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caractère moral, dans la probité civique, la plus rare de toutes les vertus ; dans la plus entière liberté de la presse, tant pour les journaux et les pamphlets, que pour les volumes, sauf la répression des abus de cette liberté par un véritable jury qui n'ait aucun caractère de commissariat.

CHAPITRE III.

Chambre des pairs. (Articles 24, 33, 34, 55, 27, 28, 30 et 31 de la Charte.)

260. La chambre des pairs est littéralement la chambre des égaux'; elle est, par ses hautes fonctions, le premier corps de l'état, et, après le roi, la première autorité.

Ses fonctions sont de deux sortes, législatives et judiciaires; elle est « portion essentielle de la puissance législative » (art. 24); elle «< connaît des crimes de haute trahison, et des attentats à la sûreté de l'état définis par la loi ; » elle a seule droit d'arrestation sur les pairs; seule, elle peut juger en matière criminelle (art. 33 et 34); seule, elle juge les ministres accusés par la chambre élective (art. 55).

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Equales fratres furent de tout tems les synonymes du mot pares Voy. Ducange, au mot pares.

261. Telle est la destination de la chambre des pairs, tels sont les fondemens de la suprématie d'honneurs qui lui est attribuée.

La raison et l'expérience ont démontré qu'il n'y a d'autre moyen de prévenir, autant que la faiblesse humaine le permet, les inconvéniens extrêmes des lois trop légèrement consenties, que d'établir, pour concourir aux actes législatifs, deux corps délibérans, qui soient hétérogènes sous quelques points de vue, et dont l'accord mutuel soit nécessaire, pour que leurs résolutions puissent être présentées à la sanction du chef de l'état. Avant d'en venir à cette division en deux chambres, chez les peuples anciennement civilisés, il faut commencer par abolir tous les priviléges, toutes les supériorités ou exemptions légales du droit commun, qui ne seraient pas liées naturellement à des fonctions publiques. De tels priviléges ne peuvent être que des abus. Lorsqu'ils ont cessé, la division de l'autorité législative entre un roi et deux chambres, devient sans inconvénient réel, et peut offrir les plus grands avantages.

262. Si les deux chambres sont en tout sens homogènes, elles donneront de suite, et presque toujours les mêmes résultats; et l'une des chambres devient inutile. Il est donc presque nécessaire que, dans leur composition, les deux soient diffé

rentes.

Elles le seront beaucoup, si l'une est nommée à vie ou héréditairement, par le pouvoir exécutif,

avec ou sans condition de présentation et de choix; et si l'autre est entièrement élective et renouvelée après un légal et modique intervalle. Elles le sont même par les fonctions, si l'une est constituée cour de justice pour les crimes de trahison; si l'une peut seule accuser les ministres; si l'autre est seule compétente pour les juger. Mais les deux chambres deviendront encore plus dissemblables, si les membres de l'une sont reconnus, par leur emploi, supérieurs en rang, en divers honneurs, aux membres de l'autre; et si, comme arrive naturellement, les places auxquelles on est élevé par choix dans la chambre héréditaire, sans être affectées à des nobles, et surtout à des nobles majoratisés, les plus antipathiques avec le bon ordre, sont regardées, ainsi qu'elles doivent l'être, comme les plus hautes récompenses publiques; si le prince est soigneux de n'y appeler que les notables les plus considérés de la nation par les talens, les vertus, les services, quelquefois par les richesses même, et par cet avantage que l'opinion libre peut, avec utilité, attacher au hasard de la naissance. Il arrive alors que la chambre héréditaire diffère en elle-même de la chambre élective, et qu'elle est, par-là, plus propre à maintenir la constitution et les bonnes lois secondaires, en contenant et neutralisant tous les genres d'aristocratie, en leur présentant un but d'ambition raisonnable et sans danger pour l'état. Une telle formation rend cette même chambre trèspropre à s'interposer, comme une sorte d'arbitre,

entre le roi et la chambre élective, afin d'empêcherles secousses violentes qui pourraient naître des débats entre ces deux grandes autorités.

C'est ainsi qu'on explique, d'une manière satisfaisante, l'existence d'une chambre des pairs, sous une constitution ouvrage de la raison éclairée, et le résultat heureux d'une réforme ennemie de toute féodalité, de toute aristocratie de caste.

263. La chambre des pairs ne représente point la noblesse, plus particulièrement qu'elle ne représente les autres classes du peuple français. Les nobles n'ont droit à aucune représentation comme noblesse, puisque la noblesse, même légale, n'est point par elle-même un ordre, une branche distincte des pouvoirs politiques. Elle n'est qu'une variété d'élémens nationaux ; elle n'est qu'une fraction nationale, représentée tout entière dans la chambre des députés et dans les colléges électoraux; et, tous les membres de ces colléges, par rapport à leurs pouvoirs constitutionnels, à leurs fonctions électorales ou politiques, sont entièrement homogènes.

Tout pouvoir constitutionnel, même héréditaire, a, dans un sens vrai, un caractère représentatif. Le roi, en France, n'est, pas seulement le premier des Français, il est le premier représentant de la nation; la chambre des pairs est le second en rang ou en dignité au troisième rang de pouvoir représentatif et d'illustration, mais dans le second aussi pour l'importance et le pou

voir colégislatif, est la chambre des députés des départemens. Au quatrième, viennent les ministres, et puis les autres autorités. La chambre des députés est seule élective. Sous ce rapport, elle est, dans un sens, la branche de représentation nationale la plus parfaite ou la plus réelle, c'est-àdire, la plus propre à représenter l'opinion du tems, le vœu national actuel. Mais elle n'est pas le seul pouvoir représentatif, ou il faudrait dire que le roi et la chambre des pairs sont des propriétaires domaniaux d'une partie de l'autorité souveraine; en un mot, des despotes, des maîtres, chacun dans sa ligne : ce qui répugne au bon sens, et ce qu'il serait impossible de tolérer.

264. Dans ce moment, et d'après le choix libre du roi, la chambre des pairs est composée uniquement de citoyens qui étaient nobles anciens, ennoblis avant 1790, et de nobles nouveaux, ennoblis postérieurement à 1790. Mais, puisque « tous les Français sont admissibles à tous les emplois » (article 3), ce serait une grande erreur de s'imaginer qu'il faut être noble de noblesse féodale, ou de grand ou d'humble office, ou de majorat, ou de noblesse à volonté (article 71), pour être nommé pair et devenir membre de cette chambre. Selon la raison et la Charte, plus fortes que toutes les ordonnances contraires, il suffit d'y être le roi.

nommé

par

Nous rappelons, seulement pour en gémir et

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