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tions. L'exercice des droits de député et même d'électeur ou d'éligible doit être, suivant la raison, suspendu par l'état de débiteur failli. L'article 51, déjà cité, porte généralement « qu'aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de la chambre, durant la session et durant les six semaines qui l'ont précédée ou suivie. » Il n'est vraisemblable que l'intention de cet article soit que le failli dont les droits politiques sont suspendus ou doivent l'être, puisse représenter le peuple avant d'avoir satisfait les créanciers de sa faillite. Mais si un failli était député pendant la durée de sa faillite connue ou inconnue lors de son élection, ou survenue depuis, l'art. 51 lui serait applicable, sauf à le déclarer, s'il y avait lieu, non élu valablement, ou démissionnaire.

303. Les anciennes constitutions voulaient qu'aucun représentant ne pût être, en aucun tems, recherché, accusé, ni jugé pour ce qu'il aurait dit ou écrit dans l'exercice de ses fonctions; et ce principe sacré est l'un des fondemens de l'art. II de la Charte, si persévéramment violé', et qui défend toute recherche des opinions, des votes émis avant la restauration. Ce principe général manque dans la Charte et la rend défectueuse. Punir un votant pour avoir dit son avis, cet avis que l'autorité souveraine lui a demandé, c'est une barbarie que les

1 Par la loi du 12 janvier 1816

factions se permettent, et qu'elles peuvent décorer du nom de loi, parce qu'elles sont capables de tout. Mais la liberté d'opiner, la sûreté la plus complète dans ses opinions, sont de droit naturel pour un représentant; elles n'ont de bornes que sa conscience et les règles de police intérieure admises dans l'assemblée législative au jour où il a parlé.

La Charte, à cet égard, est bien moins libérale. Contre l'esprit de l'art. 11, elle se borne à déclarer, art. 52, « qu'aucun membre de la chambre né peut, pendant la durée de la session, être poursuivi et arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la chambre a permis sa poursuite. >>

304. Sur l'entrée et la séance des ministres et des commissaires du roi dans les chambres, et sur la question si les chambres peuvent se montrer hors du lieu de leurs séances, voyez le chapitre précédent, no 296.

305. Il est très-nécessaire de fondre en chaque loi générale de finance toutes les lois et tous les articles des lois précédentes que l'on veut conserver, tout au moins d'en faire imprimer le texte avec chacune de ces lois générales ; c'est l'unique moyen d'éviter la surprise et l'erreur sur des dispositions légales d'intérêt habituel et universel. Ce serait une heureuse occasion d'alléger le poids des impôts, d'abroger et d'améliorer chaque année le

régime des contributions, de diminuer les dépenses et de mieux régier les recettes '.

306. Cette diminution et cette amélioration sont d'une grande importance; elles doivent être chaque année l'objet des travaux des écrivains patriotes, de l'attention et de la surveillance des deux chambres. Quant au droit de refuser des impôts, il n'est praticable que partiellement. Le refus général des impôts, considéré comme garantie contre les abus des ministres, est en définitive une ressource plus comminatoire qu'efficace, et que la prudence défend presque toujours de mettre en pratique; les vraies garanties sont dans les élections complétement libres, dans la probité civique et le courage des citoyens, des juges, des administrateurs et des colégislateurs, dans les lumières, dans la liberté de la presse, dans la force et la sagesse de l'opinion publique, dans la compétence et la composition légitime du juri pour les délits et les crimes, dans une sage organisation et une pratique sévère du droit de pétition devant les chambres, et de la responsabilité des ministres et de leurs agens.

307. Proposant la loi, le ministère en doit énoncer le titre, qui est spécial pour chaque loi; l'intitulé qui est commun à toutes les lois, et même

Qui nous délivrera des chiffres dans nos lois, des textes ambigus, déguisés, des énigmes en lois?

2 Loi du 19 janvier 1791.

aux ordonnances royales; enfin le préambule, s'il doit y avoir un préambule.

Le titre doit être sans affectation, sans artifice; il doit indiquer simplement l'objet de la loi'; il y aurait de la franchise à ne pas appeler du nom sacré de loi une mesure contraire à la constitution, une vraie contre-loi; il y en aurait à ne pas appeler loi sur la liberté individuelle un code de suspects, et amnistie des mesures de proscription, de bannissement ou de destitution d'inamovibles, sans procédure et sans jugement préalables.

308. L'intitulé contient les noms, la qualité du roi avec l'adresse, et la salutation à tous présens et à venir.

309. Autant qu'on le peut, il faut éviter les préambules: après l'intitulé, la loi doit commencer par le commandement qu'elle intime, par la règle qu'elle impose. Il suffit que les motifs soient dans les discours, pour appuyer ou combattre la proposition. Rien ne paraît plus froid et plus inepte qu'un prologue où la loi dispute avec ceux qui doivent l'exécuter. Cela ne peut pas même servir à interpréter les dispositions; car le préambule va souvent en-deçà ou au-delà: souvent il n'est que mensonge et artifice. On connaît un préambule qui annonça comme provisoires, pour les faire

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1 Loi du 19 janvier 1791.

Jusqu'ici, je n'ai fait, dans ce numéro, que traduire Sénèque, Ep. 94, et Bacon, de Justitia universali. La loi du 11 août 1792 dé fendait sagement les préambules.

mieux passer, des suspensions du droit commun, qui sont malheureusement rédigées en termes absolus, et exécutées comme permanentes'. Mais si les ministres veulent absolument donner des fleurs de leur réthorique sur les lois, comme ils aiment tant à le faire dans les diplomes et les ordonnances, il est nécessaire que le préambule soit soumis aux colégislateurs, afin qu'il ne se trouve pas en contradiction avec les articles, comme je l'ai vu arriver. Rien n'est plus incohérent et plus ridiculement grimacier, que d'attribuer au roi un exorde personnel et privatif, comme partie intégrante de dispositions qui n'existent que par la volonté réunie des trois branches de l'autorité législative, et dont on certifie qu'elles ont été discutées, délibérées et adoptées dans les deux chambres.

CHAPITRE VI.

Les Lois.

310. Nous avons fait connaître la grande machine du gouvernement; il s'agit d'exposer son action, et d'abord son action législative. La Charte, par cela même qu'elle établit et limite les grands pouvoirs de l'état, afin de garantir par leur moyen

1 Loi sur les Cris et les Écrits, du 9 novembre 1815, qui, entre autres violations des droits, punit les provocations indirectes, les prétendus crimes interprétatifs.

2 Voy. la discussion sur la loi du 21 octobre 1814.

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