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où toute prohibition devrait cesser et cesserait d'elle-même. Mais je ne m'explique pas qu'on ait pu imaginer et à peu près nous imposer l'art 32. Ici, je me borne à raconter; je ne prétends discuter ni pour ni contre; j'ajouterai seulement que cet art. 32 fait comprendre quel était, en 1814, l'esprit du ministère qui avait fait la Charte '; et comment cet esprit lui inspirait tant de mesures qui ne la faisaient point aimer ni estimer, qui la couvraient de nuages, et la laissaient à sa naissance mourir d'atrophie et de paralysie, plutôt que de lui laisser prendre les alimens et les développemens les plus nécessaires.

297. Il a été pourvu, par la loi du 5 février 1817, art. 18, à ce que la chambre si peu nombreuse des députés pût être tenue habituellement complète.

Cet article porte : « Lorsque, pendant la durée ou pendant l'intervalle des sessions des chambres, la députation d'un département devient incomplète, elle est complétée par le collége électoral du département auquel elle appartient. » Le député élu par plusieurs départemens est tenu d'opter et de déclarer son option à la chambre dans le mois de l'ouverture de la première session qui suit les élections multiples du même citoyen; et à défaut d'option, il est décidé par la voie du sort à quel département le député appartiendra. (Loi du 25 mars 1818, art. 2.)

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1 Voyez l'Essai sur la Charte, liv. I, ch. vII, no 9o, et ch. vII.

Tous les détails d'exécution concernant l'élection des députés, se trouvent dans les lois et les ordonnances que nous avons citées. Ces ordonnances et toutes celles qui pourraient devenir nécessaires, sont autorisées non-seulement par l'article 14 de la Charte, mais, ce qui est inutile et dangereux, par l'art. 21 de la loi du 5 février 1817: > Toutes les formalités relatives à l'exécution de la présente loi (sur les élections) seront réglées par des ordonnances du roi. » (Voy. ci-dessous, chapitre 8.)

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CHAPITRE V.

Chambre des Députés.

298. Les députés élus et admis sont les représentans électifs de toute la nation. Autrement " leur chambre forme, avec le roi et la chambre des pairs, une des trois branches de l'autorité qui exerce collectivement la puissance législative, qui déploie la volonté souveraine, et qui, avec la chambre des pairs; a la surveillance et le droit de répression sur les ministres. Ainsi le roi l'a promis en sa déclaration du 2 mai 1814. « Le gouvernement représentatif sera maintenu; ainsi la Charte, qui porte article 15: « La puissance législative

s'exerce collectivement par le roi, la chambre des pairs et la chambre des députés des départemens, »> et, art. 19 Les chambres ont l'initiative indirecte des lois; art. 23: Point d'impôt sans le consentement des chambres; art. 53: Les citoyens pétitionnent devant les chambres; art. 56 : « La chambre des députés a le droit d'accuser les ministres. >>

299. Il est vrai que Napoléon, dans son délire ambitieux, prétendit que les députés ne sont que les conseillers du prince: cette idée est encore chère aux flatteurs du pouvoir. En 1818, un conseiller-d'état, un président de collége électoral dans un département du centre, un candidat des ministres, un directeur ministériel d'élections, a osé dire aux électeurs, en un discours solennel et imprimé : « Je viens pour vous diriger.....; vous n'avez d'autre pouvoir que de nommer des conseillers du roi..... » A ce langage inconstitutionnel et servile, sachons reconnaître les adversaires de la Charte et de la liberté publique; redoublons de vigilance pour déconcerter leurs desseins; ne souffrons pas qu'ils arrachent au peuple une confiance dont ils se déclarent indignes.

300. « Le président de la chambre des députés est choisi entre les membres de la chambre; il est nommé par le roi, sur une liste de cinq membres présentée par la chambre » (art. 43 de la Charte). C'est encore ici une de ces dispositions qui entrent comme élément dans la constitution du pouvoir directorial et modérateur du roi, du pouvoir neutre,

à quelques égards, chargé d'écarter les obstacles à l'harmonie qui doit régner entre les trois branches de l'autorité souveraine. Les devoirs du président sont tracés par la nature de ses fonctions, par l'usage et par le réglement; il peut y être ramené s'il s'en écarte, s'il influence le débat, s'il veut paraître savoir ce que l'assemblée ignore, s'il se fait publiquement ou secrètement l'entrepreneur ou l'avocat du projet en discussion, s'il affecte de donner une priorité de faveur aux préavis contraires ou favorables à ce projet. Les devoirs de tout président sont de maintenir l'ordre, d'expliquer et de poser la question avec impartialité; ils se bornent là. Le président doit être surveillé par le bureau et par les scrutateurs, quand il s'agit de recueillir et de constater les voix. Il n'a point de suffrage prépondérant, dans le cas rare du partage égal des votes.

301. Ainsi, l'art. 43 ne semble pas sujet à de graves difficultés. Mais l'art. 44, en sa seconde partie, doit tomber en désuétude, comme il y est déjà tombé ou à peu près. S'il était pratiqué un peu habituellement, il suffirait seul pour que la chambre perdit le caractère de publicité le plus essentiel au maintien de la justice tant législative que judiciaire. Un conseil national, tenu à l'ombre du mystère, menace de troubles et de révolutions comme une assemblée de conspirateurs ; il s'altère dans l'ombre, et dégénère en réunion privée ; il travaille au profit des intérêts privés.

Cependant, l'art. 44 de la Charte est conçu dans

ces termes : « Les séances de la chambre sont publiques; mais la demande de cinq membres suffit pour qu'elle se forme en comité secret. >>

C'est là donner d'une main et retirer de l'autre ; c'est reconnaître la règle, et réserver le moyen le plus facile de la violer sans cesse. Mais il a été sagement prescrit, par le réglement de la chambre, que les noms des cinq membres qui demanderaient le secret seraient insérés au procès-verbal; et cette menace de publicité a suffi pour neutraliser le mauvais principe glissé dans notre art. 44. Un vice mal équivalent se retrouve dans l'article 21 de la Charte, dans cette forme d'initiative indirecte qui transporte au comité secret la discussion, disons mieux, la véritable délibération. Ainsi, la publicité cesse d'être effective dans les matières les plus importantes, et les ministres peuvent régner dans le secret qui a fait, jusqu'en 1819, l'une des grandes bases de leur système politique. (Voyez liv. 3, chap. 6.) La révision fera disparaître cet art. 21, et rendra aux députés le droit d'initiative directe, sans en priver le monarque.

302. Elle définira plus largement l'inviolabilité naturelle des députés, et leur exemption de toute contrainte par corps.

Il y a d'autres contraintes par corps que celle qui peut résulter de l'état de débiteur failli, par exemple, en matière de réintégrande, etc. Ce sont principalement ces contraintes dont l'article 51 de la Charte affranchit les députés pendant leurs fonc

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