, qu'aux

(1) A ceux qui demandent leurs secrets de fabrication, nos industriels pourraient opposer cette réponse, que faisait Bernard Palissy, aux indiscrets de son temps:

. Cuides-tu (espères-tu) qu'un homme de bon jugement veuille ainsi > donner les secrets d'un art, qui aura beaucoup cousté à celuy qui

» l'aura inventé? Quant à moi, je ne suis délibéré de ce faire que je ne scache bien souz quel titre. »

"

L'étranger:

Il n'y a doncques en toi nulle charité. Si tu veux ainsi tenir ton » secret caché, tu le porteras en la fosse et nul ne s'en ressentira; ainsi » ta mémoire sera maudite; car il est escrit qu'un chacun, selon qu'il a » reçeu les dons de Dieu, qu'il en distribue aux autres; par ainsi je puis conclure que si tu ne me montres ce que tu sçais de l'art susdit, que » tu abuses des dons de Dieu.

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A quoi l'artisan répond :

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« Il n'est pas de mon art ni des secrets d'ycelui, comme de plusieurs

» autres. Je sçay bien qu'un bon remède contre une peste, ou autre

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maladie pernicieuse, ne doit estre celé. Les secrets de l'agriculture ne > doivent être celés. Les hazards et dangers des navigations ne doivent estre celés. La parole de Dieu ne doit estre celée. Les sciences qui » servent communément à toute la république, ne doivent estre celées. » Mais de mon art de terre et de plusieurs autres arts, il n'en est pas ainsi. Il y a plusieurs gentilles inventions, lesquelles sont contaminées » et méprisées pour estre trop communes aux hommes. Aussi plusieurs > choses sont exaltées dans les maisons des princes et seigneurs, que si

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elles estoyent communes, l'on en feroit moins d'estime que de vieux chaudrons......

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L'Art de Terre, par Bernard Palissy. - Réimpression de 1863.

industriels; et nous croyons qu'ils attacheraient moins d'intérêt à la connaissance des éléments qui entrent dans la composition des couleurs, par exemple, et à leur combinaison chimique, qu'aux caractères en quelque sorte extérieurs qui distinguent notre porcelaine, (et que nous avons essayé de réunir aussi nombreux que possible), et aux détails historiques que nous avons relevés un peu partout.

Nous renvoyons au surplus les spécialistes aux ouvrages de Bastenaire et de Brongniart, connus de tous.

Les plus anciennes porcelaines viennent de la Chine; on croit pouvoir les faire remonter jusqu'au II° siècle avant Jésus-Christ.

Aussitôt leur apparition en Europe, au XVe siècle, elles furent l'objet de cent contrefaçons de la part des alchimistes, qui leur attribuaient les propriétés les plus merveilleuses et les plus singulières.

Dès 1470, on en fabriquait à Venise, au dire de M. Henry Darcel. (1)

En 1518, un potier du nom de Péringer, semble avoir installé une usine (2) dans la même ville, et vers la seconde moitié du XVIe siècle, le grand duc François de Médicis, établit à Florence, dans son propre palais, un atelier dont les produits (fort rares) d'une authenticité incontestable, ont été décrits et classés par M. le baron Davillier. (3)

(1) L'art ancien à l'Exposition de 1878, page 475. Voir aussi : Les origines de la porcelaine en Europe, par M. le baron Davillier, page 27.

(2) Voir l'ouvrage cité de M. Davillier, page 25.

(3) Ibid.

Ancienneté de

la porcelaine.

Pâte dure et pâte tendre.

Tournay fabrique de la pâte tendre.

Mais l'imitation était tout extérieure, la composition de la pâte étant fort différente de celle de Chine; ce fut en 1709 seulement, qu'un Allemand nommé Botger, découvrit le secret de la porcelaine d'Orient, ou véritable porcelaine; ses produits furent livrés au commerce quelques années plus tard.

On distingua dès lors la porcelaine dite pâte dure, composée des mêmes éléments que celle de Chine, et la porcelaine dite pâte tendre, ou européenne, composée d'éléments naturels ou artificiels combinés d'après des formules diverses, variant d'usine à usine.

Dès que la porcelaine dure fut connue, le nombre des usines où on la fabriquait s'accrut rapidement, tandis que celui des manufactures de porcelaines tendres, alla diminuant de jour en jour, jusqu'au moment où ce genre de fabrication disparut presque complètement.

La manufacture de Tournay, fondée en 1750, n'a produit que de la pâte tendre; elle a continué cette fabrication sans interruption, depuis sa fondation, c'est-à-dire depuis plus de cent cinquante ans, et elle s'y adonne encore aujourd'hui.

On ne connaît guère de spécimens en pâte dure; s'il y en a, ils appartiennent à la dernière période de notre histoire.

Les porcelaines pâte tendre furent fabriquées à Venise, (fin du XVe siècle); à Ferrare, à Florence, (fin du XVIe siècle); à Paris, par Claude Révérend,

(1664); Saint-Séver, Rouen, (1673); Saint-Cloud, par Chicaneau, (1696); Lille, (1711); Chantilly, (1725); Mennecy, (1735); Vincennes, (1745) puis Sèvres, (1756); Arras, (1782); Chelsea, Derby, Worcester en Angleterre, Doccia, (1735) etc., en Italie......

Les pâte dure à Meissen, (1709); Strasbourg, (1721); Orléans, (1764); Sèvres, (depuis 1767); Lille, (1784); Valenciennes, (1785); Vienne, (1718); Berlin, (1750); Bruxelles, (1790); Moscou, (1756)? etc., etc.

On désigne sous le nom de porcelaine à pâte dure Pâte dure. ou porcelaine réelle, celle qui, à l'imitation de la céramique chinoise, est faite d'argile nommée kaolin, qui est infusible, et de feldspath (petun-zé) qui est un sable fusible.

Ces substances grossières et sans valeur se combinent par l'action du feu, et produisent cette vaisselle délicate, qui doit à la première sa forme, et à la seconde sa transparence.

La porcelaine pâte tendre, connue en Europe long- Pâte tendre. temps avant la pâte dure, comme on vient de le voir, et que l'on continua à fabriquer concurremment avec elle dans les pays où on ne trouvait pas le kaolin, n'est pas, comme celle-ci composée d'après une formule unique. Chaque usine combinait différemment les éléments dont elle formait sa pâte; c'était généralement de la marne ou de la craie, mêlée à une fritte vitreuse ou poudre blanche, obtenue au moyen d'alcalis, tels que la soude ou la potasse, et de sable siliceux, préalablement cuits au four et broyés.

MÉMOIRES, XVIII.

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