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le roi et la reine en des égaremens si dangereux ? Qu'est-ce donc que la religion de cour? Quest-ce que des pasteurs dirigés par des hommes de cour? Comment peut-on ordonner d'enseigner ces hétérodoxies dans toutes les chaires de vérité? Comment les prélats vont-ils au-devant du joug des publications temporelles au prône, tandis que leurs docteurs réclament si haut une totale indépendance du ministère ecclésiastique ? C'est bien le cas d'observer combien les passions sont inconséquentes, et de répéter, avec Fénélon: Que les rois sont malheureux?

183. Encore, si l'on se bornait à donner d'une manière officielle, dans des mandemens, de grands éloges publics et illimités aux deux actes testamentaires. Mais on dépasse les ordres du pouvoir exécutif, qui prohibent tout discours sur ces testamens on viole ces ordres de toute manière.

1° Au lieu d'un discours de vive voix, qui n'eût été entendu que d'un certain nombre d'assistans, il y a de longs mandemens, ou discours écrits, et lus en chaire avant les testamens;

2o Ces mandemens sont imprimés et distribués; 3o Ils sont, ils demeurent long-tems affichés en placards énormes;

4° Il est ordonné de les afficher, de les lire dans les pensions, les écoles des deux sexes, les pri

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Quatre violations impunies, d'ordres exécutifs,

déjà illégaux et contraires à la Charte; et, tout

cela, pour célébrer, pour inculquer deux hétérodoxies dangereuses!

184. Je ne parle point de ces curés, en petit nombre, qui affectent non-seulement de lire, d'imprimer et d'afficher les mandemens ou discours sur chaque testament, mais de prêcher eux-mêmes, sur ce sujet, et avant et après la lecture de ces actes. Tout cela serait crime aux termes des articles 114 et 123 du Code Pénal, si, par une loi simple et nécessaire, les ministres des cultes étaient mis au rang des fonctionnaires publics, relativement aux actes faits dans leurs fonctions, à dessein de contrevenir aux lois de l'état, ou aux ordres exécutifs conformes à ces lois.

CHAPITRE VII.

Liberté de la presse. ( Article 8 de la Charte.)

185. Ce n'est pas seulement en fait de religion que la raison et la Charte protègent le droit naturel de penser, de parler, d'écrire, de faire imprimer et distribuer ses opinions, c'est sur toute matière, sur toute question généralement.

On doit être libre (indiquant sur l'imprimé l'auteur ou l'imprimeur) de publier ses opinions par la voie de la presse, comme de parler aux passans, comme d'aller et de venir dans la voie publique.

Ces deux libertés naturelles sont aussi nécessaires l'une que l'autre, quoique l'on puisse en abuser, comme on peut abuser de tout ce qui est permis. L'abus des écrits consiste à nuire à la société même, ou bien aux individus ; et il est punissable, si le genre ou l'espèce de l'abus se trouve prévu par les lois criminelles.

Ainsi, point de censure, point de permission ni expresse, ni tacite à obtenir de l'autorité avant de mettre en vente; mais on répond des écrits après leur publication.

186. Il est donc permis de critiquer, à tort ou avec raison, les lois et tous les actes des autorités, pourvu, que ce soit en gardant le respect dû au roi, aux chambres, aux ministres, aux magistrats, aux bonnes mœurs, sans provoquer directement à enfreindre les mauvaises lois, à désobéir aux ordres légaux, à résister aux jugemens irréformables, et sans menacer, calomnier, injurier, diffamer les individus '. Quant à la provocation indirecte, elle ne serait qu'un délit interprétatif, conséquemment un acte licite, ou une faute dont la répression doit être abandonnée à l'opinion de ceux qui la connaissent, à la conscience de celui qui la commet. En poussant plus loin la sévérité, le législateur fe

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Voyez la Session de 1817, par M. Camille Jordan, pages 64 et suivantes, où il réfute le faux système de la nécessité d'une preuve légale, pour censurer un acte de l'autorité. Voyez aussi pages 118 et suivantes, ibid. ; et pages 225 et suivantes, tome II, des Éclaircissemens sur les troubles du Midi, par M. Lauze de Peret.

rait beaucoup de mal, et à vrai dire, nul bien. II nuirait à la tranquillité, au bonheur de tous, à l'instruction nécessaire, à la sécurité même des gouvernans, ainsi qu'à celle des gouvernés. La liberté de la presse, définie comme on vient de le faire, est de la nature et de l'essence des gouvernemens représentatifs, tous fondés sur le respect de l'opinion publique, et sur une juste déférence à cette opinion de la part des autorités. Cette liberté a de si heureux effets, qu'elle pourrait seule rendre supportable un gouvernement qui n'aurait pas d'autre frein extérieur; et, sans elle, toutes les garanties constitutionnelles et légales deviennent insuffisantes. Le Censeur européen, la Bibliothèque historique, la Chronique religieuse, la Minerve, etc., ont rendu de grands services à la France et à son gouvernement.

1

187. L'article 8 de la Charte est ainsi conçu :

« Les Français ont le droit de publier et de faire >> imprimer leurs opinions, en se conformant aux >> lois qui doivent réprimer les abus de cette li>>berté. >>

meur,

En indiquant sur l'imprimé l'auteur ou l'impril'auteur se conforme aux lois qui doivent réprimer les abus commis, et punir les auteurs et complices de ces abus. C'est ainsi qu'en général on est libre d'aller et de venir avec voiture dans les rues et sur les chemins, en inscrivant sur le char le nom, ou les armes du propriétaire, ou un numéro qui le fasse connaître, en cas de dommage

causé aux passans. Si les rédacteurs de la Charte eussent voulu prescrire la censure ou la permission de l'autorité avant la publication des écrits, et mettre ainsi dans le domaine royal la faculté de publier des livres, des brochures ou des journaux, comme s'y trouvait jadis le droit même de travailler, d'exercer une profession; dans cette double hypothèse, ils eussent terminé ainsi notre article 8: En se conformant aux lois qui doivent prévenir les abus, etc.; mais, supposant cette rédaction qu'ils ont écartée, parce qu'elle serait pernicieuse, la Charte, pour cette seule clause, qui rendrait toutes les autres illusoires, aurait dû être repoussée par les chambres, comme elle l'eût été par l'opinion de toutes les personnes éclairées et impartiales.

par

188. Il est vrai que cet article si essentiel a été continuellement violé par les lois, ou plutôt les contre-lois des 21 octobre 1814, 8 avril, 20 juillet et 9 novembre 1815, et du 28 février 1817. Néanmoins, après de rudes combats contre les ministres, nous avons de fait à-peu-près la liberté entière des livres et des brochures; et quoique ce triomphe partiel de la Charte soit malheureusement une victoire de l'opinion, une pénible conquête des écrivains, il est vrai, du moins, que la jouissance n'en est plus contestée directement, qu'elle fait très-peu de mal et beaucoup de bien; qu'elle est utile au roi, aux ministres, à la nation, à tous, excepté aux oppresseurs et aux brouillons.

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