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point sauvé les Césars ni les patriciens de Rome, ni les anciens nobles français qui s'appuyaient en outre sur la féodalité. Les substitutions, même perpétuelles, concourant avec l'aînesse et la masculinité, n'ont point sauvé le gouvernement féodal; elles n'ont point sauvé le trône de France; mais leur souvenir récent est l'une des causes qui ont préparé les catastrophes les plus funestes.

Mais puisqu'à un premier degré elles ont paru supportables, voyons à combien de degrés, et à quelle espèce de degré les ministres veulent fixer la dose pour laquelle ils s'efforcent vainement d'exciter nos désirs.

C'est là ce qu'il est difficile de découvrir. Si vous écoutez les auteurs, les fauteurs du projet, tous vous invitent à vous élever à la perfection de l'ancien régime, à celle de l'ordonnance d'Orléans, de Moulins, et de la célèbre ordonnance de 1747, où d'Aguesseau voyait la perfection, c'est à dire un moindre mal, la seule perfection dont cette matière odieuse est susceptible; car d'Aguesseau Ja jugeait un vrai mal, comme font depuis cent ans les publicistes et les économistes ; il écrivait, à propos des substitutions: « Faut-il que la vanité force à donner de mauvaises lois ?>>

Il n'est donc pas douteux que toutes les ordonnances citées, notamment celle de 1747, art. 33, n'admettent par chaque acte de substitution que deux degrés comptés par personne, au total, deux substitués successivement.

Puisqu'au contraire notre Code Civil, art. 1051, (abrogé tout à-la-fois et conservé par l'art. 3 du projet) déclare nulle toute substitution qui n'appelle pas à la recueillir tous les enfans du grevé; ce qui a rendu forcée, depuis 1810, la computation par génération, l'art, 3, tel qu'il est proposé, nous laisserait par chaque acte de substitution deux degrés comptés pour un seul ou pour plusieurs substitués, ce qui admet le calcul par génération, ou portion collective de génération, et ce qui, faisant concourir les deux calculs, est contraire à l'article 33 de 1747, et à l'art. 1051 du Code Civil.

J'ai donc prouvé que nos adversaires, sur la grande question qui nous divise, ne savent pas de quoi ils parlent, qu'ils ne savent pas ce qu'ils affirment, ce qu'ils demandent. Ils devraient au moins lever la contradiction, en ajoutant à ces mots, jusqu'au second degré inclusivement, compté par personne ou par génération. Deux substitués, ou trois, quatre, cinq, dix, vingt, sont choses si différentes, qu'on ne peut admettre l'article dans l'état où il se trouve, et qu'il faut le rejeter, ou le restreindre, suivant la prétendue, perfection de l'ancien régime et de l'ordonnance de 1747.

« Ici, M. le ministre de la justice m'a interrompu, contestant qu'il ait énoncé, exprimé l'intention que l'on compte les degrés par génération;

Il l'a clairement énoncée dans l'art. 3, puisque cet articlé permettrait de favoriser, tant au premier qu'au second degré, un ou plusieurs

et il a soutenu dans la même séance que dans nos tribunaux les degrés de substitution se comptent toujours, et doivent toujours compter, en sorte que chaque personne substituée forme un degré. Un noble vicomte l'a remercié de ce prétendu éclaircissement, qu'il a fait insérer au procès-verbal, comme un trait de lumière, pour constater le sens dans lequel l'article 3 serait adopté par la chambre des pairs; mais la computation par génération est l'un des deux sens de cet article, et plusieurs fois cela est énoncé clairement dans le rapport de la commission.

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Reprenant ensuite mon second point, j'ai prouvé, d'après les citations de Montesquieu, rassemblées page 34 et 35 de mon discours imprimé sur le projet entier, que, suivant cet auteur, les inégalités de partage, et notamment les substitutions, ne sont bonnes que pour soutenir les monarchies absolues où despotiques; qu'elles ne sont

substitués, termes qui excluent la computation d'une seule personne par degré. Les paroles du ministre, dans le Moniteur, sur la computation par degré d'une seule personne, l'acceptation de cette erreur de fait par un noble vicomte, l'insertion qu'il en a demandée et obtenue au procèsverbal, lorsque ma voix éteinte et enrhumée ne me permettait plus d'insister toutes ces singularités historiques sont trop remarquables. Au moins elles démontrent que l'art. 3 et l'art. 33 de l'ordonnance de 1747 n'ont pas été compris par les partisans de l'article; et que, si l'art. 3 n'était pas ou retiré (comme il devrait l'être expressémeut ou tacitement), ou renvoyé à la chambre des pairs, ou rejeté, ou amendé, ce serait un phénomène unique dans les annales de la législation parlementaire. Pour le bonheur des Français, tout ce projet a été jusqu'ici bien malheureux.

bonnes que là; d'où il suit qu'elles sont mauvaises dans les monarchies constitutionnelles et représentatives, comme la nôtre.

J'ai conclu: Il est donc prouvé que les ministres et les autres patrons de l'art. 3 sont en contradiction avec eux-mêmes, sur le sens de cet article, conséquemment qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, et ce qu'ils affirment, ce qu'ils demandent; il est prouvé aussi que Montesquieu à dit précisément le contraire de ce qu'ils attendent, et qu'ainsi Montesquieu suffirait pour faire condamner leur article 3, dont je vote le rejet.

No VII.

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DISCOURS

SUR LA COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE DES PAIRS

EN CRIME D'ATTENTAT A LA SURETÉ DU ROI ET DES MEMBRES DE SA

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LORSQU'UNE Constitution écrite a été long-tems ajournée dans ses développemens les plus nécessaires, lorsqu'elle a été long-tems contrariée, sus

pendue, lorsque l'exécution en a été souvent arbitraire ou illusoire, si l'on ne s'arrête pas dans cette voie funeste, l'état se trouve en pleine marche vers sa dissolution prochaine; et, en attendant qu'il reprenne, s'il en est capable, une vie nouvelle, il est exposé de toutes parts aux plus grands malheurs.

Au milieu de nos tristes déviations, selon mon devoir j'espère, s'il le faut, contre l'espérance, que nous rentrerons dans l'ordre constitutionnel; j'aime à croire que nous voulons tous y rentrer, puisque c'est le salut de tous.

Voilà, messieurs, à quels sentimens j'ai cédé en vous proposant d'éclaircir les épais nuages qui couvrent encore notre compétence générale et même provisoire, en crime d'attentat à la vie ou à la personne du roi ou des membres de sa famille. Nous sommes traités dans les tribunaux, devant la France et l'Europe, contre le texte de nos lois, contre le texte de nos actes, comme une cour anticonstitutionnelle, un tribunal d'exception, d'attribution arbitraire; on nous refuse toute compétence naturelle et légale; on proclame que, dans l'état des choses, nous n'avons pour titre qu'une délégation de fantaisie et de pur choix, qui doit s'arrêter dans les limites qu'on lui aura spécialement tracées par une ordonnance. Tant et si long-tems que cette doctrine honteuse et funeste, cette pratique générale anticonstitutionnelle, devenue, de fait, obligatoire dans tout le royaume, tant qu'elle sera subsistante, nous ne pouvons, ni effectivement ni

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