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il se prépare de nouvelles douleurs et de nouveaux remords.

Ainsi les nobles, et les majoratisés surtout, dégénèrent sans cesse, sous tous les rapports moraux et physiques, et ils tombent fort au-dessous des citadins et des laboureurs qu'ils ont la folie de mépriser.

No VI.

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DISCOURS

CONTRE LE Projet de rÉTABLIR ET D'AGGRAVER LES PRIVILEGES D'AINESSE, DE MASCULINITÉ, DE SUBSTITUTION;

ET DISCOURS SPÉCIAL CONTRE LES SUBSTITUTIONS.

1826.

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Unice à malo est nova rogatio;
Adhuc mala nobis addit infinita;
Fata minitatur pessima Galliæ.

ILLUSTRES PAIRS,

-Vous avez entendu les cris de la douleur et de l'aversion publiques s'élevant de toutes parts contre ce malheureux projet, qui, jusqu'à l'ouverture de vos débats, au milieu d'un déluge d'écrits, tous

en faveur de l'actuelle égalité de partage, n'a guère trouvé que deux apologistes, l'auteur des motifs et le rapporteur de votre commission.

Les hommes les moins clairvoyans ont reconnu dans ce bout de loi le dessein mal déguisé de refaire l'ordre social actuel, afin de recréer le despotisme et les castes, et la misère des trente millions de hors-castes; enfin, de vicier à jamais nos élections, déjà si peu réelles, d'en exclure successivement tous les patentés, de n'y souffrir que les possesseurs privilégiés d'électorats territoriaux, soit nobiliaires, soit ecclésiastiques, et d'anéantir ainsi l'union, le bonheur des familles et notre prospérité agricole, manufacturière et commerciale.

Ainsi j'ai dû, oubliant les infirmités de l'âge, retrouver des forces pour combattre devant vous le parti aveugle et perturbateur qui ne veut souffrir de la Charte qu'un vain simulacre, avec lequel il s'imagine pouvoir conserver le grand budget et les petits budgets. Ce parti, dans son entreprise a débordé les ministres, sans doute, mais, avec la congrégation et les ministres, chaque année, il arrache des pierres angulaires de notre constitution; par-là même, il compromet de plus en plus l'honneur et les intérêts du trône et de la pairie, la liberté, la paix, la félicité nationales.

Voici le cadre fort simple que je me suis tracé, que je vais tâcher de remplir, m'arrêtant aux grands traits, indiquant légèrement les autres, évitant les détails devant des auditeurs si perspicaces, et dans

un sujet immense, déjà traité non moins habilement par vos orateurs, que par d'autres écrivains les plus distingués.

Je prouverai d'abord que le projet en discussion vient d'un grand mal, c'est-à-dire qu'il n'est qu'un accès violent et périodique de la grande maladie anti-constitutionnelle qui sans cesse nous travaille, et qui ne peut se guérir qu'en renonçant d'abord aux contre-lois; je montrerai que ce projet en luimême nous menace de grandes calamités publiques et privées, et n'est appuyé que sur des motifs erronés, faux et trompeurs; je ferai voir qu'il amène et prépare des désordres, des dangers politiques, dont les résultats seraient incalculables.

PREMIÈRE PARTIE.

La cause unique du projet est la guerre à la Charte : il forme

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un acte principal de cette guerre manifeste et continue.

Sans doute, ce projet pernicieux ne doit son existence, et ne devrait sa continuation, annoncée dans les motifs, qu'à un mal énorme, à notre honteuse maladie chronique, à un système d'efforts continuels pour convertir la Charte en pure fantasmagorie, sans perdre, s'il se pouvait, les avantages financiers qu'elle procure.

Ce système seul peut expliquer l'histoire de nos dernières années; seul il peut faire comprendre le vrai but direct du projet qui nous est soumis.

C'est d'assujétir pour jamais les électeurs à la volonté des ministres présens et futurs, en ajoutant de nouvelles entraves électorales à toutes celles qu'on a déjà créées; en diminuant le nombre des électeurs, qu'on a déjà tant diminué par les dégrèvemens de toute sorte; en faisant des électeurs et des éligibles un corps permanent et immobile, par-là disponible, une aristocratie territoriale héréditaire, une ligue de congréganistes, qu'il serait facile de maîtriser par leurs chefs, distribuant à propos le crédit, les honneurs, les emplois, les récompenses.

On se plaignait de la fréquence des élections lorsqu'elles se faisaient par cinquième chaque année; on s'en plaignait parce que les ministres qui veulent absolument choisir, pour bonnes raisons sans doute, les juges de leurs comptes et les surveillans de leurs actes, se trouvaient trop fréquemment distraits par ce travail anti-constitutionnel. Ainsi les députés furent faits septennaux, et les ministres furent un peu à l'aise pour sept ans; il ne leur fallut, pour cette fin salutaire, que changer la Charte du blanc au noir, opérer lesdégrèvemens connus, et faire agir leurs machines administratives. Maintenant, voilà qu'ils ne sont pas rassurés encore pour eux et pour leurs successeurs; ils veulent perpétuer leur victoire contre la Charte par aînesses légales et les substitutions, sans préjudice des dégrèvemens futurs, et d'un nouveau système qui exclurait de l'élection tous les patentés, et d'un

les

autre système encore, qui restreindrait le nombre des électeurs laïcs par la formation des prochains électorats ecclésiastiques. Je reviendrai sur ces deux points.

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Les aînesses, la masculinité, les substitutions, et les deux autres projets, et l'organisation plus directe des familles, de leurs droits et de leur existence civile, annoncée dans les motifs, achèveraient de confectionner, de perfectionner au sens des ministres la matière électorale. A vrai dire, il ne pourrait plus y avoir jamais que des fantômes d'élection. Le projet et la promesse comprise dans les motifs; et les deux autres projets dont je prouverai bientôt l'existence, ne laissent aucun doute sur le plan formé, de soumettre pour toujours le choix des représentans électifs à la pure volonté des ministres; et tout cela n'est encore que l'une des attaques à l'autorité de la Charte, une portion intégrante de la grande guerre entreprise contre elle, et déjà poussée avec tant de succès.

Ici, messieurs, je pourrais développer en un seul tableau les faits qui l'ont signalée, et, plaçant dans ce tableau le nouveau projet, montrer plus sensiblement par quels nœuds étroits il est lié à cette guerre fatale. Au lieu de ces détails assez connus, trop connus de la France et de toute l'Europe, je me bornerai à des hypothèses inoffensives et trèsbrèves, ou je resterai en deçà des bornes prescrites à ce langage clair-obscur, que l'on nomme parle

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