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ses proclamations la manière et le tems de mettre

les lois à exécution.

No IX.

VUES POLITIQUES

SUR LES CHANGEMENS A EAIRE

A LA CONSTITUTION D'ESPAGNE,

AFIN DE LA CONSOLIDER, SPÉCIALEMENT DANS LE ROYAUME DES

DEUX-SICILES.

JANVIER 1821.

Non ut Pythius Apollo sed ut homunculus.....

CIC.

AVERTISSEMENT.

DANS toute l'Europe civilisée, le progrès naturel des lumières et de l'industrie a rendu si généralement odieux le gouvernement arbitraire et les inégalités factices, étrangères à la liberté, au bonheur social, que les constitutions écrites et représentatives, qui étaient encore, avant 1789, l'heureux privilége de quelques territoires, dans les grands états, sont devenus le droit commun des rois et des peuples entiers.

Mais tout ce qui sort de la main des hommes se ressent de l'imperfection des auteurs.

Soit que des représentans électifs imposent des constitu

tions aux rois et aux grands, soit que les rois prétendent les octroyer aux nations, le besoin d'améliorer se fait bientôt ressentir plus ou moins généralement. On a vu les États-Unis. d'Amérique forcés d'admettre des changemens dans leur constitution naissante, de resserrer leur lien fédéral, et de fixer des formes spéciales pour introduire au besoin d'autres mutations futures. Ces formes sages, déjà ils les ont mises en pratique, et ils se préservent ainsi des secousses dangereuses.

La constitution française de 1791 avait des formes de révision, mais elle n'a pu en attendre l'époque, ni même les observer. Elle est tombée, non pas seulement parce qu'il y avait au dehors une émigration nombreuse, et au dedans une cour mécontente qui, avec les émigrés, provoquait la guerre étrangère contre la constitution et la patrie, mais encore parce que l'évasion du roi, en 1790, ayant rendu impossible tout concert avec lui, pour régler ses attributions, l'unité de chambre, nécessaire sans doute en 1789, fut conservée en 1791; et parce que l'on repoussa le droit royal de dissoudre l'assemblée législative, droit sans lequel il n'y a point assez de garantie pour un chef héréditaire.

Il y avait encore deux autres vices dans la constitution de 1791, l'amovibilité périodique de tous les juges, et peut-être aussi la permanence habituelle de la session législative. Sur les avantages et les inconvéniens de cette permanence, il peut rester encore des doutes raisonnables, dont il faudrait renvoyer l'examen, ou du moins la décision, à des tems futurs et surtout pacifiques, où l'on sût haïr autant, dans les lois, la prodigalité que l'avarice.

Au reste, on convient que cette constitution mérite de grands éloges. Elle fut reçue avec satisfaction, avec une profonde reconnaissance. Il serait peu raisonnable de la censu, parce qu'elle ne tolérait point cette noblesse nominale et de caprice royal, qui s'agite encore pour dominer par des priviléges.

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Telle est la constitution que les plus héroïques et les plus

religieux des hommes, les Espagnols, prirent pour base de leurs travaux, en 1812, mais sans avoir pu se concerter avec leur roi, pour lequel ils ont fait tous les sacrifices, et dont ils ont aussi trop énervé la puissance lorsqu'il était prisonnier de Napoléon.

Pendant la guerre de la liberté contre l'Europe coalisée, les Français avaient légèrement aboli la royauté. Long-tems ils triomphèrent en se faisant à eux-mêmes des maux infinis, dont aucun des deux partis ne fut innocent. Mais ils se confièrent trop à l'un de leurs guerriers. Ils souffrirent qu'il recréât le pouvoir absolu, parce qu'ils espéraient l'avenir, parce qu'il leur conservait l'indépendance extérieure, et qu'il les enivrait de la folle gloire des conquêtes.

Ce guerrier succomba, victime de son ambition et de son despotisme. Louis XVIII fut rétabli sur le trône de ses ancêtres, il donna cette Charte, en vain garantie par les étrangers, et que bientôt il a reconnue vicieuse dans quatorze articles; cette Charte, qu'il a déclaré ensuite ne vouloir jamais changer, mais que nos ministres et les chambres ont toujours exténuée par des lois de proscription, de suspension, de suspicion et de violation; ajournant, refusant, rétractant ses développemens et ses conséquences, faisant revivre arbitrairement les constitutions abrogées par elle, et même les décrets illégaux du ci-devant chef de l'empire. Il en est résulté que cette Charte a besoin, autant et bien plus d'être rétablie, ou tout-à-fait remplacée par une autre, que d'être révisée avec des formes qui assurent la permanence de tout ce qui ne serait pas changé par la révision. Déjà n'est-ce pas un crime de l'avoir invoquée, et d'avoir protégé la vie de ses défenseurs officiels, menacée avec violence et impunément ? Le peuple n'est-il pas forcément représenté par des privilégiés, en raison inverse de ses intérêts? La cour des pairs n'est-elle pas, dans les tribunaux, dégradée, et mise au rang honteux des commissions extraordinaires? Ne voyons-nous pas régner l'article 75 de la constitution de l'an VIII, et un

