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CHAPITRE I

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

B

collection.

tion.

E tout temps des esprits délicats se sont Art et colle
adonnés à l'étude de l'archéologie, à la re-
cherche des œuvres d'art, au goût de la

Les collectionneurs de l'ancienne Rome ont eu leur historien; ceux de l'Angleterre nous sont connus par les travaux de Marryat, et les Anglais qui viennent piller nos pays au profit de leurs riches musées, sont les dignes continuateurs de leurs aînés des deux derniers siècles.

En France et en Belgique, les amateurs, les curieux, comme les appelait La Bruyère, ont de tout temps été nombreux.

Mais il semble qu'en aucun temps et dans aucune contrée, il ne s'est trouvé autant de collectionneurs qu'aujourd'hui, dans notre pays. Musées et collections

La Cérami

que.

particulières rivalisent de richesses; les expositions de Bruxelles en 1880 et de Liège en 1881, ont ébloui leurs visiteurs.

Comment ne pas céder à cette belle passion de la collection? Elle instruit en délassant; elle fait le charme de la vie d'intérieur; elle crée d'agréables et sympathiques relations; elle polit et adoucit les mœurs; elle est féconde en progrès matériels dans le domaine des arts, et dans toutes les branches de l'industrie!

N'a-t-on pas été jusqu'à dire qu'il est utile à la bonne administration et à la politique d'un pays, qu'on y compte beaucoup de collectionneurs?

La Céramique dont on ne s'était pour ainsi dire pas occupé jusqu'ici, a pris récemment une place considérable dans les préoccupations des archéologues; on s'est livré à son étude avec une ardeur dont témoignent les nombreux volumes publiés sur cet art pendant ces vingt dernières années, et il n'est aujourd'hui personne, si peu collectionneur qu'il soit, qui n'accorde son attention à ces brillants et fragiles chefs-d'œuvre de l'industrie humaine. (1)

C'est qu'en effet ces témoins de la vie domestique parlent plus éloquemment à notre imagination que les pièces d'orfèvrerie, les monnaies et les armes. On ne rencontre point partout la vaisselle d'or et d'argent; on trouve la vaisselle de terre dans les palais comme dans les chaumières. On ne se servait de la première

(1) Charles Blanc appelle la porcelaine: Une des plus étonnantes productions de l'industrie humaine s'élevant à la hauteur d'un art.

qu'aux jours de fête; la seconde était d'un usage quotidien.

tiques.

L'invention des vases est aussi ancienne que le Les vases an monde. Ce ne sont, dans le principe, que de grossières ébauches, défectueuses à tous égards; mais elles iront s'améliorant et se perfectionnant, avec les progrès des arts, jusqu'à donner ces vases et ces services de fine. porcelaine, véritables œuvres d'art cette vaisselle de table si élégante et si décorative, plus attrayante cent fois que les plats d'argent dont les grands seigneurs d'autrefois ornaient leur table.

Tout, dans les produits céramiques, s'adresse à l'imagination, et ici nous ne parlons pas des produits destinés aux usages journaliers auxquels on ne peut demander que la solidité, un aspect propre, et un juste rapport entre la forme et la destination de l'objet. Mais nous avons surtout en vue ceux qui sont destinés à décorer nos appartements, à orner nos tables, les objets de luxe en un mot.

Si on les considère avec quelque attention, on trouve en eux la triple loi de toute œuvre d'art, qui est aussi la loi de la nature humaine, et que l'homme cherche à donner à toutes ses créations: l'ordre, la proportion, et l'harmonie. « La corrélation de la céramique avec la figure humaine est si vraie qu'elle est manifestée jusqu'à l'évidence par le langage. Les termes qui désignent les divers membres du vase, les lèvres, le col, le collier, les oreilles, les épaules, les flancs, la panse, - le pied, disent assez que cette grande analogie des » créations de l'homme artiste avec la figure humaine

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» a toujours été présente à l'esprit des peuples qui ont

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inventé les perfectionnements de la céramique et qui - en ont créé la langue. (1)

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Ce qui manque aux vases (dit un article du Fanfulla), c'est le cœur; mais les artistes grecs n'ont-ils pas montré par là combien ils sont profonds penseurs? » Ils fabriquaient leurs vases de cette même terre dont » Prométhée avait tenté de faire des hommes; mais ils les voulaient inconscients et insensibles à la douleur. » Vous pouvez vous en servir sans crainte, les mettre » au feu, les mutiler, les vases ne se plaignent jamais; plus la marmite brûle, plus elle chante joyeusement. Combien elle est plus heureuse que nous!

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Horace attribue aux vases des défauts ou des qualités morales; il les appelle menteurs ou sincères, tristes ou riants...

"

» Ceramus, Arsus, Ciatus, Cantarus, étaient des

> noms d'hommes et de vases, Orca et Cotila des noms

» de femmes et de vases; de même les Français ont la dame-jeanne... (2)

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Du goût de la On sait avec quelle passion les princes italiens se céramique livrèrent, dès le XVe siècle, à la fabrication de la faïence et à la recherche de la porcelaine.

-hez les prin

ces.

Les rois de Saxe et de Prusse se firent porcelainiers; en France, les princes du sang protégeaient les fabriques; la reine Marie-Antoinette avait la sienne; Louis XV faisait chaque année, le 1er janvier, une vente de

(1) Charles Blanc, Grammaire des Arts décoratifs.

(2) Fanfulla della Domenica, 5 marzo 1882. Antropologia dei vasi antichi.

porcelaines de Sèvres au palais de Versailles. Dans les Pays-Bas, le prince de Lorraine établit une fabrique de porcelaines à Tervueren et prit part à ses travaux,

Est-il un art, une industrie, qui puisse s'enorgueillir d'aussi illustres artisans? On ne connaît point de roi hautelisseur, orfèvre ou peintre.

On aimait, aux siècles passés, à s'entourer des pro- Salles de por duits des usines en renom.

Toute la vaisselle qu'elles fabriquaient n'était pas destinée aux usages de la table; les plus beaux plats garnissaient, comme pièces de parade, les dressoirs, très en faveur dans les anciens mobiliers, ou s'accrochaient aux murs, aux plafonds, comme motifs de décoration. (1)

En Allemagne, il était d'usage d'avoir, dans les palais, une salle de Porcelaines. Des dressoirs et des tablettes supportaient les plats et les assiettes; sur la table était disposé tout un service, comme pour un banquet. (2)

celaines.

au

XVIIIe siècle.

On sait enfin quelle place tint la porcelaine dans les La porcelain mobiliers luxueux du XVIIIe siècle. Sous Louis XV, > dit Albert Jacquemart, (3) la porcelaine s'impose partout; c'est le moment de l'épanouissement de notre

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» manufacture nationale et de la découverte en Saxe » de la pâte dure semblable à celle des Chinois. Non

(1) Les plus beaux plats de faïence portent, dans le pied, un oeillet destiné à recevoir une corde pour les suspendre.

(2) Marryat.

(3) Histoire du mobilier.

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