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été détruits, on dut suspendre le travail pendant plusieurs mois. (1)

L'année suivante, la maison de campagne de Peterinck, à la Tombe, fut incendiée par les troupes de la République, lors de leur retraite après la bataille de Neerwinden. (2)

L'âge avancé de Peterinck ne lui permettant plus de donner à sa fabrique les soins assidus qu'elle réclamait, il songea dès 1796, à la céder à son fils Charles qui en avait jusque-là partagé la direction avec lui.

Tous ses enfants et ses associés avaient donné leur consentement à cette cession, quand l'accord fut rompu au moment de dresser acte de la convention, et Peterinck demeura à la tête de l'établissement qu'il avait créé.

Mais les temps devenaient durs pour une industrie de luxe. L'état inquiet de la société, les calamités et les ruines qu'entraîne la guerre, avaient jeté le commerce et l'industrie dans le marasme.

A la fin de sa carrière, le grand lutteur se trouvait de nouveau aux prises avec les difficultés financières contre lesquelles il s'était débattu toute sa vie. Il s'adressa comme de coutume au gouvernement et obtint l'appui de l'autorité municipale, qui, le 13 thermidor an VI (1er août 1797) lui décernait un certificat des plus élogieux, que nous nous faisons un devoir

(1) Arch. de Tournay. Cons. Vol. 287. 1er pluviose an III et registres aux délibérations des magistrats. Vol 10.

(2) Ibid.

MÉMOIRES. XVIII.

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Certificat dé

livré à Pete

rinck par la municipalité.

de transcrire ici en entier. Il couronne dignement la carrière de l'illustre fondateur de notre manufacture de porcelaines, dont il résume l'histoire à grands traits.

« Sur la demande et pétition du citoyen Peterinck et Cie, il lui a été délivré le certificat qui suit :

» L'administration municipale de la commune de Tournay atteste que la fabrique et manufacture de porcelaines et de faïences, établie en cette com» mune par les exposants depuis cinquante ans, a cons» tamment été en pleine activité depuis lors jusqu'à ce jour; que cet établissement donne du pain à plus de deux cents pères de famille, et par suite à un grand » nombre d'individus, ce qui contribue essentiellement » au bien-être de cette commune.

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» Qu'outre les bras qu'elle fait mouvoir, elle fait vivre quantité de fournisseurs pour la consommation d'un grand nombre d'objets. Qu'au surplus, les exposants méritent une considération particulière pour le désin» téressement et l'humanité qu'ils ont montrés envers >> leurs ouvriers lors de la cherté des grains en leur faisant de fortes avances nonobstant que, dans ces temps de calamités, ils aient essuyé beaucoup de pertes notamment le 6 nivose an III. A cette époque » le moulin principal de la manufacture et d'autres bâtiments contenant des ingrédients ayant été ravagés par un incendie, ils n'ont cependant cessé de païer leurs ouvriers pendant plusieurs mois, malgré qu'ils ne pussent leur donner du travail.

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Atteste qu'il leur est dû soixante mille francs, au

ci-devant duc d'Orléans dit Egalité et d'autres créan

» ces qu'ils ne peuvent recevoir par suite des calamités de la guerre, ainsi qu'il nous est apparu des titres et » livres.

Déclare que, si cette fabrique se trouvait dans la » dure nécessité de suspendre ses travaux, ce serait une > véritable calamité publique pour cette commune;

deux mille individus au moins viendraient demander » du pain à cette administration, la tranquillité géné- rale et individuelle pourrait être troublée par le désespoir de ces malheureux et le commerce perdrait » une de ses branches.

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» Enfin dans l'état des choses, il est urgent que le gouvernement vienne au secours de cet établissement » par une prompte avance des fonds qu'il réclame pour la continuation et l'alimentation de ses ateliers précieux.

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On a tout lieu d'espérer que le ministre de l'intérieur aura égard à la demande des pétitionnaires. » Fait en séance le 13 thermidor an VI. » (1er août 1797). (1)

F. J. Peterinck mourut le 5 frimaire an VIII (25 novembre 1799), âgé de quatre-vingts ans.

Mort de Peterinck

*

Peterinck disparaissait à temps pour ne pas voir s'effondrer son œuvre.

Les temps devenaient de plus en plus mauvais.

(1) Arch. de Tournay. Registre aux délibérations des assemblées des magistrats. Vol. 10.

La fabrique passe à

Les Pays-Bas venaient d'être envahis par les armées françaises, la guerre désolait le pays. Les habitants, incertains du lendemain, bornaient leurs dépenses au strict nécessaire. Le mauvais goût régnait dans le domaine des arts et de l'industrie artistique; la grande manufacture de Tournay n'était plus que l'ombre d'ellemême et l'éclat de ses succès passés faisait mieux ressortir encore la profondeur de sa décadence.

A peine Peterinck eut-il disparu, que son fils, Peterinck-Gérard, abandonna l'usine.

Elle fut alors dirigée par une autre enfant du fondade Bettignies, teur, Amélie Peterinck, qui avait épousé de Bettignies. Celui-ci mourut peu de temps après (27 vendémiaire an XII, 19 octobre 1802), et sa veuve le suivit dans la tombe, en 1812.

Crise en 1813.

Sa fille, mademoiselle Olympe de Bettignies, lui succéda. Elle s'associa un des meilleurs artistes de la fabrique, le sieur Ragon, à qui fut confiée la direction de l'usine.

Mais la fabrication languissait, la vente était presque nulle, la manufacture grevée de grosses dettes auxquelles elle ne pouvait satisfaire; mademoiselle de Bettignies dut faire appel à ses créanciers (1813), et « la fabrique se trouvait en régie lors de l'entrée victorieuse des troupes alliées dans nos provinces et sa » triste situation était telle, que ses créanciers hypothécaires seuls pouvaient à peine espérer d'être cou

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(1) Lecocq. Coup d'oeil sur la statistique commerciale... de Tournay.

Le tribunal de commerce prit des mesures énergiques pour empêcher la chute de cette fabrique qui avait jeté tant d'éclat sur l'industrie tournaisienne. Il délégua deux de ses membres, MM. Boissacq-Spreux et Ch. Lecocq, pour diriger et surveiller les opérations de la manufacture; « la direction monta une administration intérieure, et l'établissement fut conservé, mal

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gré tous les obstacles qui naissaient de la nature de > la chose et des circonstances dans lesquelles les » évènements politiques le plaçaient.

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Il y eut, cependant en avril 1815, un moment de > crise, occasionné par la cessation subite des débouchés, tel que l'on allait se voir forcé de fermer une partie des ateliers, lorsque la direction conçut l'heu» reuse pensée de recourir à la munificence du Roi; ses » démarches furent couronnées des plus, heureux succés; Sa Majesté, après avoir daigné entendre l'expo»sition verbale qu'on eut l'honneur de lui soumettre, » fit, pour le service de sa maison, une commande propre à assurer la continuation des travaux pendant plusieurs mois, et la fabrique fut encore une fois » sauvée. » (1)

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M. Henri de Bettignies, oncle de mademoiselle Olympe de Bettignies, racheta l'établissement; il l'exploita jusqu'en 1850 et le céda alors à MM. Boch frères et Cie, qui le dirigent encore aujourd'hui.

(1) Lecocq. op. cit.

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