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CHAPITRE XI.

Régime impérial de la conscription aboli. Loi nouvelle sur

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Grades, honneurs, pensions conservés (Articles 12 et 69

228. Tous les objets de ce chapitre se rapportent à la liberté individuelle, à la propriété, à l'égalité devant la loi. Nous allons dire comment ces libertés sont respectées sous le rapport du service militaire, en substituant aux lois et aux décrets sur la conscription, la loi nouvelle sur le recrutement, et conservant aux militaires leurs grades, honneurs et pensions.

Texte de la Charte, article 12 : « La conscription. Le mode de recrutement pour l'armée de » terre et de mer est déterminé par une loi. »

La conscription abolie était dans ses extensions, dans ses innombrable détails, si injuste, si oppressive pour tous, qu'elle formait elle seule une tyrannie insupportable et universelle. Il a été plus facile de l'abolir que de la corriger. Mais elle était juste dans son principe; il a donc fallu le conserver en repoussant les abus. La patrie a le droit incontestable, à défaut d'enrôlement volontaire, d'envoyer ses enfans la défendre, et de leur imposer

à tous, avec équité, cette mission honorable et nécessaire, autant qu'elle en a un besoin réel, pour se conserver, et autant qu'ils en sont capables.

229. Mais la conscription, sous l'empire, avait bien moins pour objet la défense de la patrie que l'esprit de conquête, l'esprit de domination sur toute l'Europe et d'absolu pouvoir sur les personnes et sur les biens de tous les pères et mères de familles riches ou pauvres, et sur leurs enfans.

La France entière était divisée en capitaineries de recrutement, sous une espèce de ministre particulier, directeur central de la conscription. Les levées se faisaient à la discrétion du capitaine et du préfet, sans loi, avec un décret incompétent du sénat subjugué; ce décret ne réglant rien qu'un nombre que le préfet dépassait ou par ordre ou pour capter la faveur, ou afin de punir arbitrairement des pensées, des discours, des actions non prévues au Code Pénal. Les faux extraits de naissance, les faux certificats, les perceptions concussionnaires, étaient multipliés à l'infini; les conscrits réfractaires formaient une nouvelle sorte de galériens, et un chef pouvait, sans sortir de sa chambre, les envoyer au dernier supplice; ni l'âge trop tendre ou trop avancé, ni les infirmités les plus graves, ni le premier, nile second rachat, ne garantissaient du second et du troisième réappel. Les terribles colonnes mobiles et les garnisaires en recherche de conscrits réels ou imaginaires, vivans ou morts, la responsabilité désespérante des

pères et mères et des collatéraux, enfin, la solidarité des communes, désolaient nos départe

mens.

Il n'y avait souvent, pour les armées, ni hôpitaux, ni ambulance, ni régie des vivres en activité; les militaires abandonnés périssaient par milliers, centaines de milliers, comme de vils insectes; et, plus on levait de conscrits, plus le désordre et le mécontentement général facilitaient l'invasion de l'étranger.

par

230. Telle fut, en abrégé, la conscription, dont l'affreux code formait seul plusieurs gros volumes. Voilà ce que la Charte promettait de supprimer et de remplacer par une loi sur le recrutement.

Cette loi est venue en 1817, et déjà le changement de politique extérieure avait calmé les alarmes. Cest dans le système de défense, et non dans celui de la conquête, que cette loi a été conçue et formée. Le nombre habituel des militaires de ligne est désigné par disposition permanente, ce, qui s'éloigne de la nature du gouvernement représentatif'; mais la fixation, déjà implicitement annuelle par la fixation annuelle et obligée du budget de la guerre, peut devenir expressément annuelle par d'autres lois.

L'âge des conscrits, les exemptions de justice et d'humanité, les remplacemens devenus faciles, sont réglés avec modération et sagesse dans cette loi nouvelle.

Par une décision à jamais incompréhensible, no

tre ancienne et si respectable armée avait été divisée en quatorze ou vingt-un degrés d'impureté politique; elle demeurait encore dans une sorte d'excommunication qui affligeait les vrais citoyens : elle en a été relevée du moins par le texte de cette même loi; et ce texte prescrit un mode d'avancement fixé en partie sur l'ancienneté, qui a ranimé les espérances des militaires, et rétabli les droits de la nation. Il produit, quant à présent, peu d'effets réels, d'après les promotions des trois années précédentes, anciens priviléges de la garde royale qui n'existent plus de droit', et même d'après l'ordonnance du 20 mai dernier. Mais le principe est érigé en loi : sans doute, avec le tems, il sera développé; il obtiendra sa pleine exécution. La principale mesure aurait pu être prise il long-tems: c'est celle d'un tableau général et annuel d'ancienneté de tous les officiers et des grades obtenus par ancienneté. On demande, avec une inquiétude légitime, si ce tableau sera du moins annoncé, s'il sera fait, si et quand il sera publié et constitué périodiquement.

y a

231. L'emploi des corps étrangers et privilégiés, qui ne peut subsister régulièrement qu'en vertu d'une loi spéciale, cessera sans doute. Leur renvoi multipliera les chances d'avancement par ancienneté, et la cessation de leurs étonnans

* On connait des ordres du jour qui ont essayé de rétablir ces priviéges.

priviléges tournera au profit du trésor public, soulagera les contribuables de plusieurs millions d'un impôt annuel qui afflige, offense et irrite.

232. Il est fâcheux que la garde nationale, ou municipale, essentielle surtout dans les gouverne. mens libres, et dont le régime si abusif a donné lieu à tant de plaintes, ne soit pas entrée dans le plan de la loi sur le recrutement. La salutaire ordonnance du 30 septembre 1818 a déjà remédié à de grands désordres; elle n'a point rendu aux gardes nationaux le choix de leurs officiers, et n'a rien statué sur les vices graves reprochés aux nouveaux conseils de discipline. Après tant de variations de Bonaparte, des ministres et des préfets, on ne sait, à beaucoup d'égards, quelles règles suivre; la porte reste ouverte à l'arbitraire des administrateurs locaux. Il faut donc une loi qui organise, d'une manière uniforme, la garde nationale dans tout le royaume; il faut une loi qui l'organnise selon l'esprit de la constitution, qui dispense d'augmenter l'infanterie à l'intérieur et en temps de paix, qui ne permette plus d'employer, à volonté, l'armée de ligne contre les citoyens, et qui empêche absolument de recommencer à combiner le service de la garde nationale, comme il l'a été depuis 1814, à l'avantage d'un parti, et de manière qu'être assujéti à cette garde, ou en être exempté, par le préfet ou le commandant, ne soit plus, selon les personnes, ou une vraie punition, ou une vraie récompense. Rien de tout cela ne peut

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