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et pour comparaître devant le comte du lieu du délit, jureront que le prévenu a été de notre autorité légalement cité par semonce ou par bannie. Et il pourra être en conséquence légalement jugé et condamné par les Scabins soit contradictoirement, soit faute de comparaître, et dans l'un comme dans l'autre cas, ses biens pourront, s'il est condamné, être saisis, et s'il a fallu le juger comme contumace, il sera forbanni, et le comte qui l'aura condamné instruira du jugement le comte qui a dans son territoire les biens du condamné; il requerra dans notre nom ce comte de les saisir, afin de satisfaire ainsi aux condamnations, et même de saisir aussi le condamné en personne, pour le forcer à se représenter, et au cas où il serait pris, de le renvoyer devant le comte du lieu du délit, où il subirait en état de prisonnier un jugement contradictoire.

Sur le style plus ou moins impératif des lois du neuvième siècle. Je crois qu'il ne reste plus aucune difficulté sur le sens de notre article, et sur celui de la maxime: la loi se fait par le consentement du peuple et l'ordonnance du roi. L'interprétation de Mably, qui est celle de Baluze et de Ducange, demeure inébranlable. Mais on parle du style tout monarchique des rois de France dans les lois comprises sous le nom de capitulaires. On invoque ce style au secours de l'explication inventée par la société anonyme. Il est superflu d'examiner et d'apprécier en lui-même un si faible argument à

l'appui d'une interprétation démontrée en ellemême vraiment insoutenable. N'est-ce pas avec la clause du bon plaisir, avec la clause de pleine puissance, que nos lois, sous la Charte de 1814, sanctionnent et publient les lois que les deux chambres ont librement discutées et approuvées? Cette observation seule me dispenserait de toute recherche ultérieure. Dans les actes d'administration et d'exécution, le style ne saurait être trop impératif, si c'est la constitution ou la loi véritable qui s'exécute, et s'il s'agit de sanctionner, de publier une loi consentie en assemblée nationale. Quand les rois ont l'assentiment des représentans du peuple ou de ceux qui sont censés le représenter selon les règles ou selon les usages légitimes de chaque époque, ils sont la nation entière personnifiée, la nation dans son chef et dans ses membres, on ne peut donc tirer de leur style plus ou moins impératif dans l'acte de publication, des conséquences au soutien du pouvoir absolu d'un seul, qu'au fond cet acte même interdit et réprouve. Il n'y a rien de moins absolutiste que le style employé ordinairement dans les capitulaires et notamment dans ceux de Charles-le-Chauve, qui avait trop appris à ne point affecter la domination personnelle, par le malheur des tems, et par le double détrônement de son aïeul Louis-le-Pieux. Il est répété au moins quatre fois dans le capitulaire de Pistes de 864, que les dispositions en ont été faites dans l'assemblée des fidèles, et de leur avis et consentement

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sans aucune réclamation, et ce qui est assez frappant, les magistrats nommés par le roi, les missi, les comités et autres préposés sont denommés dans le même acte jusqu'à neuf fois employés de la république ministri republicæ. Il est dit dans le capitulaire de 846, que sur soixante-douze articles proposés par les évêques, le roi n'en consent que dix-neuf, vu que les principaux personnages de l'état, primores regni, n'ont pas voulu en agréer un plus grand nombre. (Baluze, tome II, col. 30.) Dans le capitulaire de l'an 857, on trouve comme formule d'exercice du pouvoir législatif, le seigneur roi et ses fidèles veulent, tome II, col. 83. Le même capitulaire tome II, col. 95, qualifie ainsi les nouveaux articles de loi : confirmata per episcopos, comites et reliquos regni fideles. Le capitulaire de Pistes de l'an 862, est ainsi intitulé: Nous Charles, roi par la grâce de Dieu et les évêques et abbés, et les comtes et les autres fidèles qui ont reçu le baptême, qui nous sommes assemblés à Pistes de diverses provinces, etc..., suivent les articles. Dans l'intitulé de l'article 8 du capitulaire, donné à l'assemblée de Cressy l'an 873, il est dit de la volonté et du consentement de tous ceux qui étaient présens, et plus loin le roi s'exprime ainsi : suivant les capitulaires de notre père et de notre aïeul, quæ Franci pro lege tenenda judicaverunt et fideles nostri in generali placito nostro conservenda decreverunt, etc. (Bal., t. II, col. 231.) Je pourrais ajouter d'autres citatious,

celles-là suffisent assurément pour qu'on ne parle plus du style absolutiste et tout monarchique des capitulaires, ni de l'accord silencieux de la nation dans les assemblées politiques, durant les cinq premiers siècles de notre histoire.

No IV.

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DIGNITÉ'.

DIGNITÉ. On dira toujours dignité dans la langue commune, et digne et dignement, au sens de mérite, convenance, conformité à de certains rapports. Mais dignité pour office, emploi, autorité, importance, prééminence d'honneur et de pouvoir dans l'état et dans l'église, sont des mots propres, des mots techniques de l'ancien régime, c'està-dire de nos lois antérieures à 1789, et des lois du régime impérial. Voyez constitution impériale de 1804, titre des grandes dignités de l'empire, où elles sont placées au-dessus du sénat et du corps législatif. Voyez le décret administratif de 1804, sur les préséances. Mais suivant la constitution de 1814, les Français sont égaux devant la loi, et admissibles également aux emplois civils et militaires. Il

'Article extrait de l'Encyclopédie Moderne, de M. Courtin.

y a un roi, chef suprême de l'état, il y a des membres de la famille et des princes du sang royal; il y a ensuite une chambre des pairs, c'est-à-dire égaux en autorité; il y a une chambre législative, dont les membres sont égaux par leurs fonctions.

Il y a donc, après le monarque, des fonctionnaires politiques, civils, judiciaires, militaires, ecclésiastiques, il y a même une noblesse titulaire, et non réellement privilégiée; il y a une Légiond'Honneur, créée par la loi; il y a des ordres, des confréries d'honneur autorisées par ordonnances royales. Il y a des titres, des honneurs, des rangs, que le roi décerne; mais les mots dignités et dignitaires ne sont plus des expressions techniques de notre constitution, ni de nos lois constitutionnelles. La rhétorique les souffre; plus exact et sévère, notre langage constitutionnel ne les admet pas.

En conservant des prêtres, des évêques, des vicaires épiscopaux, des curés, des desservans, l'assemblée constituante déclara éteintes et supprimées toutes les dignités ecclésiastiques, et spécialement celles d'official et de promoteur, inventées dans les bas siècles, et insupportables parce qu'elles supposent des prélats armés d'une force coactive extérieure, en contravention à l'Évangile. Aucune loi depuis n'a recréé les officiaux, les promoteurs, aucune loi n'a créé ni reconnu, comme dignités, les offices ecclésiastiques quelconques. Il n'y a donc point légalement en France de dignité ecclésiastique ni séculière ni monacale, ni régulière; ce

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