Page images
PDF
EPUB

fautes anciennes et nouvelles commises des deux parts; ce fut la retraite prématurée de tous les constituans qui s'étaient, par une fausse délicatesse, déclarés non rééligibles; ce fut l'inertie du pouvoir royal, et sa conduite plus qu'équivoque, et sa faiblesse accrue par l'absence des Français les plus remarquables par leur naissance et par leurs for tunes; ce furent la haine et la réaction contre les émigrés rassemblés en corps d'armée contre leur pays, excitant et apportant dans leur patrie la guerre étrangère et la guerre civile, afin de ressusciter leurs priviléges et le pouvoir arbitraire : nulle constitution n'eût résisté à l'action corrosive de toutes ces causes réunies..

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

58. A la suite des horribles massacres de septembre 1792, dirigés, ordonnés par le comité de la commune de Paris, insurgée au 10 août, et par Danton, ministre de la justice; au premierjour, au premier moment de la convention, dans laquelle siégeaient les auteurs de ces crimes, et d'où ils ne purent être ôtés qu'en 1794, après une suite innombrable de nouveaux forfaits, la suppression de la royauté fut décrétée ; elle le fut sans discussion, et

lorsqu'un grand nombre de députés n'avaient pu encore se rendre à l'assemblée.

Aussitôt l'anarchie, le vice et l'ignorance étaient appelés dans les administrations, dans les tribunaux, sous prétexte d'un renouvellement extraordinaire des autorités; car les épurations ne furent inventées qu'en 1793. Les délations, les emprisonnem ens illégaux, les déportations, les confiscations, des scènes de pillage, des missions dictatoriales dans les départemens, la ruine de nos villes les plus commerçantes et les plus peuplées, tout semblait préluder au supplice du roi, aux tentatives séditieuses de le remplacer par un de ses juges membre de sa famille, à de nouveaux complots, à de nouvelles insurrections de la criminelle municipalité de Paris et de ses deux clubs auxiliaires parisiens, aux comités et aux tribunaux dits révolutionnaires, à la persécution, à la proscription des députés qui, n'ayant pas voté la mort du dernier monarque, avaient tâché d'arrêter les désordres en provoquant une constitution nouvelle, en république une et indivisible, sans pouvoirs héréditaires.

Ces députés sont poursuivis par la violence et par la fraude; ils sont mis hors la loi; plusieurs d'entre eux sont suppliciés sans formes; les départemens s'ébranlent contre les députés oppresseurs de leurs collègues, et c'est afin de calmer l'effervescence générale que paraît la constitution de 1793; elle est décrétée en quelques jours par ceux qui avaient scandaleusement lutté plusieurs mois

pour empêcher, pour retarder au moins toute discussion sur ce sujet; on l'avait extraite avec plus d'élégance et de briéveté que de clarté et de précision d'un grand plan de pure démocratie présenté à la convention en février 1793, au nom d'une commission, par le célèbre et malheureux Condorcet. La folle doctrine des suffrages universels, présentement l'épouvante de l'Angleterre, y est adoptée. Le corps législatif n'aurait eu que le droit de proposition et d'exécution provisoires, la décision définitive étant réservée, en matière de législation et de gouvernement, aux assemblées primaires.

dou

A peine un tel système pourrait s'établir dans la plus petite cité, ne possédant autour de ses murailles qu'un modique territoire. Il est plus que teux qu'on ait voulu sérieusement l'appliquer à la France; mais il fut accepté dans tous les départemens, sous l'influence de la terreur et des proconsuls, par l'espoir et même avec le vœu durement prononcé de voir le plus promptement la convention remplacée par un nouveau corps législatif,

[ocr errors]

59. Les auteurs de cette œuvre anarchique avaient d'autres pensées, et il est vrai que la retraite subite des conventionnels aurait amené probablement une subite et entière contre-révolution, une réaction terrible. Après avoir mutilé la représentation nationale par des séditions, des violences et des proscriptions, les conventionnels excitateurs du 31 mai'

Il y avait deux complots dans la sédition des 31 mai et 2 juin 1793,

couvrirent la France de suspects et de prisons d'état; ils mirent en permanence et en grande activité, dans la plupart des villes, avec des juges ou plutôt des commissaires féroces, les instrumens du dernier supplice; ils employèrent pour la destruction d'autres moyens plus odieux, plus révoltans; les séquestres et les confiscations frappaient, désolaient, ruinaient toutes les familles; enfin, ce fantôme de constitution de 1793, ils ne craignirent pas de le remplacer, dès la fin de la même année, par une tyrannie universelle, sous le nom de gouvernement révolutionnaire. Mais ce fut durant cette crise affreuse, déshonorée d'ailleurs par tous les excès et par tous les scandales imaginables', qu'au nom et par les soins de la malheureuse convention,

L'un était dirigé par quelques députés qui réussirent dans leur plan personnel de terreur et d'anarchie révolutionnaire ; l'autre était conduit par un cómité insurrecteur, dit de la commune de Paris, et composé d'étrangers qui ne réussirent pas à détruire, à disperser la convention, mais seulement à la déconsidérer, à préparer de nouveaux désordres, et par eux le rétablissement du despotisme. Un illustre émigré, fort lié avec. M. Pitt, écrivait en juin 1793, de Londres à Munster, à une princesse émigrée : « L'insurrection 'de mai était concertée à Londres: avec quelques chefs de » plus, elle eút réussi. Il fallait ne rien laisser faire de solide à ces gens-là.» Je tiens ce texte d'un émigré qui a vu, touché et lu cette lettre insérée, m'a-t-on dit, dans le Journal d'Économie publique de M. Roederer. Ab una conjuratione, ab uno tumultu discamus omnes.

'N'oublions pas que les affreux scandales d'une actrice métamorphosée en déesse Raison, apportant, sur des ânes, à la convention, les instrumens du culte, ensuite intronisée sur le tabernacle du maître-autel de Paris, adorée, encensée et couverte d'une pluie de fleurs par les figurantes de l'Opéra, furent inventés et payés par trois ex-privilégiés. (Voy. pag. 38, no 5o.) Les grands coupables étaient ceux-là qui devaient seuls profiter de ces énormes sacriléges.

l'on vint à bout de lever quatorze armées, dont la patience, les sacrifices et le merveilleux courage sauvèrent alors les Français du joug de l'étranger, du malheur d'un démembrement et des vengeances des émigrés. Les frontières furent étendues jusqu'au Rhin par la victoire, et de glorieux traités de paix furent conclus avec les puissances voisines.

60. Cinq mois seulement après la catastrophe du 9 thermidor, finit le régime affreux de la terreur. On vit rentrer dans la convention les restes de cent vingt députés proscrits comme traîtres, pour avoir porté jusqu'au plus généreux dévoûment leur fidélité à la patrie, à la morale et aux lois. On reconnut l'impossibilité d'organiser la constitution de 1793. Une autre lui fut substituée, en date du 22 août 1795: elle attribuait à un conseil des cinqcents la proposition des lois et des contributions; la surveillance du pouvoir exécutif avec l'approbation des résolutions de ce conseil, à un conseil d'anciens, âgés au moins de quarante ans ; le pouvoir exécutif à cinq directeurs nommant et révoquant les ministres, les généraux d'armée; et le jugement des accusations contre les membres du conseil des anciens et contre les directeurs, à une haute cour criminelle; les cassations, les renvois d'un tribunal à un autre, les réglemens de juges et les prises à partie, à une cour nationae de cassation; la manutention des finances à une tresorerie nationale élective; la comptabilité générale à une commission quinquennale; enfin, les change

« PreviousContinue »