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sacrifiée; mais le talent du plus habile orateur ne put guères ici sauver que la forme.

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Si le roi était excessivement borné pour la répression de tous les attentats, il ne l'était pas moins dans la récompense des services publics: il pouvait présenter une liste de pensionnaires de l'état; mais c'était le corps législatif qui la déterminait. Le corps législatif avait seul le droit de décerner des honneurs publics à la mémoire des grands-hommes. Les évêques, les administrateurs, les juges, étaient nommés par les assemblées électorales. Quelle image se former d'un pouvoir exécutif à qui on voulait bien laisser la nomination dés deux tiers des contre-amiraux, de la moitié des lieutenans- généraux, maréchaux-decamp, capitaines de vaisseau et colonels de la gendarmerie nationale, du tiers des colonels et des lieutenans-colonels, et du sixième des lieutenans de

vaisseau.

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Il n'y avait plus évidemment qu'un respect antique qui pût attacher quelques âmes à la royauté ainsi constituée, ou plutôt ainsi dégradée; mais ce respect antique était précisément ce qui excitait les ombrages de l'assemblée législative, des corps municipaux, des assemblées électorales, et bien plus encore ceux des sociétés populaires, Ainsi le roi ne pouvait avoir de partisans déclarés que parmi des hommes peu attachés à l'ordre constitutionnel. Tout ce qui l'entourait était livré aux soupçons, allait être frappé de mort. Lá condition de ses ministres était effroyable; la défense faite aux membres de l'assemblée d'occuper cette sorte d'emploi ou tout autre à la nomination royale, leur donnait un signe de réprobation. On pouvait les inVII. 29

terpeller à toute heure sur les actes de leur administration; ils ne pouvaient se défendre par aucune interprétation réciproque. Perpétuellement avilis par l'état de subordination et de crainte, ils étaient responsables d'une impuissance d'agir, qui résultait, soit de cet avilissement, soit de leurs anxiétés, soit de la défiance générale pour l'autorité dont ils étaient dépositaires. Chaque pas qu'ils faisaient semblait devoir les conduire à la haute-cour nationale d'Orléans; un décret d'urgence pouvait les y traduire à toute heure. Cette haute-cour était un pouvoir monstrueux, parce qu'il était isolé de tout autre pouvoir, et n'avait nulle influence ni sur la formation ni sur l'exécution de la loi. Son extrême faiblesse devait le rendre dépendant de l'opinion populaire, et les juges auraient eu toujours à craindre d'être massacrés par le peuple, ainsi que le furent les malheureux accusés. que l'assemblée législative leur envoya.

Il me sera maintenant facile de prouver que le despotisme, si aveuglément conféré par l'assemblée constituante à l'assemblée législative, devait être exercé, non par elle-même, mais sur elle-même, et que toute la force du gouvernement était accordée par le fait, soit à des autorités, secondaires, soit à des hommes, à des sociétés qui n'exerçaient aucune sorte d'autorité légale.

Tout gouvernement despotique, celui d'un seul ou de plusieurs, est tremblant de sa nature par l'excès même de son pouvoir, et a besoin d'un appui extérieur. Les empereurs romains dépendaient de leur garde prétorienne ou des légions germaniques, gauloises, etc., comme les despotes orientaux dépendent

aujourd'hui de leurs janissaires. Il n'était pas possible qu'en France une assemblée législative, malgré l'immensité et la souveraineté réelle de ses attributions, pût concevoir l'espérance et l'ambition de régner par elle-même. Qu'aurait-on dit de ces hommes nouveaux, si on les eût vus hériter et user d'un pouvoir que la France avait à peine toléré dans ses monarques les plus magnanimes, les plus signalés par la grandeur et le succès de leurs entreprises? Qu'aurait-on dit, si, égalant leur indépendance réelle à toute leur autorité effective, ils eussent voulu régner à la manière du sénat de Rome, de Venise, de Berne, et courber le peuple sous le même joug qu'ils imposaient au roi? Il n'y avait pour l'assemblée législative que deux partis à prendre l'un que suivit la minorité de ce corps, celui de respecter l'autorité royale, et de tâcher de lui rendre de la confiance et de l'action; l'autre que suivit la majorité par une pente irrésistible, celui de se fortifier par l'accession des sociétés populaires et de tous les genres de démocratie turbulente et séditieuse que la révolution avait fait éclore. Les sociétés populaires devaient alors appuyer de leur immense et de leur fatal crédit une assemblée qui recevait docilement leur impulsion, ne régnait que par elles, sanctionnait tous leurs caprices, honorait tous leurs attentats. Par cette espèce de transaction, d'abord secrète, et ensuite devenue évidente pour les esprits les plus bornés, l'autorité passait de mains en mains pour arriver toujours aux mains les plus viles. Un despotisme apparent restait le servile ministre de l'anarchie. La convention eut beau usurper encore plus de pouvoir que n'en avait exercé l'assemblée lé

gislative, elle eut beau se rendre le formidable et à jamais odieux épouvantail de l'Europe et de la société toute entière, elle subit plus directement encore que l'assemblée législative, le joug des sociétés populaires; elle ne put satisfaire à leurs vœux qu'en leur sacrifiant ses membres les plus distingués. Un résultat à peu près semblable s'annonce, dès aujourd'hui, dans les constitutions naissantes de l'Espagne et de Naples, constitutions qui ne sont que les images ou les copies de celle dont je signale ici les horribles défauts. Ne voit-on pas que tout l'empire de ces cortès à passé, presque dès le premier jour, dans l'enceinte de quelques clubs, de quelques cafés, de réunions perpétuellement factieuses? Quand les faits parlent aussi haut, quand ils sont aussi uniformes, aussi facilement prévus; quand le bon sens suffit pour les prophétiser, quand ils se répètent après un long intervalle d'années, peut-on trop déplorer le fanatisme imbécile de ceux qui veulent placer la liberté au milieu de ces constitutions absurdes, de ces vastes ruines de l'ordre social? Peut-on trop se défier de ceux qui, bien per suadés des conséquences inévitables d'un tel système, veulent encore une fois y précipiter les peuples, et même y ramener leurs malheureux compatriotes?

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DES SOMMAIRES DE CE VOLUME.

LIVRE PREMIER.

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SITUATION de la France avant la révolution, pag. 1:

-Dispositions des députés aux états-généraux, 7.

Chefs du tiers-état, 12.- Pillage de la manufac

ture de Réveillon au faubourg Saint-Antoine, 22.

Préparatifs pour l'assemblée des états-généraux, 25.

-Messe du Saint-Esprit, 26. - Ouverture des

états-généraux, ibid. — Séparation des trois ordres,

29. Conduite de la cour et du ministère, 30.

L'ordre du tiers-état se constitue en assemblée natio-

nale, 32. Motifs de la déclaration du 23 juin, 36.

Serment du jeu de paume, 38. Cent quarante-

neuf députés du clergé se joignent à l'assemblée na-
tionale, 42. Séance royale du 23 juin, ibid.
M. Necker est reconduit en triomphe dans son hôtel
par le peuple, 46, Le duc d'Orléans conduit à
l'assemblée quarante-six députés de la minorité de la
noblesse, 49.-M. de Juigné est poursuivi par le
peuple dans les rues de Versailles, 51..- Repré-
sentations faites
au roi par
la noblesse contre la réu-
nion des trois ordres, 54. Mouvemens séditieux
du régiment des gardes-françaises, 60. - Le maré-
chal de Broglie commande les troupes, 63.- Adresse
au roi pour le renvoi des troupes, 65. Réponse du

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