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mettre en harmonie, avec la constitution, la raison et la morale, puisque c'est de la bonté des lois criminelles que dépend principalement la liberté des citoyens (Esprit des lois, liv. 12, chap. 2). 398. « Le roi a le droit de faire grâce et celui de commuer les peines » (art. 67).

La grace est la remise totale faite au condamné de la peine prononcée contre lui par jugement légal; la commutation est la transformation d'une peine plus grave en une peine plus légère.

Le droit de faire grâce est fondé sur l'existence possible des mauvaises lois, sur l'imperfection des meilleures, sur la faillibilité inséparable des juges et des jurés, il est bien près de l'abus; mais, en lui-même, ce n'en est pas un.

Il dégénère aisément en abus, quand ce n'est qu'un acte dit du propre mouvement, c'est-à-dire presque toujours l'ouvrage des alentours du monarque ou du ministre; en un mot ce qu'on affecte d'appeler le propre mouvement du roi n'est pas meilleur, généralement, que le propre mouvement des papes, ou les pensions dites de premier mouvement royal. Tout acte de gouvernement doit être, ou paraître du moins, le fruit du conseil et de la réflexion, jamais de la fantaisie. Le propre mouvement et le premier mouvement n'appartiennent pas au langage légal et mesuré.

Le sénatus-consulte du 15 thermidor an 10 portait que le chef du gouvernement exercerait le droit de grâce dans un conseil privé auquel étaient ap

pelés des membres des premières autorités de l'état. Si ce n'était qu'un faux semblant, c'était une louable apparence, qui devait parfois être utile. Il faudrait que cet appel fût à tour de rôle ; autrement les ministres n'appelleraient guère que les hommes connus pour n'avoir pas d'avis qui leur soit propre.

La grâce n'a point d'effet rétroactif; elle suppose délit et culpabilité jugée; et ne fait que réintégrer le condamné dans ses droits politiques, civils, utiles et honorifiques, à compter depuis qu'elle est accordée.

Il ne faut pas confondre l'amnistie avec la grâce. Généralement, l'amnistie est un acte législatif, comme la grâce est un acte du pouvoir royal, de la personne du monarque, soit qu'il agisse de luimême, soit qu'il s'entoure de conseils, soit qu'il ait égard à des pétitions.

CHAPITRE XII.

Conseil-d'État.

399. Il n'y a point de conseil-d'état selon la Charte. Il y a de fait un conseil-d'état ; il y a même plusieurs conseils-d'état sous des noms divers; il y a plusieurs branches luxuriantes du plus nom

1 Voy. l'Appendice no vi.

breux des conseils-d'état. Mais toutes ces institutions ne doivent leur origine qu'à des ordonnances du roi, ou, si l'on veut, à la constitution de l'an 8, et à des actes du gouvernement consulaire et du gouvernement impérial, ou enfin au régime royal détruit il y a trente ans. Elles ne peuvent donc être tout au plus que des établissemens provisoires, si on leur suppose de l'autorité dans le royaume..

Le conseil-d'état, selon les ordonnances, n'a de juridiction établie ou reconnue, d'une manière légale, et postérieurement à la Charte, que la juridiction très-anti-constitutionnelle relative à l'exercice des droits d'électeur ou d'éligible, et fondée sur l'art. 6 de la loi des élections du 5 février 1817 qu'il n'est pas tems de réformer.

Comme tribunal du contentieux de l'administration, de la validité des prises maritimes, des appels comme d'abus, de la vérification des bulles, de la mise en jugement des agens exécutifs, en un mot comme cour judiciaire, le conseil-d'état, dans tous ses genres et dans toutes ses espèces, est donc extra-légal comme il est hti-constitutionnel.

Les ordonnances qui l'ont recréé, selon l'ancien régime, ou qui l'ont modifié, sont en date des 29 juin 1814, 23 août, 21 septembre 1815, et 19 avril 1817.

Sous un gouvernement représentatif, il ne peut y avoir d'autorités judiciaires légitimes, que celles qui sont fondées en loi, et qui n'ont rien de con.

traire à la Charte constitutionnelle; il ne peut y avoir de juges amovibles à volonté.

Considéré comme assemblée consultante, appelé habituellement et accidentellement par le roi ou les ministres , pour donner de simples avis; pour préparer même des travaux législatifs, ou des réglemens, ou des décisions, tout conseil-d'état est extra-constitutionnel, et, jusqu'à présent, extralégal, mais nullement contraire à l'esprit de la Charte. Seulement, pour éviter des abus déjà trop manifestes, un tel conseil-d'état doit être, en définitive, à la charge de la liste civile.

Le conseil des ministres est nécessaire, et le seul conseil constitutionnel du monarque; il faut que le prince puisse consulter; et il faut bien que les ministres confèrent entre eux, pour qu'il y ait unité de pensée et d'action ministérielles.

FIN DU LIVRE TROISIÈME.

LIVRE QUATRIÈME.

RÉVISION DE LA CHARTE.

J'AURAIS voulu publier ce quatrième livre, y développer les avantages de notre constitution, ses imperfections, ses lacunes, proposer un mode de révision, indiquer le tems et les formes, et les additions et les corrections qui peuvent sembler convenables; mais je suis forcé de m'arrêter en ce

moment.

La nation pense, avec les publicistes les plus éclairés, et l'expérience, plus éloquente que tous les écrits du monde, lui a prouvé que notre monarchie constitutionnelle a besoin de calme et de s'établir et pour pousser des racines. La nation répète, aujourd'hui même, avec son roi: » L'avantage d'améliorer est à côté du danger d'innover. »

fixité

Encore une fois, le 5 mars 1819, notre pays et notre constitution viennent d'être mis par le roi à l'abri des attaques de leurs ennemis, quoique l'on

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