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La pièce est ensuite portée au four. Pour éviter qu'elle se déforme à la cuisson, on la soutient de tous côtés par des étais, qui forment autour d'elle un véritable échafaudage.

Elle est soumise au grand feu, et si aucun accident ne survient pendant la cuisson, elle donne un produit d'une finesse remarquable; mais bien peu, hélas! traversent toutes ces opérations sans avaries. Le déchet est énorme.

La manufacture de Tournay a produit tous les genres d'objets susceptibles d'être confectionnés en porcelaine; on peut les classer en trois catégories : à la première appartiennent les œuvres d'art, statuettes et groupes ; à la seconde les objets de petit mobilier; (1) la troisième comprend la vaisselle de table ou platerie.

Ier groupe objets d'art en biscuit, porcelaine blanche ou décorée; (2) tels que groupes et statuettes, qu'on appelait aussi bijouterie; plaques à sujet en bas-relief, crucifix et statues de dévotion; statuettes et bustes d'hommes illustres; animaux, comme chevaux ou chiens. Plusieurs groupes réunis formaient ce qu'on appelait des garnitures de cheminée, garnitures de dessert. (3)

II groupe : objets de petit mobilier, urnes à l'anti

(1) On a vu, au chapitre I, quelle place tenait la porcelaine, dans le mobilier du XVIIIe siècle.

(2) Etrennes tournaisiennes de 1769.

(3) Arch. de Tournay. Consaux. 14 décembre 1756.

MÉMOIRES, XVIII.

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Objets

fabriqués.

Formes.

que et vases de tout genre, parfois garnis de fleurs; (1) lustres, (2) encriers, boites, tabatières, médaillons, boutons, chapelets, têtes de pipes, jeux divers, plaques décorées, portraits, etc., etc.

III groupe vaisselle ou platerie: services de table, à thé, à café et à chocolat; beurriers, jattes à bouillon, corbeilles à fruits, salières, moutardiers, crémiers, manches de couteaux et cuillers à sucre, etc.

Quant aux formes, les statues et les groupes, véritables objets d'art, se classent chronologiquement d'après les caractères propres à toutes les œuvres d'art du XVIIIe siècle.

Les premiers auront les formes allemandes; mais le style français dominera vite, et plus tôt encore, dans la sculpture et le modelage que dans la peinture, par suite de l'influence prédominante de Gillis.

Les sujets gracieux et les rocailles du style Louis XV, les formes plus correctes et plus élégantes du règne suivant; les attitudes froides et sévères, mais fines encore, du commencement de la République; les poses guindées, raides et souvent fausses de l'Empire, se succèdent à des intervalles à peu près réguliers. Nous les décrirons en détail dans le catalogue qui forme notre chapitre V.

Parmi les sculpteurs de talent qui travaillèrent pour Peterinck, on doit citer, par ordre de date:

Antoine Gillis, (1756) Jean Gillis, son fils, Nicolas

(1) Arch. de Tournay. Consaux. 22 juin 1751.
(2) Ibid. 23 février 1751.

Lecreux, Decallonne, P.-J. Barbieux, J. Willems, Lefebvre, etc., dont l'existence nous est révélée par des actes authentiques, reposant aux archives de Tournay. Il en est d'autres encore, dont les noms ne sont pas connus et que des recherches postérieures permettront peut-être de retrouver.

Etablir l'œuvre de chacun d'eux sera chose difficile : on n'a eu jusqu'ici pour guide que la comparaison entre leurs travaux connus et ceux que chaque jour on trouve dans les collections; mais la découverte des anciens moules de la manufacture est venue jeter une grande lumière sur cette question.

Longtemps ils ont été oubliés dans les greniers, où ils gisaient dans le plus grand désordre.

Ils en ont été retirés il y a peu de temps, et on commence à en faire le classement. Mais que de peines et de temps il coûtera! Un groupe, même petit, se décompose en une dizaine de moules distincts, qu'il s'agit de réunir et de coordonner. (1) Tous sont aujourd'hui pêle-mêle; des années s'écouleront avant qu'on puisse rendre à chaque corps ses bras et ses jambes, à chaque groupe ses différents personnages, ses arbres, sa terrasse, ses accessoires. (2)

(1) Lejeal cite des groupes de la fabrique de Valenciennes, composés de trente et de cinquante pièces.

(2) Quantité de ces figures sont encore attribuées par les collectionneurs français à la fabrique de Sèvres, et cette erreur s'explique facilement; la pâte est la même dans les deux fabriques, et celle de Tournay, comme son illustre rivale, ne manqua pas d'artistes de talent qui donnèrent à ses produits ce même cachet artistique qui caractérise la fabrique de Sèvres.

Anciens

moules.

On a déjà classé cent trente fragments de groupes, qui présentent une trentaine de types distincts seulement.

Sans pouvoir donc faire dès maintenant la part de chacun de nos artistes, nous sommes arrivés, en nous aidant de ces groupes et statuettes déjà reconstitués, à assigner à notre fabrique, avec une entière certitude, plusieurs catégories importantes de sujets, qu'on ne lui avait concédés jusqu'ici que sur la foi des traditions locales. Ces traditions ne suffisaient pas, car, d'une part l'instinct des amateurs, les caractères artistiques de telle ou telle figurine peuvent mettre le chercheur en défaut; d'autre part les sujets, des genres les plus opposés, exécutés à la manufacture, l'aspect même de certaines pièces, le ton de la pâte et de l'émail, tantôt jaunâtre, tantôt blanc ou verdâtre, semblent défier la sagacité des connaisseurs.

Enfin, aucune pièce ne porte de marque de fabrique ou de signature; très peu portent un monogramme souvent inexpliqué d'ailleurs.

Les moules ne sont généralement pas signés, nos dernières recherches nous ont fait connaître cependant deux modeleurs du commencement de ce siècle, dont les noms se trouvent sur des moules, Ficar et Bomer. (1)

(1) Ce Ficar serait-il le même que le Fickaert de Valenciennes, auteur de la Descente de Croix? C'est ce que nous n'avons pu déterminer. Bomer est l'auteur de la Religieuse et de l'Ermite, deux statues souvent reproduites en faiënce. (La première se décompose en sept moules.)

Les objets de petit mobilier participent, tout à la fois des objets d'art, pour la forme, et de la vaisselle, pour le décor. Nous les confondrons avec l'une ou l'autre de ces catégories, selon que, chez eux, le décor ou la forme présentera plus d'importance.

vaisselle.

Les formes de la platerie ou vaisselle de table, sont Formes de la nécessairement peu variées. Les modeleurs qui traitèrent les sujets d'art, ne dédaignèrent cependant pas de faire des modèles pour la vaisselle, comme on le voit par les vieux moules encore conservés à la manufacture.

La plus ancienne forme, empruntée aux usines de Saxe, présente un marly (ou bord) ondulé, à grosses côtes torses, offrant une forte saillie, où godrons,

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avec une bordure large de dix à quinze millimètres, représentant un fin travail d'osier; on désigne cette forme, à là manufacture, sous le nom d'osier (fig. 1.) Une seconde forme, semblable à la première mais dépourvue de cette bordure osier, s'appelait rocaille (fig. 2.)

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