amovible, juger, présider à la cour de cassation, en vertu d'une constitution impériale, comme s'il avait le titre et l'office de grand-juge impérial, incompatibles avec la Charte et la liberté ?

Au milieu de ces vicissitudes, les rois, les princes, d'Allemagne ont imposé des constitutions, mais plusieurs d'une main trop parcimonieuse, ou d'une manière presque totalement

illusoire.

Le roi d'Espagne, de retour dans ses états, prétendit annuler, sans la faire remplacer, la constitution de 1812, et sembla réussir un tems par le fer et par le feu, par l'inquisition et par les jésuites, dans le silence de la presse. La nation, déconsidérée au dehors, était opprimée au dedans par les délateurs et par les suppôts farouches du régime absolu : le roi lui-même et sa famille étaient à la quête du nécessaire. Les conspirations éclataient, et les supplices des conspirateurs ne servaient qu'à enflammer l'esprit de conspiration générale.

Dans cet état, a commencé la seconde révolution espagnole. Enfin le roi s'est uni au peuple. La constitution de 1812 a été solennellement acceptée, publiée, exécutée. Les cortès ont été convoqués. Tel est le caractère, aussi ferme que patient et magnanime, de la nation espagnole, qu'une première session des cortès a déjà été, de concert avec le roi, tenue et terminée au milieu des complots renaissans de la vieille aristocratie cléricale et nobiliaire; et ces complots, restés impunis jusqu'à présent, par d'inconcevables retards de publicité, et des procédures publiques, selon la constitution, ont recom— mencé : ils sont assoupis, mais ils exigent encore une grande vigilance ministérielle et civique.

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En même tems, la révolution, qui semblait moins urgente dans les Deux-Siciles que partout ailleurs, s'y est pleinement déclarée par l'adoption subite, mais provisoire, de la constitution espagnole, de 1812. Elle a bientôt pénétré dans le

Portugal. On l'y a jurée; on voudrait l'y voir déjà mise à exécution.

En 1815, et pendant les cent jours, les patriotes de 1789, les représentans électifs les plus ardens, mais les plus expérimentés, montrèrent plus de réserve. On leur proposa la constitution de 1791, prototype de celle d'Espagne, et ils aime rent mieux en rédiger une autre où ils acceptèrent les deux chambres, et attribuèrent au roi le pouvoir nécessaire de dissoudre la chambre élective.

D'ailleurs, il y a dans la constitution espagnole des innovations heureuses, mais aussi quelques taches, et des longueurs, des répétitions, des équivoques, des minuties qu'on doit faire disparaître.

Puisqu'elle doit être incessamment révisée, non pas en Espagne, où il se peut qu'elle ait six ans d'une durée paisible, mais dans les Deux-Siciles et en Portugal, on a cru se rendre utile en présentant des observations, des vues modérées sur les avantages et sur les défauts de cette même constitution.

Il serait très-superflu d'essayer de la défendre contre une déclamation virulente publiée d'abord en allemand, et puis en français, par M. Haller, sous ce titre : La Constitution des Cortès d'Espagne, par M. Haller. Paris, 1820, 102 pages. On peut affirmer n'avoir pris lecture de cet ouvrage qu'après avoir entièrement achevé celui-ci. Lorsqu'un auteur écrit avec colère et dénigrement, lorsqu'il se livre aux égaremens de l'enthousiasme le plus aveugle, osant demander, pour le bonheur public, les douceurs de la torture, les bienfaits de l'inquisition, et le savoir faire des jésuites; enfin, conseiller aux rois le parjure et le bouleversement des lois fondamentales, il ne mérite que la compassion et l'oubli.

M. Bentham, à qui l'on doit en législation quelques idées vraiment utiles, parmi un grand nombre qui semblent ne pas l'être, et d'autres qui n'aboutissent qu'à changer plutôt les

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